Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes
ou Mémoires pour servir à l'histoire des égaremens de l'esprit humain par rapport à la religion chrétienne
Auteur(s) : PERRODIL VIctor de, PLUQUET François-André-Adrien
PETIT
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Sur la page de titre de l’ouvrage présenté ici, seul apparaît le nom de Victor de PERRODIL, un poète et littérateur français sur lequel nous disposons de peu d’informations. Pourtant, l’auteur du dictionnaire proprement dit est François-André-Adrien PLUQUET. Cet ecclésiastique cultivé, théologien et historien, se double d’un philosophe, ami personnel de FONTENELLE, HELVÉTIUS, MONTESQUIEU et DIDEROT. Bien que catholique fervent et défenseur acharné de la foi et de la papauté, il entend fonder son propos sur l’érudition et la réflexion en refusant de pratiquer l’anathème et la condamnation. Selon ses propres mots, il veut “éclairer les hommes sur les erreurs qui attaquent la religion et sur les moyens propres à prévenir les effets de leur attachement à ces erreurs”. Dans ses écrits, il se refuse à faire intervenir le diable ou les démons, tout en rejetant un grand nombre de superstitions. PLUQUET entend démontrer que les attaques contre la foi sont le fait de l’ignorance, d’un rationalisme exacerbé ou encore d’un fanatisme antireligieux aveugle. Il se rattache ainsi au courant de pensée de l’apologétique catholique, qui cherche à contrer les attaques de ses adversaires, en particulier des encyclopédistes, en utilisant leur démarche et leur propre langage.
Bien que témoignant d’une certaine ouverture d’esprit et bénéficiant d’une certaine sympathie de la part du milieu intellectuel “éclairé”, PLUQUET s’engage de manière résolue dans un combat contre l’Encyclopédie ; entreprise à laquelle certains de ses amis avaient pourtant cherché à le faire participer. C’est en réponse aux encyclopédistes qui, selon lui, par leurs attaques contre la religion, perpétuent les idées fausses responsables par le passé des schismes et des hérésies, qu’il publie pour la première fois à Paris en 1762 ses Mémoires pour servir à l’histoire des égaremens de l’esprit humain, par rapport à la religion chrétienne, ou Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes. Pour PLUQUET, la foi ne peut être étudiée et disséquée comme les autres passions humaines, car l’homme, imparfait par essence, ne peut parvenir par ses propres moyens à appréhender et à définir le mystère divin.
Descendant d’une famille noble du Rouergue, Jean-Baptiste Victor GROS de PERRODIL, qui adopte pour nom de plume Victor de PERRODIL, se fait connaître par ses traductions de poésie, en particulier des textes de DANTE et de CAMOENS. Mais il se pose par ailleurs en catholique traditionaliste et militant, considérant que le monde moderne favorise de nouvelles formes d’attaques contre la religion chrétienne, en particulier par le biais du scientisme, de l’individualisme, du rationalisme et du naturalisme.
PERRODIL dénonce “l’appât de la nouveauté” qui remet en cause l’unité de la foi et l’autorité suprême de l’Église. Pour lui, “le propre de l’hérésie est le changement, alors que la foi chrétienne ne varie jamais”. PERRODIL se tourne vers l’histoire des hérésies et des schismes, qui démontre, selon lui, l’échec constant de ceux qui ont voulu remettre en cause les fondements de l’Église catholique : “Les erreurs qui ont fait irruption en divers temps dans le monde chrétien ont été à chaque fois, pour elle, l’occasion d’examiner plus attentivement sa propre foi, et de développer la doctrine en des termes plus clairs et plus explicites ; ainsi a été mise de plus en plus dans tout son jour la liaison intime de toutes les vérités qu’elle professe et la beauté du système catholique a paru toujours plus brillante après chacune de ces épreuves.” Notons au passage qu’il minimise sciemment l’importance de la Réforme, n’y voyant que l’action des “rois lubriques, cruels, spoliateurs ; des moines apostats ; des professeurs de théologie qui se changent en bourreaux”.
PERRODIL reprend donc, en 1845, le livre de PLUQUET, plus précisément la version de 1817, augmentée de quelques articles rédigés par l’éditeur PETIT. Il en retranche le très long discours préliminaire, qui était un véritable traité théologico-philosophique, et le remplace par une préface de son cru, longue d’une vingtaine de pages, parfois exaltée dans le style, souvent alambiquée et tortueuse dans le propos. Cette partie est la seule réelle contribution de PERRODIL à l’ouvrage, car il n’a apparemment rien ajouté au dictionnaire proprement dit. Considérant que cette étude des hérésies équivaut à une démonstration scientifique irréfutable, il ne se montre guère habité par le doute, implorant ses lecteurs par ces mots : “Est-il donc si difficile d’aimer la vérité ?”
Le dictionnaire recense les très nombreuses hérésies qui ont marqué le christianisme depuis le Ier siècle. À côté des plus connues, comme le nestorianisme et le monophysisme qui ont donné naissance à des Églises dites orientales, PLUQUET présente un grand nombre de personnages historiques, certains simples sceptiques et irrévérencieux, d’autres créateurs de sectes, théologiens “hétérodoxes”, mystiques, philosophes et athées notoires. Beaucoup sont tombés dans l’oubli, mais l’auteur tient à détailler leur doctrine pour la démonter en détail, argument après argument. C’est ainsi qu’il s’attaque longuement à CERDON, ARIUS, CALVIN, MANÈS, EUTYCHÈS, PAUL de SAMOSATE, TATIEN ou encore PÉLAGE.
Le Dictionnaire des hérésies sera ensuite édité, en 1847, par les fameux Ateliers catholiques du Petit-Montrouge de l’abbé MIGNE. Ce dernier chargera l’abbé Justin-Joseph CLARIS de reprendre le texte intégral de PLUQUET, de le corriger, de l’actualiser, et surtout de l’augmenter pour compter au final 400 articles supplémentaires. Cette nouvelle édition sera de nouveau publiée par le même éditeur en 1853.