Ancien français (langue), Étymologie, Langue gauloise

Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françoises

réduites en ordre alphabétique, et enrichies de beaucoup d'origines, épitaphes,et autres choses rares & curieuses, comme aussi beaucoup de mots de la langue thyoise ou theuthfranque

Auteur(s) : BOREL Pierre

 à Paris, chez Augustin COURBÉ, en la petite salle du Palais, à la Palme
 édition originale
  1655
 1 vol (611 p.)
 In-quarto
 demi-basane havane, dos lisse avec filets dorés
 bandeaux illustrés, bandeaux décoratifs, lettrines ornées, culs-de-lampe


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Né à Castres en 1620, Pierre BOREL est reçu docteur en médecine à la faculté de Cahors en 1643, puis il revient exercer dans sa ville natale. Excellent médecin, il témoigne, en dehors de son art, d’une insatiable curiosité qui le conduit à accumuler les lectures et acquérir des connaissances dans nombre de domaines. Il s’intéresse en priorité aux sciences, consacrant des écrits aux télescopes et aux microscopes, ainsi qu’à la botanique et à l’astronomie.

Dans le même temps, il acquiert une véritable érudition dans le domaine de l’histoire, plus particulièrement dans tout ce qui se rapporte à l’étude du monde gréco-romain, ce qu’on nomme à l’époque « les antiquités ». En 1649, il publie Les Antiquitez, raretez, plantes, minéraux et autres choses considérables de la ville et du comté de Castres, ouvrage qui lui vaut d’être plébiscité par l’Académie castraise animée par l’écrivain Paul PELISSON. C’est ce dernier, bien introduit dans le milieu académique et littéraire parisien, qui invitera son ami à le rejoindre dans la capitale pour y mener une carrière d’écrivain.

Installé à Paris en 1653, BOREL devient médecin ordinaire du roi, fonction qui lui garantit une pension, même s’il semble bien que le souverain n’ait jamais eu recours à ses services. Mais, peu à l’aise dans les salons et malhabile à jouer de ses appuis, notre homme ne perce guère dans le milieu savant, se contentant de publier, en 1654, l’ouvrage Bibliotheca chimica, une bibliographie commentée d’ouvrages de chimie. Malgré tout, fort de l’entregent de PELISSON, il a l’opportunité d’échanger avec de grands scientifiques comme Jean-François PECQUET, et surtout d’avoir accès à de grandes bibliothèques privées, dont celle de l’académicien Valentin CONRART, à qui il dédiera son futur dictionnaire.

Pris de passion pour la philologie, BOREL se documente sur la langue française de l’époque médiévale, avant de mettre en chantier un glossaire consacré à ʺl’ancien français”. Le livre est publié en 1655 sous le titre de Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françoises ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici. S’inspirant du Thrésor de la langue francoyse de Jean NICOT et des Origines de la langue française de Gilles MÉNAGE, BOREL entend retracer les évolutions subies par le vocabulaire français depuis les temps les plus reculés.

Son travail linguistique s’inscrit dans un mouvement, entamé à la fin du Moyen Âge, de redécouverte des origines du français, lequel est devenu au fil du temps la langue du pouvoir et de l’administration. Nombreux sont les écrivains qui cherchent à démontrer l’ancienneté de la langue française afin de la hisser au niveau du latin et du grec et de lui conférer, par voie de conséquence, un prestige culturel accru. C’est ainsi que certains auteurs, comme Jean-Yves PEZRON et PICARD de TOUTRY, n’hésiteront pas à se lancer dans des démonstrations farfelues et peu scientifiques pour chercher à prouver que la langue des Gaulois était à l’origine de toutes les autres langues, et que, du fait de son antériorité, son prolongement direct, le français, bénéficierait d’une supériorité sur celles qui en auraient découlé.

BOREL, qui ne partage pas cette analyse, retrace la longue gestation d’une langue modifiée au cours des siècles par des apports successifs, des déformations et des transformations, car “il n’y a point de langue vive qui, dans un train ordinaire, ne soit sujette au changement”. Pour lui, il est même illusoire de rechercher une langue “première” : “Ainsi nostre langue est tirée non seulement de l’hébraïque, latine, allemande, gothique, lombarde, espagnole, angloise et anglo-saxonne, comme l’a cru PASQUIER, mais de plusieurs autres, et non particulièrement d’une de celles que nous venons de nommer : et cette corruption n’est venue que par degrez ; car le plus ancien gaulois ne fut pas meslé que de l’hébreu, après il fut meslé au grec, puis à l’allemand, après au latin, et ainsi peu à peu à toutes les autres langues ; de sorte que celui que nous parlons à présent est le plus impur et le plus meslé de tous.”

Sa longue introduction permet avant tout de démontrer la manière dont l’ancienne Gaule, puis la France ont été un véritable creuset linguistique : “On aperçoit la vraye origine de la pluspart des mots, quelles langues ont emprunté de la nostre, ou de quelles la nostre a pris son origine, et pourquoy certaines villes, montagnes, rivières, etc., et mesme les hommes, ont eu le nom dont on les désigne. Ce qui donne mille belles lumières à l’histoire, à la géographie, et mesme au reste des arts et des sciences.”

Mais, au-delà de son intérêt philologique, ce dictionnaire est avant tout un outil paléographique et historique, car : “Il sera utile en premier lieu à l’explication des anciens manuscrits qui font la plus rare et la meilleure partie des bibliothèques de renom, et où il y a une infinité de belles choses, soit pour la théologie, soit pour la médecine, soit pour le droict, les loix et les coustumes anciennes, soit pour l’histoire, soit enfin pour mille autres sujets importants au public : comme pour des monnoyes, des cérémonies, des charges, pour la poésie, etc.”

BOREL, évitant les analyses étymologiques trop complexes, ne se lance pas, sauf nécessité, dans de longs exposés historiques, mais en revanche multiplie les citations à foison. Il fait d’ailleurs précéder son dictionnaire d’un impressionnant catalogue des sources et des œuvres littéraires dans lesquelles il a puisé. Son dictionnaire lui permet d’exhumer tout un vocabulaire tombé en désuétude pour permettre au lecteur de décrypter d’anciens documents et mettre en valeur des mots tels que Penoncel, Entrelest, Corbineur, Tollart, Siglaton, Estelin, Dehait, Vréder, Typher, etc. Pris par son sujet, l’auteur complète son ouvrage par deux suppléments, dénommés ici additions, qui n’occupent pas moins de 160 pages, ainsi que par de très utiles tables des matières.

BOREL publie l’année suivante la première biographie connue du philosophe DESCARTES. Mais, malgré son érudition, son travail et la qualité de ses publications, il ne parviendra guère à se faire une place de choix dans le milieu savant et intellectuel de la capitale. Dès lors, il regagne Castres en 1657, année où il achève son Discours nouveau prouvant la pluralité des mondes. Mais, ayant perdu ses principaux amis et son protecteur, il est contraint de vivoter grâce à un poste de régent de collège. Élu en 1658 à l’Académie locale, il décèdera en 1671. Son dictionnaire sera redécouvert au siècle suivant, avant d’être réédité en 1882 par le philologue Léopold FAVRE.

Notre exemplaire porte un ex-libris du bibliophile Arthur-Auguste BRÖLEMANN, qui fut conseiller municipal et président du tribunal de commerce de la ville de Lyon.

Quelques définitions

– CLABAU : Chien ; d’où vient clabauder, abayer ; de chaleb : un chien en langue hébraïque.

– ARQUOY : Je ne sçay ce que ce mot dénote au vray. II me semble pourtant qu’il veut dire se quarrer les mains au costé. Villon : Quand ils voyent ces pucelettes, en admenez & en arquoy.

– ROST & RAUST : De rosty. Ce mot vient de rusticus, parce que le feu noircit & brûle la viande, comme le soleil qui hâle le visage des païsans.

– PEPIER : Voy. PAPIER : bégayer comme les enfans, & dire papa. Villon : Je sens mon cœur qui s’affoiblit, et plus je ne puis papyer. De ce mefme mot vient du papin, ou bouillie, pour les enfans begayans ; & papelard : qui marmote, & ne parle point distinctement. Voy. Papyer. De là vient aussi la pépie, maladie qui mange la langue des oiseaux.

 



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