Français (langue), Synonymes

Synonymes français

Suivis d'une Table alphabétique, dans laquelle on trouve les renvois des différentes significations qui conviennent à chaque synonyme.

Auteur(s) : DIDEROT Denis, LE ROND D'ALEMBERT Jean, JAUCOURT Louis de

 

CHAS Jean

 à Paris, chez FAVRE, Libraire , Palais-Égalité, Galeries de bois , N° 220 , aux Neuf Muses ; ou à son magasin, rue Traversière-Honoré , N° 845 ; vis-à-vis celle Langlade.
 édition originale
  1800-1801 (environ)
 1 vol (XII-432 p.)
 In-douze
 plein-veau d'époque, dos à nerfs


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir les lexicographes s’intéresser à la similarité sémantique des termes présents dans les lexiques et les dictionnaires. Le premier, Antoine de MONTMÉRAN, est en 1645 l’auteur de Synonymes et épithètes françoises, ouvrage suivi par le Dictionnaire de l’Académie française, qui s’attache à donner des synonymes et équivalents dans ses définitions. C’est en 1718 que paraît le premier véritable dictionnaire des synonymes de la langue française, sous le titre de Justesse de la langue françoise ou les différentes significations des mots qui passent pour synonymes, de l’abbé GIRARD. Le livre, qui rencontre un succès notable, fait l’objet de deux nouvelles éditions en 1736 et 1741 mais, en 1785, un nouvel ouvrage vient le supplanter ; il s’agit de Nouveaux synonymes françois, de Pierre ROUBAUD. Plus approfondi dans la recherche sémantique et l’étymologie, ce livre se voit couronner par l’Académie française. Il est augmenté, corrigé et remanié en 1796 sous le titre modifié de Synonymes français. Quelques années plus tard, en l’an IX, correspondant à une période allant du 23 septembre 1800 au 22 septembre 1801, sort un ouvrage au titre similaire mais qui revendique comme auteurs les trois grands noms de l’aventure de l’Encyclopédie : Denis DIDEROT, Jean LE ROND d’ALEMBERT et le chevalier de JAUCOURT, tous trois déjà décédés depuis une quinzaine d’années.

Profitant du fait que ce sujet est désormais particulièrement prisé, un libraire parisien confie à un certain Jean CHAS le soin de regrouper, en un seul volume de petit format, les articles sur les synonymes éparpillés dans l’Encyclopédie, dont on oublie parfois qu’elle est également un dictionnaire de la langue française. Le public visé est plutôt large : “Comme plusieurs de ceux qui se consacrent à l’étude des belles-lettres n’ont ni les moyens ni les ressources de se procurer cet ouvrage immense, nous avons cru rendre un service signalé à la littérature, en donnant les Synonymes, dont DIDEROT, d’ALEMBERT et de JAUCOURT ont embelli l’Encyclopédie.”

Le trio d’encyclopédistes a effectivement été très influencé par le travail de GIRARD, et chacun d’entre eux a rédigé plusieurs articles contenant des petits “regroupements” de synonymes. C’est, par exemple, le cas du mot Affliction, lequel, placé en entrée, se trouve comparé aux deux termes Chagrin et Peine. L’article de l’Encyclopédie définit ces trois mots en expliquant les nuances de chacun : ” L’affliction est au chagrin ce que l’habitude est à l’acte. La mort d’un père nous afflige ; la perte d’un procès nous donne du chagrin ; le malheur d’une personne de connoissance nous donne de la peine. L’affliction abat ; le chagrin donne de l’humeur ; la peine attriste pour un moment : l’affliction est cet état de tristesse & d’abattement où nous jette un grand accident, & dans lequel la mémoire de cet accident nous entretient. Les affligés ont besoin d’amis qui les consolent en s’affligeant avec eux ; les personnes chagrines, de personnes gaies qui leur donnent des distractions ; & ceux qui ont une peine, d’une occupation, quelle qu’elle soit, qui détourne leurs yeux de ce qui les attriste, sur un autre objet.”

Autre exemple avec l’article, signé de JAUCOURT et consacré à Pesant, mot associé à Lourd : “Le mot de lourd regarde plus proprement ce qui charge le corps : celui de pesant a un rapport plus particulier à ce qui charge l’esprit. Il faut de la force pour porter l’un, de la supériorité de génie pour soutenir l’autre. L’homme foible trouve lourd ce que le robuste trouve léger ; l’administration de toutes les affaires d’un État est un fardeau bien pesant pour un seul : mais on dit une lourde faute, pour signifier une grande imprudence, une faute qui ne pourroit être faite par un habile homme.” Bien que le titre ne l’indique pas, VOLTAIRE est également présent dans ce dictionnaire comme auteur des articles Félicité-Bonheur et Fécond-Fertile.

Observons que le compilateur a certainement dû faire preuve d’une grande attention, car les articles sur les synonymes ne sont pas forcément annoncés comme tels dans l’Encyclopédie. Ainsi, dans le tome IV, existe-t-il une définition de Délicat, mais plus loin dans le même volume la définition de Délié inclut une comparaison sémantique avec Délicat : “Se dit au simple de tout ce qui a très peu d’épaisseur relativement à sa longueur, un fil délié, un trait délié, etc. ; & au figuré d’un esprit propre aux affaires épineuses, fertile en expédiens, insinuant, fin, souple, caché, qualités qui lui sont communes avec l’esprit fourbe & méchant ; cependant, on peut être délié sans être ni méchant ni fourbe. Un discours délié est celui dont on ne démêle pas du premier coup d’œil l’artifice & la fin. Il ne faut pas confondre le délié avec le délicat. Les gens délicats sont assez souvent déliés ; mais les gens déliés sont rarement délicats. Répandez sur un discours délié la nuance du sentiment & vous le rendrez délicat. Supposez à celui qui tient un discours délicat quelque vue intéressée & secrète, & vous en ferez à l’instant un homme délié. Quoi qu’il en soit de toutes ces distinctions, il seroit à souhaiter que quelqu’un, à qui la langue fût bien connue, & qui eût beaucoup de finesse dans l’esprit, s’occupât à définir toutes ces sortes d’expressions, & à marquer avec exactitude les nuances imperceptibles qui les distinguent.”

Au XIXe siècle, les dictionnaires de synonymes vont se multiplier. Certains seront des synthèses, comme ceux  de Benoît MORIN et de François GUIZOT, publiés sous le titre identique de Dictionnaire universel des synonymes de la langue française, pendant que d’autres expérimenteront de nouvelles approches linguistiques, tel Jean-Charles THIBAULT de LAVEAUX, auteur du Dictionnaire synonymique de la langue française. Mais c’est le livre  Synonymes français, publié en 1841 par  Benjamin LAFAYE, augmenté et réédité en 1858 sous le titre de Dictionnaire des synonymes de la langue française, qui tirera son épingle du jeu et demeurera pour longtemps la référence la plus complète sur le sujet.



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