Tissus et textile, Industrie

Traité encyclopédique et méthodique de la fabrication des tissus

Publication honorée de la souscription du gouvernement, Ouvrage indispensable à toutes les personnes qui se vouent à la fabrication des tisssus-nouveautés

Auteur(s) : FALCOT P.

 à Elbeuf (sur Seine), chez l'auteur ; à Mulhouse, chez J.P. RISLER, libraire
 deuxième édition, entièrement revue et corrigée, et augmentée de plus du double (la première date de 1844)
  1852
 3 vol
 In-quarto
 demi-veau
 Portrait de Jacquard et de celui de l'auteur. Dans les trois volumes : 300 planches d'ustensiles, mécaniques, plans de machines, montages divers, dessins en esquisses et en mises en carte, etc., ainsi que d'un album contenant environ 2000 dessins brefs ou armures applicables à tous les genres de nouveautés


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Issu d’une famille de négociants toscans installée à Lyon depuis le début du XVIIIe siècle, Jean PAGANUCCI renonce à reprendre l’activité de gantier et de marchand de parfum exercée par son père. Il ne fait pas non plus carrière dans l’industrie de la soie, bien qu’il soit devenu compagnon dans cette profession à l’âge de 19 ans. Finalement, il se décide à embrasser le métier de teneur de livres, c’est-à-dire d’expert-comptable, profession dans laquelle il rencontrera un certain succès. Initié à la franc-maçonnerie, il devient en 1761 membre de la loge des Vrais Amis, nouvellement créée. L’année suivante, il est à la manœuvre aux côtés de Jean-BaptisteWILLERMOZ dans sa tentative d’unification de trois loges lyonnaises. Ami proche de l’abbé ROZIER et de l‘abbé RAYNAL, PAGANUCCI est décrit par ses proches comme un érudit aux savoirs variés. Il entreprend de rédiger une encyclopédie, dite “de poche”, destinée aux commerçants. Celle-ci sort sous le titre de Manuel historique, géographique et politique des négocians, ou Encyclopédie portative de la théorie et de la pratique du commerce. L’ouvrage, celui présenté ici, est publié sans nom d’auteur en 1762 par l’imprimeur et libraire lyonnais Jean-Marie BRUYSET, détenteur des droits que l’auteur lui a cédés.

Cet ouvrage s’inscrit dans la catégorie des “dictionnaires de commerce“, inaugurée en 1675 par le Parfait négociant, de Jacques SAVARY des BRÛLONS, qui connaîtra un succès remarquable, au point de devenir une référence incontournable au siècle suivant, au cours duquel il continuera à être constamment amendé et réédité. Le livre de PAGANUCCI n’est donc pas le premier à être publié dans le domaine commercial, mais son auteur espère tirer son épingle du jeu en procurant “les connaissances les plus nécessaires aux commerçants, recueillies dans un livre commode & qu’on peut manier & transporter aisément”. L’auteur met en avant le fait qu’il ne s’est pas uniquement inspiré d’ouvrages existants et de manuels théoriques, mais s’est plié à un véritable travail de collecte des retours d’expériences de “négociants instruits qui ont parlé de ce qu’ils savaient, & de ce qu’ils savaient bien”.

PAGANUCCI rédige une longue préface, dans laquelle il expose sa vision du commerce en France, et propose des solutions pour en améliorer les performances. Il estime en particulier que son pays s’est laissé distancer dans le domaine des productions manufacturées et du commerce extérieur par ses voisins européens, en particulier par l’Angleterre et la Hollande qui surpassent la France sur les marchés européens et mondiaux.

À vrai dire, PAGANUCCI noircit volontairement le tableau car son pays connaît alors un réel développement économique, commercial et industriel. Mais il cherche surtout à démontrer que la faiblesse du pays tient à ce que “la science du commerce n’a pas fait de grands progrès parmi nous”.  Selon lui, le manque d’ambition des autorités et des élites, le manque d’implication de l’État, les lois restrictives, les mauvaises habitudes et les conceptions souvent archaïques des échanges ne favorisent pas les investissements. Il considère qu’il est regrettable de ne pas exploiter l’immense réservoir financier et humain dont dispose la France. Ce capital pourrait, pense-t-il, être utilement employé à développer les activités commerciales et remédier à la “disette d’argent” dont souffre le secteur économique.

Il en appelle à une action énergique des institutions, car “l’esprit du commerce devenant aujourd’hui l’esprit dominant en Europe, & devant faire désormais une partie essentielle de la politique de toutes les puissances, doit nécessairement percer jusque dans le Conseil des monarques. On doit s’accoutumer à regarder le commerce, non comme une chose accessoire & subalterne, mais comme une affaire principale & comme la véritable source des richesses & du pouvoir“. Il milite pour la création d’un conseil du commerce qui pourrait guider le pouvoir, car il juge nécessaire de “faire marcher d’un pas égal les affaires d’Etat & celles du commerce”. L’une des premières décisions à prendre serait, selon lui, de développer considérablement la marine marchande et la marine de guerre, leur renforcement conjoint lui paraissant indispensable pour pouvoir s’imposer face aux puissances maritimes concurrentes.

Le dictionnaire à proprement parler comporte environ 9 500 articles, chiffre plutôt conséquent. Comme son auteur y traite de tout ce qui peut relever, à des degrés divers, de l’économie et du commerce, son livre finit par ressembler à une encyclopédie générale de poche. C’est ainsi que nous y trouvons, pêle-mêle, les monnaies en circulation dans toutes les parties du globe, les compagnies commerciales existantes, les différents types d’opérations bancaires et financières, les termes de marine, de fiscalité et de justice, du vocabulaire technique d’artisans (tapissiers, tonneliers, chapeliers, drapiers, etc.) et la très grande variété des matières premières et manufacturées existantes, locales ou exotiques, allant du copal, de l’indigo et des perles, au peigne, aux mousselines, au pastel, au hareng et à la térébenthine, en passant par la momie, les mouches, l’urine et la “corne” de narval. Il ne délaisse aucun sujet, s’attardant par exemple sur la fabrication des porcelaines au Japon, le commerce des soieries en Asie ou la teinture des indiennes.

À noter un long chapitre consacré à la contrebande, qui liste les différents produits incriminés (étoffes, poivre, porcelaines, poissons, sel étranger, glaces, etc.). Il y reprend les arrêts interdisant leur introduction dans le royaume et dresse la liste des produits interdits d’exportation, comme le bois de noyer non ouvragé, le bétail vivant, le chanvre, le lin, les futailles, l’or et l’argent “monnayé & non monnayé”, le salpêtre, le marc de raisin et la lie de vin. Il consacre également une partie détaillée à la manière d’effectuer des liquidations commerciales, opération complexe et très conflictuelle qui lui vaudra d’être souvent consulté comme conseil et arbitre.

Cet ouvrage, finalement très généraliste, incontestablement animé par l’esprit des Lumières, a valu à notre érudit d’être qualifié à l’époque contemporaine de pré-encyclopédiste, bien que son manuel encyclopédique soit postérieur au lancement de la fameuse Encyclopédie.

PAGANUCCI devient en 1791 le président de la Société philanthropique, ou de bienfaisance chrétienne, sorte de loge maçonnique dédiée au secours des pauvres et des nécessiteux, dans une ville de Lyon où le commerce et l’industrie sont alors en plein marasme. Très impliqué dans le soulèvement de Lyon en 1793, il réussit à quitter la ville lors de sa reddition, échappant aux terribles représailles qui s’ensuivront. Il rentrera chez lui en 1795 et reprendra ses activités, avant de décéder en 1797.



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