culture générale

Encyclopédie (L’)

ou Dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers

Auteur(s) : DIDEROT Denis, LE ROND D'ALEMBERT Jean

 Tome I à VII + Planches I à XI : à Paris, chez BRIASSON, DAVID l'aîné, LE BRETON, DURAND | Tome VIII à XVII : à Neuchâtel, chez FAULCHE | Supplément I-IV : à Amsterdam, chez REY | Suppléments V (planches) : à Paris | Table analytique I et II : à paris
 édition originale
  1751-1780
 33 vol + 2 vol de table analytique
 In-folio
 veau marbré d'époque, dos à nerfs ornés de motifs et fleurons dorés
 2795 planches gravées en taille douce pour les 11 tomes de planches ; 244 gravures dont des dépliants pour le tome V du suppélment ; 2500 illustrations pour la table analytique


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À l’origine, un projet de traduction

Véritable saga éditoriale et intellectuelle, devenue le symbole de la France des Lumières, l’Encyclopédie est l’un des ouvrages-clés de la lexicographie moderne. Le nombre et la qualité des contributeurs, les aléas d’une publication portée par de fortes personnalités et échelonnée sur près de trente ans, en font une aventure littéraire unique en son genre. Elle est également à l’origine des grandes encyclopédies universelles pour lesquelles elle sert à la fois de modèle et d’horizon à dépasser.

À ce propos on peut citer l’imposante Encyclopédie méthodique de PANCKOUCKE ou l’Encyclopédie d’Yverdon, toutes deux présentes dans Dicopathe, qui verront le jour dans la continuité de celle-là. Le projet initial, porté dès 1745 par le libraire parisien André LE BRETON, consiste à adapter en français les deux volumes de la Cyclopaedia, du Britannique Ephraïm CHAMBERS, également présente sur Dicopathe. Ce dictionnaire universel, consacré aux techniques et aux sciences, n’avait pas d’équivalent en langue française. Débarrassé de ses associés anglais, LE BRETON se lie avec trois autres éditeurs (BRIASSON, DAVID et DURAND) et confie la direction scientifique de l’ouvrage à l’abbé GUA de MALVES. Très vite il apparaît que l’entreprise doit dépasser le stade d’une simple traduction. Toute latitude lui est donnée par les éditeurs pour corriger les erreurs de l’ouvrage, mais surtout pour rajouter les nouveautés ainsi que les découvertes réalisées entre-temps et absentes de la Cyclopaedia.

DIDEROT et D’ALEMBERT aux commandes

En octobre 1747, Denis DIDEROT et Jean LE ROND D’ALEMBERT sont nommés directeurs de la publication, et c’est sous leur égide que le projet encyclopédique va pouvoir prendre toute son ampleur. L’objectif de l’entreprise est désormais autrement plus ambitieux : réaliser un inventaire exhaustif et pédagogique des connaissances du temps dans un but de conservation et de transmission du savoir humain. En grec ancien le mot “encyclopédie” signifie enseignement universel. Pour DIDEROT, l’Encyclopédie doit proposer « un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres & dans tous les siècles ». Un certain partage des tâches semble s’effectuer, car la page de titre précisera par la suite : « mis en ordre & publié par M. DIDEROT […] & quant à la partie mathématique, par M. D’ALEMBERT ». L’équipe de collaborateurs, désignés sous le terme de Société de gens de lettres, s’étoffe. Les traductions, les articles et les projets de gravures sont regroupés et visés par les deux coéditeurs.

En 1750 paraît un prospectus qui présente l’ouvrage désormais doté du sous-titre de “Dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers”. Dix volumes, huit de textes et deux de planches, sont prévus, et une souscription de 280 livres est lancée avec succès. DIDEROT s’inspire de L’arbre des connaissances humaines de Francis BACON qui ne place plus Dieu mais l’homme au centre de l’univers, conception qui ne manque pas de déclencher les attaques des jésuites de Trévoux, première polémique d’une longue série à venir.

Une publication mouvementée

En juillet 1751, le premier volume est publié. Dans un Discours préliminaire, D’ALEMBERT présente la structure de l’ouvrage et précise surtout l’esprit philosophique et scientifique guidant sa rédaction : « Comme Encyclopédie, il doit exposer autant qu’il est possible, l’ordre et l’enchaînement des connaissances humaines, comme Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, il doit contenir sur chaque science et sur chaque art, soit libéral, soit mécanique, les principes généraux qui en sont la base, et les détails les plus essentiels, qui en font le corps et la substance. » Cette réhabilitation du savoir-faire, de la mécanique, de l’industrie et de la technique, liés de manière indissociable au génie humain, est au cœur du projet encyclopédique : « Le mépris qu’on a pour les arts mécaniques semble avoir influé jusqu’à un certain point sur leurs inventeurs mêmes. Les noms de ces bienfaiteurs du genre humain sont presque tous inconnus, tandis que l’histoire de ses destructeurs, c’est-à-dire, des conquérants, n’est ignorée de personne. Cependant c’est peut-être chez les artisans qu’il faut aller chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l’esprit, de sa patience et de ses ressources. » Le préambule se conclut par un tableau synthétique : le Tableau figuré des connoissances humaines.

Le succès est immédiat, mais les ennuis judiciaires suivent de près. De nombreux adversaires, entre autres les jésuites, Élie FRÉRON et Joseph OMER JOLY de FLEURY, cherchent à nuire à l’entreprise tout au long de la publication. Dès 1752, à la sortie du second volume, l’Encyclopédie est frappée par une première interdiction. Grâce au succès éditorial, à de nombreux soutiens, parfois très haut placés comme ceux de MALESHERBES ou de madame de POMPADOUR, porté par la volonté de ses directeurs, le projet se poursuit, et 7 nouveaux tomes paraissent jusqu’en 1757.

Peu après, D’ALEMBERT quitte l’aventure, avant d’y revenir brièvement mais désormais sans conviction. À partir de ce moment, DIDEROT se retrouve de fait seul aux commandes. Deux ans plus tard, l’Encyclopédie est dans la tourmente et subit une double interdiction : une mise à l’index en mars 1759, suivie par une abolition du privilège et par une condamnation à l’autodafé. La rédaction continue en secret, alors que DIDEROT découvre, très tardivement, que LE BRETON, échaudé par les épreuves, a taillé dans certains articles. La parution simultanée des dix derniers volumes, en 1765, s’effectue à une adresse étrangère fictive (Neuchâtel) destinée à contourner l’absence de privilège. Les ouvrages sont imprimés hors de Paris et sous le nom d’un éditeur fictif, Samuel FAULCHE.

Les volumes de planches, pourvus quant à eux de privilège et non soumis à l’interdiction, paraissent entre 1762 et 1772, mais subissent avant même leur parution une accusation de plagiat. En effet les Encyclopédistes sont soupçonnés d’avoir copié les planches appartenant à l’Académie des sciences et figurant dans la Description des arts et métiers. Certaines ressemblances sont aujourd’hui établies, et le débat reste toujours ouvert. Quoi qu’il en soit, les gravures sont de grande qualité et restent indissociables de l’Encyclopédie. On ne peut objectivement qu’admirer, entre autres, les planches représentant des métiers, des outils, des manufactures, des techniques de pêche et de chasse, mais également celles portant sur l’histoire naturelle et l’anatomie.

Fin de la parution et ses suites

Bien que théoriquement arrivée à son terme, l’aventure de l’Encyclopédie connaît un prolongement par l’ajout de suppléments publiés en 1776 et 1777. Rédigés par une nouvelle équipe dans laquelle se retrouvent D’ALEMBERT et son ami CONDORCET, mais sans DIDEROT qui refuse d’y participer, cinq volumes de suppléments, dont un de planches, sont dus à l’action de Marc-Michel REY, de Jean-Baptiste-René ROBINET, et surtout de Charles-Joseph PANCKOUCKE qui a racheté en 1768 les droits et les cuivres de LE BRETON.

L’Encyclopédie est réimprimée à cette occasion, alors que de nombreuses copies et imitations circulent déjà. L’ensemble est complété en 1780 par la parution d’une table analytique et raisonnée des matières contenues dans les 33 volumes de l’ensemble de l’encyclopédie. Rédigés par Pierre MOUCHON, ces deux volumes supplémentaires (comprenant 75 000 entrées et 44 000 articles principaux) sont le fruit d’un travail considérable consistant à analyser en détail l’ensemble des articles publiés. Chaque entrée comprend un court résumé d’un ou de plusieurs articles et des renvois à ce qui se rattache au même sujet ailleurs dans l’ouvrage.

L’Encyclopédie présentée ici est complète, avec ses 35 volumes en édition originale, et correspond à ce qu’on dénomme l’édition de Paris. On estime que 24 000 exemplaires de l’Encyclopédie ont été tirés avant la Révolution, mais seulement 4 255 exemplaires originaux des 28 volumes de base, soit 18 000 pages et 2 170 000 mots ! L’encyclopédie renferme près de 71 818 articles écrits par près de 150 à 200 collaborateurs permanents ou occasionnels, dont la liste exacte et exhaustive reste encore difficile à établir.

Les contributeurs

Une partie des articles ne sont pas signés, certains auteurs désirant demeurer anonymes. De très nombreuses personnalités du monde intellectuel, littéraire, philosophique et scientifique de la France du XVIIIe siècle participent à l’aventure. On peut citer quelques noms restés célèbres : VOLTAIRE, qui rédigea en 1774 un pamphlet “De l’Encyclopédie” prônant la levée de l’interdiction, ROUSSEAU, MARMONTEL, le baron d’HOLBACH, LA CONDAMINE, TURGOT, DUMARSAIS, HELVÉTIUS, auteur du fameux De l’esprit à l’origine d’un scandale qui, par association, se répercutera sur l’Encyclopédie, MONTESQUIEU, QUESNAY, chef de file des physiocrates, le président de BROSSES, CONDILLAC ou encore l’horloger BERTHOUD.

Il faut rendre un hommage spécial à Louis de JONCOURT, surnommé « l’esclave de l’encyclopédie », précieux collaborateur après le départ de D’ALEMBERT ; qui ne rédige pas moins de 17 395 articles (28 % du total). On estime également que DIDEROT a personnellement supervisé ou rédigé près de 5 000 articles pas toujours signés. D’ALEMBERT a apposé sa marque à près de 1 700 articles, en particulier à ceux consacrés aux mathématiques.

Polémiques et tensions internes

Imprégnés de l’esprit philosophique, inspirés par le rationalisme, l’esprit critique, voire le matérialisme, certains articles font du bruit, créent parfois des scandales et peuvent même engendrer des brouilles entre Encyclopédistes. Un des plus fameux reste celui consacré à “Genève”, dû à D’ALEMBERT, dans le tome 7, qui déclenche une querelle par libelles interposés entre ce dernier et ROUSSEAU.

On peut également citer l’article Réfugiés qui traite du sort des huguenots en France, celui consacré à la traite négrière , dont Louis de JONCOURT réclame l’abolition, ou celui du Droit naturel rédigé par DIDEROT et dans lequel ROUSSEAU décèle une attaque contre sa philosophie. Certaines des critiques les plus acerbes sur la religion, les superstitions et l’absolutisme sont “camouflées” dans des petits articles beaucoup plus anodins tels que ceux intitulés Ascharioun, Capuchon ou Epidélius.

« Monument des progrès de l’esprit humain », selon Voltaire, l’Encyclopédie constitue indiscutablement un élément-clé de la France des Lumières. Pour autant, en raison de son histoire tumultueuse, du nombre et de l’hétérogénéité des contributeurs, de la durée de sa publication, de l’action de la censure voire de l’autocensure, certains jugent certaines parties de l’ouvrage incomplètes, biaisées ou même bâclées.

À partir de 1778, Charles-Joseph PANCKOUCKE, qui a mené la publication des suppléments et de la table analytique, se décide finalement à la réécrire totalement en adoptant cette fois un plan thématique. Une nouvelle aventure commence, celle de l’Encyclopédie méthodique. Cette entreprise gigantesque mobilisera une équipe de rédacteurs encore plus importante et ne s’achèvera qu’en 1832, aboutissant à la publication de près de 200 volumes.

Sur le premier plat intérieur des 29 premiers volumes présentés figure un ex-libris de Paul de RÉMUSAT attestant de leur origine : la bibliothèque du château de Lafitte-Vigordane. Les 6 volumes suivants portent un ex-libris de la famille TEYRAS de GRANDVAL



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