Une curiosité bibliophile et une expérience psychanalytique : le Livre rouge de Carl Gustav JUNG
Les livres sur microsillon
Ceux d’entre nous qui ont atteint un âge “respectable” se souviennent peut-être toujours de l’existence de livres enregistrés sur disques. Reprenant généralement des titres destinés à la jeunesse, ces objets étaient constitués d’un coffret, associant une galette en vinyle à un album reprenant le texte d’un livre. Un indicatif sonore, du genre tintement de clochette, signalait le moment où il fallait tourner la page. Des acteurs – comme, par exemple, FERNANDEL, Pierre BRASSEUR, Michèle MORGAN ou BOURVIL – prêtaient leur voix pour lire, en version intégrale ou abrégée, des classiques comme Les Lettres de mon moulin, L’Île au trésor, La Belle au bois dormant, Les Contes d’Andersen, Peau d’âne, Le Roman de Renart ; mais aussi des récits mythologiques, des légendes ou des chansons traditionnelles. Ces coffrets seront particulièrement utilisés par la société Walt Disney comme “produits dérivés” de ses dessins animés ou pour la promotion de son catalogue de séries comme Davy Crockett, Zorro, Winnie l’ourson ou Mickey. Ce type de “produits” va perdurer sur plusieurs décennies, avant d’être détrôné par le CD. Si, de toute évidence, le livre-disque n’était pas adapté à la lecture d’un dictionnaire, il pouvait se prêter à celle d’une encyclopédie thématique composée d’une collection de 33 tours. C’est le pari qui sera relevé, dans les années 50, par Georges HACQUARD.
Né à Toulouse en 1918, ce dernier obtient l’agrégation de lettres et, à partir de 1945, devient professeur de lycée à l’École alsacienne de Paris. En 1953, il devient directeur de cet établissement privé réputé, responsabilité qu’il exercera jusqu’à son départ en retraite, en 1986. Il se fera connaître pour ses conceptions pédagogiques basées sur l’échange et la collaboration, thèmes qu’il développera dans un livre intitulé Vers l’école idéale, publié en 1971. Il sera également un des auteurs du Guide romain antique, véritable “best-seller” scolaire pendant plusieurs décennies.
Fidèle à sa volonté de démocratiser la culture, vue comme le complément indissociable d’une instruction réellement complète, il se tourne vers un concept qui vient tout juste d’être développé en France par le producteur Lucien ADÈS, celui du livre enregistré sur disque. Ainsi germe dans son esprit l’idée d’une encyclopédie sonore, qui permettrait d’associer la pédagogie et un plaisir d’écoute qui rendrait la transmission des connaissances plaisante et vivante. Un accord est conclu entre la célèbre maison d’édition Hachette et la société Ducretet Thomson, laquelle, spécialisée à l’origine dans la production d’appareils radiophoniques et phonographiques, vient alors de lancer son propre label discographique.
L’Encyclopédie sonore
D’emblée, l’Encyclopédie sonore ne se présente pas comme une encyclopédie classique gravée sur disque, mais plutôt comme un ensemble de séries correspondant à divers sujets. Elle n’a pas pour vocation d’être exhaustive, mais plutôt de proposer un véritable outil pédagogique destiné à tous les publics. Les sciences physiques et naturelles, les mathématiques, la médecine, ou encore la géographie et les arts techniques – pour lesquels le recours à un support sonore semble être d’un intérêt très relatif – ne rentrent pas dans cette démarche. HACQUARD va concentrer ses efforts dans d’autres domaines, à savoir la littérature, le théâtre, l’histoire et, bien entendu, la musique. Des collections voient le jour, tantôt spécialisées, tantôt transversales, sans que leurs sorties respectent un ordre préétabli. Ce foisonnement renforce l’idée d’un ensemble éclectique qui force le respect par l’ampleur de son catalogue. Voici quelques titres pour en donner un petit aperçu : Le Chevalier Bayard ; Anna de Noailles : poèmes ; Initiation à la rythmique ; La Pensée de Marx ; Sur un air de France ; Il était un petit navire, ballet pantomime ; La Chanson de Roland ; André Malraux, pages choisies ; Napoléon Ier ; Le Procès de Jeanne d’Arc ; Visages de Giraudoux ; Le Cid ; Les grandes scènes d’amour du théâtre français ; ou encore Le Château féodal.
Ci-dessous, nous vous présentons trois exemples, avec La Vie de VERCINGÉTORIX, dans la collection Le Passé vous parle ; la biographie de COLETTE, dans la série Femmes de toujours ; et Paris sous Louis XIV, dans la série Époques de la vie des peuples et des nations.
Des voix célèbres
En dehors de quelques titres purement scolaires, tels que Le Français élémentaire et Le Répétiteur d’anglais, l’Encyclopédie sonore s’intéresse à ce qui relève de la vulgarisation culturelle, grâce à une technologie qui rend l’érudition ludique et immersive. Chaque enregistrement fait l’objet d’une théâtralisation produite par une véritable mise en scène sonore. HACQUARD et son équipe nouent également un véritable partenariat avec l’acteur Jean DESCHAMPS et le Théâtre national populaire de Chaillot (TNP) ; collaboration qui leur permet de faire appel à des voix bien connues et à des comédiens renommés, tels que Georges DESCRIÈRES, Jacqueline MORANE, Maria CASARÈS, Georges WILSON, Gérard PHILIPE, Jean-Louis BARRAULT et Pierre FRESNAY. Beaucoup d’enregistrements font l’objet de véritables spectacles sonores tels le 33 tours consacré à Christophe COLOMB, issu de la collection Le Passé nous parle, qui mobilise plusieurs acteurs du TNP ainsi que le musicien Maurice JARRE. Un grand nombre de pièces de théâtre et de romans sont traités de la même manière, comme Dom Juan, Robinson Crusoé, Lorenzaccio, ou encore des recueils de textes choisis consacrés à CAMUS, aux Tragiques Grecs, IONESCO ou TOLSTOÏ.
HACQUARD se rapproche également de la Radio-Télévision scolaire (RTS). Chapeautée depuis 1951 par l’Institut pédagogique national, cette radio produit des émissions destinées à être regardées ou écoutées dans le cadre de salles de classe équipées. Plusieurs de ces réalisations sont fixées sur des microsillons, afin d’en faire des outils plus faciles à diffuser dans les centres de documentation et les bibliothèques.
Si la littérature, sous toutes ses formes – poèmes, contes, essais, correspondance, journaux, théâtre, discours – et de toutes les époques, se taille la part du lion dans son impressionnant catalogue, HACQUARD n’a pas délaissé la musique et le chant, ses autres grandes passions. C’est ainsi que L’Encyclopédie sonore propose aussi bien une méthode pour reconnaître le timbre des instruments de l’orchestre que des florilèges de chants traditionnels ou patriotiques, des chansons de Noël, des notions d’histoire de la musique et de solfège, des chants adaptés pour les cours élémentaires et préparatoires, ou encore des anthologies présentant les “grandes formes instrumentales”.
L’irruption du CD
La production de nouveaux titres s’arrêtera progressivement au bout d’une vingtaine d’années, mais l’arrivée, dans les années 80, du Compact Disc, ne sonnera pas pour autant le glas de l’Encyclopédie sonore qui, ayant bénéficié en son temps d’enregistrements d’une grande qualité technique, constitue un magnifique fonds d’archives. Le label est resté dans le giron d’Hachette et certains titres, comme Les Fables de La Fontaine et Le Misanthrope, ont été réédités sur ce nouveau support. D’autres sont en outre accessibles en ligne, via Gallica.
Signalons enfin qu’il existe une autre encyclopédie sonore depuis 1998. Il s’agit cette fois d’un “service éducatif en ligne“, proposé par plusieurs universités françaises et étrangères sous la forme d’une banque de données documentaires et d’un système de diffusion sonore de conférences universitaires.
