Philosophie, Litterature, Anticléricalisme

Dictionnaire de la folie et de la raison

parsemé de petits romans ; de nouvelles et de contes ; d'anecdotes inédites ou peu connues ; de facéties ; de recherches curieuses et d'aperçus variés sur les superstitions et la philosophie, sur la littérature et les murs, sur le libéralisme et la féodalité, sur le siècle présent comparé aux siècles passés, etc.

Auteur(s) : COLLIN de PLANCY Jacques Albin Simon

 Paris, chez Théophile GRANDIN, libraire, rue du Cloître Saint-Benoit, n°12
 édition originale
  1820
 1 vol (XIX-238-216 p.)
 In-douze
 demi-percaline brune


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils d’un fabricant de bas de Plancy, Jacques Albin Simon COLLIN fait ses études au collège de Troyes avant de venir s’installer à Paris. Se lançant dans une carrière littéraire, il joint à son patronyme le nom de sa ville natale et adopte comme nom de plume COLLIN de PLANCY. Il épouse sa cousine, Clotilde Marie PABAN, qui se fera connaître comme écrivain sous le pseudonyme de Marie D’HEURES. Revendiquant avec fierté d’être apparenté à DANTON par sa mère, et se posant en héritier des Lumières, il affiche des positions anticléricales marquées, sans pour autant se considérer comme athée.  Républicain, libre penseur, ennemi déclaré des superstitions, il se plonge dans l’étude de la démonologie, de la magie, de la sorcellerie et de l’occulte. En 1818, il publie un ouvrage qui fera date et lui assurera la célébrité : le Dictionnaire infernal. En 1819, il est l’auteur d’un Dictionnaire féodal, dans lequel il tire à boulets rouges sur l’aristocratie et la société de l’Ancien Régime. Ce livre sort en pleine Restauration, au moment même où toute une partie de la noblesse tente de reconquérir le rang social et la prééminence politique d’antan. L’ouvrage bénéficie lui aussi d’un bel accueil, et sera réédité dès l’année suivante.

Fort de ses succès, COLLIN de PLANCY met en chantier un autre livre, dans lequel il entend laisser libre cours à sa verve et à ses idées ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici. Dans le dialogue fictif qui sert de préambule comique à l’ouvrage baptisé Dictionnaire de la folie et de la raison, il confesse qu’il a composé un “imbroglio” où se retrouvent, pêle-mêle, “des vers, de la prose, des nouvelles, des contes, des anecdotes inédites, des anecdotes refaites, des citations, de la philosophie, des extravagances, deux tragédies burlesques, une petite grammaire”. À la lecture de ce dictionnaire qui ne doit à la lexicographie que son classement alphabétique, nous pouvons  constater qu’il s’agit d’une composition très éclectique, dont l’ambition n’est pas sans rappeler celle du Dictionnaire philosophique de VOLTAIRE !

Maniant l’ironie, l’érudition, le sarcasme, et n’hésitant pas à l’occasion à faire preuve d’une mauvaise foi assumée et d’un ton très moralisateur voire pédant, COLLIN de PLANCY attaque la société bourgeoise, la noblesse, les corps constitués, les institutions et, bien sûr, le clergé. Cibles de choix, les Jésuites, “ces humbles tyrans du monde”, ont droit à une attaque en règle. L’intégralité du texte de l’ouvrage n’est pas de sa plume, notre polémiste ne se privant pas, à maintes reprises, de s’abriter derrière d’autres auteurs comme ROUSSEAU, VOLTAIRE, MONTESQUIEU ou BOILEAU. Dans ce livre subjectif, qui tient plutôt d’un recueil de billets d’humeur, les articles sont de tailles très inégales, de quelques lignes à plusieurs pages. C’est ainsi que le chapitre Hasard, rédigé sous la forme d’une longue nouvelle, couvre 53 pages ; tandis que celui consacré à Noblesse compte 23 pages occupées par une pièce en cinq scènes intitulée Les Regrets féodaux en 1819. Dans ces miscellanées composées sans fil directeur, il aborde une foultitude de sujets très variés, allant de la grammaire et de la littérature au mariage, la philosophie, la justice, la médecine et l’histoire.

Après la parution de ce livre, COLLIN de PLANCY poursuivra sa carrière d’écrivain prolifique en approfondissant ses thèmes favoris : Histoires des vampires et des spectres malfaisans, Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses, Biographie pittoresque des Jésuites, etc. À partir de 1820, il s’établit comme libraire à Paris, mais il se trouve contraint de renoncer à son commerce suite à de mauvais investissements et à des déboires financiers. Il s’installe ensuite à Bruxelles, où il fonde des revues ; puis, après un bref retour en France, il séjourne à La Haye pour participer à la fondation d’une Société des beaux-arts. C’est lors de ce séjour aux Pays-Bas qu’il renoue avec la foi et redevient catholique, conversion qu’il ne rendra publique que deux ans plus tard. Dès lors, il renie tout ce qu’il a pu écrire par le passé contre la religion et, devenu très respectueux du clergé, il soumet ses écrits, désormais consacrés à l’histoire, la littérature et la zoologie, à l’approbation épiscopale, allant jusqu’à remanier le texte de la troisième édition de son Dictionnaire infernal, qui sera publiée en 1844. Il décède à Paris en janvier 1881. Il est le père du diplomate et grand collectionneur d’art asiatique Victor COLLIN de PLANCY.

Notre exemplaire, qui comprend deux tomes reliés en un volume, porte un cachet au nom de Léon MELCHISSÉDEC, baryton, chanteur d’opéra et professeur de chant au Conservatoire national de musique de Paris.

Quelques extraits

*Rire : Le rire est un avantage que la nature a donné à l’homme seul. C’est l’enseigne de la joie et souvent l’indice d’une âme pure. Un homme qui rit franchement inspire toujours quelque confiance […] Pour nous, c’est principalement dans les siècles où il nous est permis de rire, que nous avons le plus de grands hommes, et le règne de la terreur n’a pas été favorable en France aux partisans du système de la tristesse.

*Prodiges : Chez un peuple ignorant, les miracles, les prodiges, les merveilles sont ce qu’il y a de plus commun. Rien n’est naturel si le cours des choses est quelque peu dérangé. On croit tous les contes les plus monstrueux ; on ne cherche pas à s’expliquer ce qu’on ne conçoit pas.

*Raison : Petite parcelle de la divinité, qui doit distinguer l’homme de la bête, et que les hommes étouffent tous les jours.

*Folie : On a soutenu que l’homme qui n’a que de la raison est dans un état de maladie : je le croirais. Sans un peu de folie, la vie n’est qu’ennui et morosité. Heureux est celui qui est fou sans perdre toute sa raison, ou qui est raisonnable sans méconnaître la folie ! Tout est folie dans le monde. ÉRASME l’a si bien prouvé que les plus fous sont ceux qui se croient exempts de folie.



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