Anecdotes

Dictionnaire d’anecdotes, de traits singuliers et caractéristiques

historiettes, bons mots, naïvetés, saillies, réparties ingénieuses, &c.&c.

Auteur(s) : LACOMBE de PREZEL Honoré

 à Paris, chez LA COMBE, libraire, quai de Conti
 édition originale
  1768
 2 vol : tome 1.A-G (VIII-342 p.), tome 2 (694 p.)
 In-octavo
 plein veau fauve marbré, dos à cinq nerfs, pièce de titre et de tomaisons en basane orange
 bandeaux décoratifs, culs-de-lampe


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Avocat de formation, Honoré LACOMBE de PREZEL se consacre à l’écriture, à l’instar de son frère Jacques qui sera un des “piliers” de l’Encyclopédie méthodique. Jusqu’à sa mort, qui surviendra en 1790, il signera une série d’ouvrages traitant de divers sujets comme l’histoire, le droit, l’économie, les symboles et allégories, ou encore la littérature et la philosophie. Cette polyvalence lui vaudra d’être affublé des étiquettes de compilateur et de polygraphe, même si son Dictionnaire du citoyen et son Dictionnaire iconologique, qui sortent du lot, lui vaudront une certaine renommée. En 1766, il publie un Dictionnaire d’anecdotes, de traits singuliers et caractéristiques. Cet ouvrage sera réédité à de nombreuses reprises, le plus souvent à l’identique, jusqu’en 1821. Nous vous présentons ici la version éditée en 1768.

Les anecdotes constituaient un sujet porteur, recherché par un public avide d’histoires amusantes et édifiantes, ou soucieux d’enrichir sa culture générale tout en se dotant d’un outil pour pouvoir agrémenter sa conversation mondaine. C’est pourquoi notre auteur fait lui-même le rapprochement entre son livre et un dictionnaire de conversation. Cet ouvrage fait en quelque sorte pendant à un autre titre d’Honoré LACOMBE de PREZEL : le Dictionnaire des portraits historiques, anecdotes, et traits remarquables des hommes illustres, publié à partir de 1768.

Assez classique dans la forme, cet ouvrage très dense présente un grand nombre d’entrées et de citations, caractéristique qui ne sera   sans doute pas étrangère au succès public du livre. Se référant à des sources très variées de toutes les époques, l’auteur y propose une multitude d’historiettes, de bons mots, de traits spirituels, mais aussi de blagues et de petits contes moraux, qui parfois tiennent en une ligne mais peuvent aussi s’étendre sur une page entière. LACOMBE de PREZEL a visiblement adopté un choix d’entrées très large afin que chacun puisse y trouver ce qu’il recherche : une distraction, une anecdote savoureuse, une histoire drôle ou encore un court récit édifiant ou moralisateur.  Cet ouvrage s’inscrit dans la liste des anas, compilations thématiques sous forme de miscellanées, qui faisaient florès à l’époque.

Quelques extraits

*Harangueurs : Un maire, chargé de haranguer Louis XIV à la porte de la Ville, lui présenta les clefs : “Sire, lui dit-il, la joye que nous avons en voyant votre Majesté est si grande, que…” Il fut alors si interdit qu’il rappela en vain sa mémoire. Un Seigneur, pour le tirer de ce mauvais pas, lui dit :  “Oui, la joye que vous avez est si grande que vous ne pouvez l’exprimer.”

*Astrologues : Catherine de Médicis, esclave de la superstition & de l’astrologie, consulta les devins jusqu’à sa mort. On l’avoit avertie qu’un Saint Germain la verroit mourir. Elle ne voulut jamais demeurer à Saint-Germain-en-Laye, & on dit qu’elle n’y coucha jamais depuis. Mais un nommé Saint-Germain, Docteur en Théologie, l’ayant assistée à l’heure de la mort, on regarda la prédiction accomplie.

*Historiette : Une belle marchande de Londres avoit pris successivement six maris ; le premier, par obéissance pour ses parents ; les cinq autres, par son propre choix. Un Anglois fut assez hardi pour l’épouser en septièmes noces. Les premiers mois de leur nouveau ménage n’eurent rien que d’agréable. Un amour excessif rend aisément une femme indiscrète ; celle-ci faisoit dans les bras de fon septième époux la satire des six qui l’avoient précédé : ils lui avoient déplu, disoit-elle, par leur ivrognerie ou par leurs infidélités ; & jamais elle ne les avoit regrettés ni pleurés sincèrement. Le mari, curieux d’apprendre quel étoit le caractère de son amoureuse moitié, affecte de s’absenter souvent, & de paroître ivre, toutes les fois qu’il rentroit tard chez lui. D’abord on ne lui fit que des reproches, mais bientôt les mesnaces succédèrent aux représentations ; il continua son train, & feignit d’être encore plus adonné au vin. Un soir qu’elle le crut ivre mort, bien endormi, elle détacha un plomb de la manche de la robe, le fit fondre & s’approcha du faux dormeur pour lui verser dans l’oreille, à l’aide d’une pipe, le métal en fusion. Le mari, ne doutant plus de la scélératesse de cette femme, l’arrêta, cria au secours, & fit venir la Justice. La criminelle fut mise en prison ; son procès fut instruit ; les six cadavres exhumés déposèrent contre elle, & la firent condamner à mort. Cette aventure donna lieu à ce règlement utile, par lequel il est défendu en Angleterre d’ensevelir aucun cadavre avant d’avoir appelé les experts-jurés. Il faut que ceux-ci examinent le cadavre, & certifient que le fer ou le poison n’a point abrégé ses jours.

*Avocat : Un premier président demandoit à maître Langlois pourquoi il se chargeoit souvent de mauvaises causes. “Monseigneur, lui répondit l’Avocat, j’en ai tant perdu de bonnes que je ne sais plus lesquelles prendre.” 

*Conversation : Pour se venger d’une parleuse impitoyable, femme d’esprit d’ailleurs, on s’avisa un jour de lui présenter un homme qu’on lui disoit très savant. Cette femme le reçoit à merveille ; mais pressée de s’en faire admirer, elle se met à parler, lui fait cent questions différentes, sans s’apercevoir qu’il ne répondoit rien. La visite faite, lui dit-on “contente de voire présenté ?” “Qu’il est charmant ! répondit-elle. Qu’il a de l’esprit !” À cette exclamation, chacun de rire, ce grand esprit, c’étoit un muet.

*Enfants : Il y a des enfants qui annoncent de bonne heure un esprit réfléchissant. Un ecclésiastique, qui interrogeoit un jeune garçon sur son catéchisme, lui demandoit : ʺ Où est Dieu ?ʺ ʺJe vous répondrai, lui repartit l’Enfant, quand vous m’aurez dit où il n’est pas.ʺ Un Enfant s’étoit levé fort tard. Son père, pour le rendre plus diligent, lui dit : “Mon fils, vous ne connoissez pas le prix & les avantages de la diligence. Un homme diligent s’étant levé fort matin, trouva une bourse pleine de louis dans son chemin.” “Mais mon père, répondit l’enfant, celui qui l’avoit perdue s’étoit levé encore plus matin.” Ne donnez donc point aux enfants des raisons qu’ils puissent rétorquer contre vous.



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