Abréviations, Paléographie

Dictionnaire des abréviations latines et françaises

usitées dans les inscriptions lapidaires et métalliques, les manuscrits et les chartes du Moyen Age

Auteur(s) : CHASSANT Alphonse

 Paris, Auguste AUBRY, libraire-éditeur, rue Dauphine n°16
 deuxième édition revue, corrigée er augmentée (la première date de 1846)
  1862
 1 vol (LII-167p.)
 In-douze
 basane sombre, dos lisse, titre en lettres dorées, platé décoré d'un symbole doré
 lettrines ornées et culs-de-lampe


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Né en 1808 à Paris, Alphonse CHASSANT, lithographe de formation, possède une érudition qui va lui permettre de devenir le bibliothécaire de la ville d’Évreux. Il occupe ce poste entre 1836 et 1851, avant de devenir archiviste municipal. Dès lors, il se lance dans une carrière d’écrivain prolifique, centrée sur les “sciences annexes” de l’histoire médiévale, comme la paléographie, l’héraldique, l’histoire de l’art et de la littérature, ou encore la sigillographie. Parmi ses nombreuses publications, nous pouvons citer sa Paléographie des chartes et manuscrits, du XIe au XVIIe siècle, publiée en 1839, son Dictionnaire des devises historiques et héraldiques, rédigé avec Henri TAUSIN, ainsi que son Dictionnaire des abréviations latines et françaises, dont la première édition est publiée à Évreux en 1846. L’ouvrage reçoit un bon accueil de tous ceux qui doivent manipuler des manuscrits anciens, mais il faudra attendre 1862 pour qu’il achève une nouvelle édition, celle présentée ici, qui paraîtra remaniée, corrigée et surtout augmentée.

Comme dans quasiment tous les systèmes d’écriture, les scribes, les fonctionnaires, les écrivains ou même les simples particuliers sont confrontés à un moment ou un autre à la nécessité pratique de recourir à des abréviations. Ce besoin peut être motivé par l’envie de gagner de la place et d’éviter du même coup d’inutiles répétitions, mais le souci principal du rédacteur consiste à transcrire un texte écrit au rythme de la parole. L’art de recourir à un système d’abréviations, qui remonte à l’Antiquité, confer les fameuses notes tironiennes, se développe en Occident sous le nom de brachygraphie, littéralement “écriture courte“.  À l’usage, des sigles et des caractères simplifiés sont conçus pour faciliter la prise de notes. Mais, au cours du Moyen Âge, ces abréviations deviennent multiples, chacun élaborant son propre système ou l’adaptant à ses besoins. Le même symbole ou ensemble de lettres n’a pas forcément le même sens selon le lieu, l’époque ou la personne qui l’utilise. Pour résumer, en l’absence d’un véritable corpus unique, il règne une grande confusion, cause de déformations et d’erreurs qui seront souvent entérinées avec le temps. Pour CHASSANT, “les abréviations répandues dans les écritures du Moyen Âge ont été une source continuelle d’obstacles et d’erreurs qui exposent chaque jour des savants à commettre des méprises grossières”.

Afin de bien déchiffrer les documents médiévaux, une nouvelle science émerge peu à peu : la paléographie. Destinée à déchiffrer tous les types de documents, elle est issue de considérations très pragmatiques. On y recourt en effet souvent pour prouver un privilège, un droit ou une propriété à partir de documents anciens. Il faut donc pouvoir interpréter correctement les écrits, mais aussi débusquer les très nombreuses contrefaçons forgées après coup pour légitimer ce qui, au départ, n’était souvent qu’un usage. Pour arriver à retranscrire correctement un manuscrit, il faut traduire les multiples abréviations du texte sans en trahir le sens. Des spécialistes de la paléographie, dont plusieurs bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, pionniers de cette science naissante, ont cherché à produire des manuels et des lexiques de “diplomatique” pour aider à la bonne traduction de ces textes semés d’embûches. Un des ouvrages les plus réputés sur le sujet, et qui fera longtemps référence, sera le Lexicon diplomaticum de l’archiviste allemand Johann Ludolph WALTHER.  Mais, avec le temps, cet ouvrage entièrement rédigé en latin va devenir obsolète, compte tenu des progrès entretemps réalisés par les chercheurs. C’est cette lacune que CHASSANT se propose de combler en produisant un ouvrage pratique, synthétique et accessible à un public élargi.

L’auteur juge nécessaire de débuter son livre par un exposé pédagogique sur les mécanismes et les principes généraux de la brachygraphie. C’est ainsi qu’il écrit : “En faisant connaître les divers modes abréviateurs dont se compose cette méthode, en expliquant les signes qu’elle emploie et les règles observées dans la formation de chaque genre d’abréviation, c’est déjà répandre, ce nous semble, quelque lumière sur le point le plus obscur des écritures anciennes.” Après ce préambule d’une cinquantaine de pages, le livre présente les différentes abréviations latines et grecques selon un ordre alphabétique. CHASSANT part de la reproduction en gravure d’un symbole ou d’une contraction, pour la faire suivre de sa traduction en évitant de se lancer dans des explications sémiologiques ou historiques complémentaires.

Ce travail suppose une certaine familiarisation avec la graphie gothique particulièrement anguleuse et avec des caractères spéciaux tarabiscotés difficiles à saisir pour le profane.

Le lecteur découvre ainsi que le groupe de lettres majuscules APS, avec un trait horizontal sur le P, signifie Apostoles, que le signe, constitué des lettres P et L suivi d’un petit 9, signifie Plus, que le symbole ⁊. correspond à et, ou que TTM. veut dire Testamentum. À côté de mots tronqués et de groupes de lettres énigmatiques, les scribes médiévaux ont recours à une multitude de symboles et de signes diacritiques (points, tildes, barres, accents, points, etc.), qui rendent ardu le travail de qui veut saisir le sens d’un manuscrit moyenâgeux. Perfectionniste et soucieux d’être utile à ses lecteurs, l’auteur joint à son dictionnaire une liste de lettres dites “monogrammiques”. Il s’agit de lettres qui ont fusionné en un seul symbole, procédé fréquemment utilisé pour les signatures. Cette technique de recourir à des signes et des contractions s’appliquera dans l’écriture de la langue populaire et sera largement utilisée jusqu’au XVIIIe siècle, certains signes survivant au-delà, comme le signe &, connu sous le joli nom d’esperluette.

Devenu en 1873 conservateur au Musée municipal d’Évreux, CHASSANT demeurera une autorité respectée dans le domaine de la paléographie, jusqu’à sa mort survenue le 7 septembre 1907.

Quelques exemples 



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