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Une encyclopédiste médiévale : HERRADE de LANDSBERG

7 décembre 2019Laisser un commentaireAnecdotes, Objets de curiosité

La perte d’un trésor médiéval

Sous les bombardements des troupes prussiennes, les habitants de Strasbourg assistent, dans la nuit du 24 au 25 août 1870, à un terrible incendie qui ravage de fond en comble les collections de la bibliothèque municipale du Temple-Neuf qui n’avaient pas eu le temps d’être protégées ou déménagées. Cette bibliothèque, riche de près de 400 000 volumes, était alors très renommée en Europe pour ses manuscrits anciens et ses livres rares. Parmi les pertes irréparables causées par cette catastrophe, figure en premier lieu un manuscrit unique en son genre : l’Hortus deliciarum, soit en français le Jardin des délices, qui avait pour caractéristique d’être la première encyclopédie rédigée par une femme du XIIe siècle.

HERRADE, première femme encyclopédiste

Cette encyclopédiste du nom de HERRADE de LANDSBERG (ci-dessous un autoportrait, dans lequel elle tient un cartouche contenant une de ses poésies) est également appelée HERRADE de HOHENBOURG, selon le nom de l’abbaye alsacienne dont elle devint l’abbesse en 1167. Cet établissement religieux, fondé en 680, porte aujourd’hui le nom d’abbaye du Mont Sainte-Odile.

Grâce à l’action de RELINDE, l’abbesse précédente, et au soutien de l’empereur FRÉDERIC BARBEROUSSE, Hohenbourg, ravagée lors de pillages, avait été restaurée à grands frais et abritait une communauté féminine brillante et lettrée, dont la plupart des membres étaient issues de la haute noblesse. Parmi les novices figure alors la jeune HERRADE – appartenant sans doute à la famille aristocratique des LANDSBERG, même si ce point est encore sujet à caution – qui, au fil des ans, devient la véritable fille spirituelle de RELINDE et se trouve naturellement désignée pour lui succéder. Faisant montre d’une grande culture, elle entretient une correspondance avec des abbés, des savants, et même le pape et l’Empereur. Une fois placée à la tête de l’abbaye, elle contribue à en faire un haut lieu de spiritualité et de création intellectuelle, en bâtissant un scriptorium et en étoffant le fonds de la bibliothèque. Par ailleurs, elle se lance dans un travail totalement personnel : la création d’une véritable encyclopédie d’inspiration chrétienne, d’une beauté et d’une qualité inégalées.

Pendant une quinzaine d’années – le manuscrit n’est pas daté mais des indices laissent supposer qu’il a été réalisé entre 1159 et 1175 -, elle écrit et illustre elle-même l’Hortus deliciarum. Le manuscrit, rédigé sur vélin, compte 648 pages et 346 dessins mettant en scène près de 9 000 personnages réels ou allégoriques. Cette abondante et belle iconographie se présente de manière originale, car chaque gravure se trouve placée au centre d’un récit qui, de par sa position, sert de commentaire à l’image présentée.

Les illustrations, qui couvrent près du quart de l’ensemble, ont beaucoup contribué à la célébrité de l’Hortus deliciarum. Nous avons ci-dessous deux magnifiques pages enluminées. Celles-ci sont d’autant plus remarquables et intéressantes que HERRADE s’y est représentée elle-même (page de droite en bas à droite, pour le détail se reporter à l’illustration présentée plus haut), en compagnie de ses moniales, dont tous les noms sont indiqués. Sur la page de gauche, un peu à l’écart d’une foule de personnages parmi lesquels se tiennent le CHRIST et SAINTE ODILE, il est possible de reconnaître RELINDE, l’ancienne abbesse.

Le contenu de l’ouvrage est en accord avec l’esprit de l’époque. Il a pour objet de dresser un panorama des connaissances humaines toujours analysées sous une approche théologique. Ce parti pris explique l’omniprésence dans le discours et les démonstrations des Saintes Écritures, et en particulier de la Bible, prise comme référence religieuse mais également “scientifique “. Le livre lui-même est divisé en six parties : Dieu, l’univers, la terre et la cosmogonie ; l’homme ; l’histoire ; la vie de JÉSUS et des Apôtres, l’Empire romain ; l’Église et son organisation, l’Antéchrist ; l’Apocalypse et le Jugement dernier. Il est complété par la liste des papes et un calendrier donnant les dates de Pâques jusqu’en 1707.

Ci-dessous, quelques exemples de thèmes abordés : à gauche, une évocation saisissante de l’Enfer ; au milieu, l’Échelle du Paradis ; à droite, la célèbre image de la Roue de la fortune qui voit les puissants triompher et chuter.

 

À première vue, l’Hortus deliciarum pourrait s’apparenter aux sommes théologiques de son temps, riches en allégories et en représentations symboliques, comme par exemple celle du pressoir mystique. Mais, à côté des thématiques religieuses et bibliques, HERRADE a inséré beaucoup d’éléments variés de ce qu’on pourrait appeler la culture profane. En plus de nombreux poèmes et chants, elle évoque ici les sept arts libéraux (ci-dessous en haut à gauche), décrit le fonctionnement d’un moulin à eau (ci-dessous en haut à droite), les signes du zodiaque (en bas à gauche), et aborde même le thème de la chevalerie et l’art du combat (en bas à droite).

 

Pour se constituer une documentation, il est vraisemblable que notre abbesse a travaillé en étroite collaboration avec d’autres abbayes alsaciennes, comme Munster, Sainte-Foy et Murbach, sous la forme d’échanges et de prêts d’ouvrages.

Ce manuscrit connaîtra une histoire tumultueuse, à l’image des troubles et des conflits qui affecteront la région au cours des siècles. Ayant échappé pendant plus de trois siècles aux incendies et aux pillages, il est transporté à Saverne en 1546, puis, pour une raison inconnue, il intègre au XVIIe siècle la bibliothèque des chartreux de Molsheim. A la suite de la Révolution, en 1790, le couvent est fermé et le livre est déposé, comme beaucoup d’autres œuvres confisquées dans les couvents, à la bibliothèque de Strasbourg. Enfin, après 700 ans d’existence, ce chef-d’œuvre médiéval se trouve détruit en 1870 dans les conditions déjà évoquées en introduction.

La renaissance de l’Hortus deliciarum

Si nous avons connaissance de ce précieux document, c’est grâce à des descriptions et surtout à des copies, le plus souvent partielles, effectuées au cours des siècles, des extraits et des poèmes ayant déjà été retranscrits dès le XVIe siècle. En 1695, un chartreux recopie le texte, mais cette version sera par la suite jugée suspecte et volontairement lacunaire, certains passages considérés “irrespectueux” ayant été purement et simplement censurés.

Quant à la magnifique iconographie de l’ouvrage, elle a heureusement éveillé l’intérêt des chercheurs dès le XIXe siècle, dont plusieurs ont réalisé des copies et des calques (ci-dessous un exemple).

Nous ne pouvons qu’exprimer notre gratitude à ces érudits, sans lesquels ce trésor aurait été irrémédiablement perdu. Citons en particulier Christian Maurice ENGELHARDT, à qui l’on doit de magnifiques reproductions, le comte Auguste de BASTARD d’ESTANG et l’archiviste Louis SCHNEEGANS qui ont permis que 80% des illustrations nous soient connues. Après l’incendie, Alexandre STRAUB, chanoine de la cathédrale de Strasbourg, qui avait lui-même réalisé une vingtaine de calques, se voit confier la mission de regrouper les copies effectuées pour publier une version reconstituée du livre disparu. Celle-ci est publiée en fascicules entre 1877 et 1899 grâce au financement de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace. Malheureusement, cette édition souffre de n’avoir pas pris en compte le remarquable travail de BASTARD d’ESTANG, effectué entre 1832 et 1869. En effet, si ce dernier n’a pas laissé d’indications de couleurs, nous lui devons la sauvegarde d’une grande partie du texte et de nombreuses illustrations très minutieusement recopiées.

Dans le but de publier une version plus complète, des spécialistes ont été recrutés pour colorier toutes les images. En 1979, l’Institut Warburg édite un Hortus deliciarum dans lequel l’ordre originel des textes et des images est rétabli. En Alsace, grâce au travail d’Auguste CHRISTEN, une version reconstituant les planches du livre est publiée en 1990, puis rééditée en 2004, sous le titre Le plus beau trésor d’Alsace.

Pour aller plus loin, nous vous conseillons la visite du site autour-du-mont-sainte-odile, véritable mine d’informations sur le sujet. La courte vidéo ci-dessous présente plusieurs illustrations de l’Hortus deliciarum.

Enfin, pour être complet, et si vous êtes amateur de polars historiques dans la veine du Da Vinci Code, sachez qu’il existe un roman de Jean-Claude DIEMER qui adopte l’hypothèse que l’Hortus deliciarum aurait survécu à l’incendie et refait son apparition

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