Littérature française

Martyrologe littéraire ou Dictionnaire critique de sept cents auteurs vivants (Le)

par un ermite qui n'est pas mort

Auteur(s) : MÉNÉGAULT A.-P.-F.

 Paris, Germain MATHIOT, libraire, rue Saint-André-des-arts, n°34
 édition originale
  1816
 1 vol (349 p.)
 In-octavo
 papier et carton


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Au cours de l’année 1817 sort à Paris un curieux petit livre au titre intriguant de Martyrologe (sic) littéraire. L’auteur anonyme s’abrite derrière le pseudonyme à la mode d’“ermite”. Popularisé en 1811 par Étienne de JOUY grâce à sa chronique L’Hermite de la Chaussée-d’Antin, ce nom d’emprunt est régulièrement utilisé, par mesure de prudence, par les auteurs de satires à l’époque de la Restauration. Dans la préface, notre quidam se présente comme un soldat en garnison à Auxonne qui, par ennui, se lance dans la rédaction d’un ouvrage “qui manquait à la littérature”. Il choisit la forme d’un dictionnaire biographique pour le moins curieux, puisqu’il ambitionne de “canoniser sept cents auteurs, dont les deux tiers sont inconnus”.

L’objectif est clair : dresser une galerie d’écrivaillons contemporains insignifiants ou ridicules, ou d’auteurs confirmés, dont il propose de signaler les “faiblesses” avec plus ou moins de bienveillance. Même si, par moments, il témoigne une certaine sympathie envers quelques-uns dont il ne juge pas la production complètement mauvaise, son propos principal consiste à brocarder des auteurs boudés par la fortune, ajoutant ironiquement « injustement ». Cette intention explique l’étrange titre d’un ouvrage qui, par dérision, voudrait faire passer ces auteurs de seconde zone pour des génies littéraires incompris de leurs contemporains. Pour autant, le ton du livre est loin d’être humoristique, son auteur distribuant bons et mauvais points, citations et extraits à l’appui, à la manière d’un maître d’école péremptoire et narquois.

Derrière cet ouvrage se cache apparemment un dénommé A.-P.-F. MÉNÉGAULT. Nous ne connaissons quasiment rien de sa vie personnelle, si ce n’est qu’il serait originaire de Gentilly et aurait été membre de l’Académie des arts de Turin et du lycée des arts de Paris. Littérateur prolifique mais très éclectique, on lui attribue des pièces de théâtre, des essais et des dictionnaires historiques, ainsi que des poèmes lyriques comme La Napoléïde et L’Impiété, ou Les Philosophistes. Après avoir été un fervent bonapartiste, MÉNÉGAULT, qui a surtout publié sous des pseudonymes, semble s’être assez facilement accommodé du retour des Bourbons, au point de dédier un de ses livres au roi. Soulignons que, bon prince, notre homme s’accorde une place dans son Martyrologe, n’hésitant pas à souligner le peu de succès de ses pièces de théâtre.

L’inventaire contenu dans l’ouvrage est pour le moins très éclectique. Le gros du bataillon de ses “sept cents auteurs vivants” est effectivement composé d’une multitude d’écrivains “ratés”, de poètes peu inspirés, de dramaturges obscurs, de “mélodramatistes”, de littérateurs, de publicistes et de compilateurs. L’occasion nous est ainsi donnée de découvrir des noms qui n’ont guère marqué l’histoire de la littérature, comme BRÉZOU de COCOVE, Madame de BOURDIC-VIOT, BLANCHARD de la MUSSE, “troubadour nantais”, JOIGNY et PAGUE, “poète moins inconnu sur les rivages de la Garonne que sur ceux de la Permesse. Ces “illustres inconnus” voisinent étrangement avec des célébrités de l’époque, comme CHATEAUBRIAND, BÉRANGER, Charles NODIER, André MORELLET, Antoine-Vincent ARNAULT, Stanislas de BOUFFLERS, ainsi qu’avec plusieurs académiciens et membres de l’Institut dont il met en doute les qualités littéraires. C’est par exemple le cas de Louis-Sébastien MERCIER qui, selon lui, avait “une antipathie invincible pour les vers, même les plus beaux”. Plus inattendu et bigarré est la dernière composante de sa “collection”, qui regroupe des personnalités de divers horizons, dont la fonction première n’est pas la littérature ni même l’écriture, mais qui s’y sont risquées avec plus ou moins, plutôt moins, de bonheur. Dans cette catégorie nous retrouvons des ministres, des hommes politiques, des fonctionnaires, des savants et des scientifiques, des ecclésiastiques, des libraires et des éditeurs comme PANCKOUCKE, des historiens et des juristes. L’ensemble forme une mosaïque déroutante et très inégale composée de notices, souvent très courtes, qui sont autant de “billets” d’humeur, plus caustiques qu’hilarants.

Après la parution de ce petit ouvrage, MÉNÉGAULT continuera à publier sur des sujets très divers, son plus grand succès restant L’Impiété ou Les Philosophistes, réédité à plusieurs reprises, faisant définitivement de lui un de ces littérateurs polygraphes qu’il avait autrefois brocardés.



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