Français (langue), Lexicographie

Thresor de la langue françoise, tant ancienne que moderne

Auquel entre autres choses sont les mots propres de marine, vénerie, et faulconnerie, cy devant ramassez par Aimar de RANCONNET, vivant conseiller et président des enquestes en parlement. Reveu et augmenté en ceste dernière impression de plus de la moitié ; Avec une Grammaire françoyse et latine ; et le Recueil des vieux proverbes de la France ; ensemble le Nomenclator de JUNIUS, mits par ordre alphabétic, et creu d'une table particulière de toutes les dictions. Dedié à monsieur le président BOCHART, sieur de Champigny, etc.

Auteur(s) : NICOT Jean

 à Paris, David DOUCEUR, libraire juré, rue saint Jacques, à l'enseigne du Mercure arresté
 édition originale
  1606
 1 vol (674-32-24-192 p.), la page 674 est bizarrement côtée 666
 In-folio
 demi reliure à coins en vélin ivoire XIXe, dos à nerfs
 marque de l'imprimeur représentant Mercure sur la page de titre, bandeaux décoratifs, lettres ornées


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Archiviste du roi puis ambassadeur au Portugal, à son retour Jean NICOT se consacre à l’érudition et à la philologie de la langue française. Si son nom est passé à la postérité, c’est surtout pour avoir introduit le tabac à la cour de France, où ses vertus “stimulantes” et médicinales — la reine soignait ses migraines grâce à “l’herbe à Nicot” —, ont d’emblée été très appréciées. Pour cette raison son patronyme a donné son nom à la nicotine.

Mais, au-delà de cette anecdote, il est également l’auteur de ce Thrésor de la langue française qui fait date dans l’histoire de la lexicographie française. Beaucoup de spécialistes le considèrent en effet comme le premier “vrai” dictionnaire français, comprenant près de 18 200 entrées et un texte de plus d’un million de mots. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, le français remplace le latin comme langue officielle et administrative. Ce dictionnaire s’inscrit donc dans un mouvement qui tend à favoriser le développement et la codification d’une langue “nationale”. Pour autant, l’ouvrage n’est pas totalement monolingue, car le latin y est encore omniprésent, mais le français constitue bien la langue centrale du livre.

Cet ouvrage est en fait le fruit d’un assemblage composite. Il doit beaucoup au Dictionnaire latin-français de Robert ESTIENNE, œuvre majeure de la première moitié du XVIe siècle et premier grand dictionnaire français. À la demande de l’imprimeur Jacques DUPUYS, c’est Jean NICOT qui remanie et augmente le corpus de sa quatrième édition. Également redevable d’emprunts à Guillaume BUDÉ et à Jean THIERRY, qui a lui aussi retravaillé le texte d’ESTIENNE, une nouvelle édition du Dictionnaire françois-latin est publiée en 1573. Elle constituera la base de travail sur laquelle s’élaborera le futur Thrésor de la langue française. NICOT reprend dans cette édition les notes de son défunt ami, Aimar de RANCONNET, et intègre également un important apport de vocabulaire nouveau, relatif, en particulier, à la marine, au droit, à l’histoire, à l’histoire naturelle, à la chasse, à l’art militaire, à la poétique et à l’architecture.

En 1606, le libraire parisien David DOUCEUR retravaille le manuscrit, augmenté et corrigé d’après les notes de NICOT, et édite le présent dictionnaire sous le titre général de Thrésor de la langue française. La page de titre de l’ouvrage parle d’une version revue et augmentée de plus de la moitié par Jean NICOT, décédé en 1604, complétée par d’autres écrits concernant la linguistique et à la lexicographie.

C’est ainsi qu’à la suite du dictionnaire proprement dit nous trouvons les ouvrages suivants :

*Exact et très facile cheminement de la langue française, par Jehan MASSET « mis en latin par le mesme autheur pour le soulagement des estrangers », sur deux colonnes (une en latin, l’autre en français) ;

*Joan Aegidii NUCERIENSIS adagiorum Gallis vulgarium in lepidos et emunctos latiane linguae qui est une traduction des Proverbes françoys réunis et traduits en latin par Jean GILLES de NOYER, autrement appelé Jean NUCERIN ;

*Nomenclator octolinguis omnium rerum propria nomina continens, par Adrianus JUNIUS, lexique en latin, grec, allemand, flamand, français, italien et espagnol (également présent sur Dicopathe) ;

*Un index général.

La méthode suivie par NICOT pour la construction de chaque article fera école pour les futurs dictionnaires. C’est ainsi que, sous chaque mot, se succèdent dans l’ordre : la définition, un ou plusieurs exemples, des remarques sur l’orthographe, la prononciation et l’usage, enfin des commentaires étymologiques, historiques voire encyclopédiques. À titre de curiosité, NICOT apparaît lui-même dans son propre dictionnaire (page 429) à l’article Nicotiane définissant « l’espèce d’herbe », le tabac, qui était jusqu’alors communément désigné sous le nom de pétun. Il est vrai qu’ESTIENNE faisait déjà figurer ce mot dans son dictionnaire et que NICOT a pu ainsi largement amender l’article en question.

Paradoxalement, le Thrésor, sans conteste le dictionnaire consacré à la langue française le plus complet lors de sa sortie, ne connaîtra pas le succès prévu, car il sera rapidement “piraté” par de nombreux libraires qui plagieront des articles entiers pour les intégrer à de nouvelles versions contrefaites du dictionnaire d’ESTIENNE. Remarquons que la lettre J n’existe pas encore, étant toujours assimilée au I. Il est malgré tout réédité à Rouen en 1618, et surtout sa valeur et son aspect novateur seront reconnus par les lexicographes modernes et contemporains



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