Dictionnaire poétique portatif
qui contient l'histoire fabuleuse des dieux et des héros de l'Antiquité païenne. Ouvrage utile et même nécessaire aux jeunes gens pour l'intelligence des poètes.
Auteur(s) : BILHARD
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Nous ne connaissons quasiment rien de la vie de l’auteur de ce Dictionnaire poétique portatif publié à Paris en 1759, sinon qu’il s’appelait BILHARD et qu’il fut “maître ès arts en l’université de Paris”. Le titre de l’ouvrage prête à confusion, car son objet principal ne consiste pas à traiter des rimes ou de l’écriture poétique en tant que telles. En réalité, nous avons affaire à un guide de mythologie gréco-romaine destiné aux étudiants qui veulent découvrir les auteurs anciens, en saisissant les références mythologiques et les allégories, très largement présentes dans leurs écrits mais peu intelligibles pour ceux qui n’ont pas une formation poussée à la culture dite “classique”.
Ce dictionnaire se présente avant tout comme un vadémécum de “l’histoire fabuleuse des dieux et des héros de l’Antiquité païenne”, que tout homme qui se pique de culture est tenu de connaître et de maîtriser. La mythologie, remise au goût du jour par la Renaissance, est omniprésente dans la littérature antique. Les thèmes et les personnages légendaires, chantés par HOMÈRE, HÉSIODE, VIRGILE, PLUTARQUE ou encore OVIDE, sont étudiés dans les écoles et font l’objet d’une multitude de pièces de théâtre et de poèmes. Les récits mythologiques sont alors considérés comme des histoires “édifiantes”, des fables morales voire philosophiques, suscitant par ailleurs les réserves des Églises qui y voient de la “théologie païenne” et de la superstition.
Le livre de BILHARD est loin d’être le seul à traiter de la mythologie car, exploitant un thème particulièrement porteur depuis plus de deux siècles, nombreux sont les auteurs qui se sont succédé pour proposer des synthèses sur les “Antiquités” en général, et sur les divinités gréco-romaines en particulier. Pour guider les utilisateurs d’un livre qui s’apparente à un guide pratique, le dictionnaire est précédé d’une table des matières détaillée et thématique (les divinités de la mer, des fleuves et des fontaines, les nymphes, les travaux d’HERCULE, le mythe de PERSÉE, la guerre de Troie, CASTOR et POLLUX, les fêtes païennes, etc.). Dans le corps de l’ouvrage, l’auteur présente des fiches dans lesquelles il propose les différentes variantes d’un même mythe ou de la vie d’un personnage, n’oubliant jamais, à l’occasion, de livrer une interprétation morale “chrétienne” d’un récit antique.
La mythologie gréco-romaine sera longtemps considérée comme un savoir fondamental, aussi bien pour les gens de lettres que pour les artistes qui se devaient d’en avoir une connaissance approfondie, afin de puiser dans la « matière classique » des sujets considérés comme prestigieux et des modèles incontournables.
Quelques extraits
*CANEPHORIES (Canephoria), Fête de DIANE chez les Grecs, pendant laquelle toutes les filles qui étoient à marier, offroient à cette déesse des paniers pleins de petits ouvrages faits à l’aiguille ; cette offrande donnoit à connoître qu’elles s’ennuyoient d’être filles, & qu’elles desiroient de goûter au mariage. Les Athéniens célébroient encore sous ce nom une Fête à BACCHUS, pendant laquelle les jeunes filles portoient des corbeilles & des paniers d’or pleins de fruits ; ces corbeilles consacrées à BACCHUS, à CÉRÈS & à PROSERPINE, avoient un couvercle, afin qu’on pût y conserver les mystères de BACCHUS, & les cacher aux yeux de ceux qui n’y étoient pas initiés & qu’on traitoit de profanes.
*CHAMPS ELYSÉES (Elysium, gen. Elyfiorum Camporum) étoient, suivant les païens, le lieu où demeuroient les ombres de ceux qui avoient bien vécu. Selon la plupart des poètes, les hommes y menoient une vie tranquille & douce ; les campagnes n’y étoient jamais désolées par les frimas, les pluies & les neiges ; on y respiroit en tout temps un air pur & tempéré ; cette contrée étoit rafraîchie par les aimables zéphyrs de l’océan ; une douce lumière y régnoit ; les habitants de ces lieux avoient leur soleil & leurs astres ; SATURNE étoit le Souverain de ces champs où il dominoit avec RHÉA sa femme, & faisoit régner le siècle d’or ; les seuls jeux innocents & les occupations dignes des héros y étoient admis. Les poètes voluptueux y vont trouver des occupations & des plaisirs plus conformes à leurs inclinations.
*DIEUX (Dii, gen. Deorum), Tous les dieux du paganisme n’étoient pas également recommandables, ni également révérés. Il y en avoit de plusieurs classes ; & on leur rendoit aussi un culte différent, selon leur caractère, leur antiquité ou leur dignité. On remarque, dans la Théogonie d’HESIODE, trois sortes de divinités. Les dieux du premier ordre étoient ceux du ciel, de la mer & des enfers, comme JUPITER, JUNON son épouse, PLUTON, etc. Les Anciens reconnoissoient encore un grand nombre de dieux d’un ordre inférieur, dont ils croyoient que l’air étoit rempli : ils les qualifioient du nom de démons. Ils admettoient dans ce rang les faunes, les satyres, les nymphes des bois & des fontaines. Ces dieux se mêloient des affaires des hommes, les assistoient à la guerre ou dans le négoce, pour avancer leur fortune, & les protégeoient dans les périls. La troisième espèce de dieux inférieurs aux deux premières, étoit celle des Héros, qui s’étoient signalés par des actions éclatantes, soit à la guerre ou ailleurs. Ceux-ci étoient honorés du nom de demi-dieu. Voici l’origine du culte & des honneurs que les païens rendoient à leurs dieux. C’est un principe incontestable, que l’idée que nous avons de Dieu & de l’Être suprême nous engage indispensablement à L’honorer & à Lui rendre un culte religieux & souverain, proportionné, autant qu’il est possible, à la grandeur & à la dignité de cet Être ineffable, dont l’excellence le relève infiniment par-dessus tous les êtres. Ce culte, que l’on appelle de Latrie, est le principal objet de la religion, qui porte toutes les créatures raisonnables à rendre leurs devoirs à l’Être suprême, auteur de tout bien & dont ils tirent tout ce qu’ils possèdent : la vie & les apanages de la vie. Voilà pourquoi la religion est la première & la plus excellente de toutes les vertus morales, puisqu’elle a Dieu même pour son objet immédiat. Comme l’homme est composé de deux parties, à savoir le corps & l’esprit, on peut aussi honorer Dieu en deux manières, par rapport à ces deux puissances, par un abaissement extérieur, un prosternement & une soumission sensible. On L’honore plus noblement & d’une manière plus convenable à l’être purement spirituel, en reconnoissant & adorant l’autorité qu’Il a sur nous : c’est ainsi que par la prière nous nous adressons à Lui, comme à la première source de tous les biens ; nous publions Ses grandeurs par nos louanges & nos adorations.