Français (langue), Étymologie

Origines de la langue françoise (les)

Auteur(s) : MÉNAGE Gilles

 à Paris, chez Augustin COURBE, en la petite salle du Palais, à la Palme
 édition originale
  1650
 1 vol (XXXVIII-845p.)
 In-quarto
 veau, dos à cinq nerfs, caissons ornés
 marque de l'éditeur sur la page de titre signé Jean PICART, culs de lampe, lettres ornées, bandeaux décoratifs


Plus d'informations sur cet ouvrage :

En dépit de son titre, l’ouvrage de Gilles MÉNAGE constitue bien un dictionnaire entièrement consacré à l’étymologie de la langue française. Le livre sera réédité en 1694 dans une version très augmentée que l’auteur ne verra pas achevée, avec un titre plus explicite : Dictionnaire étymologique ou Origines de la langue françoise.

À l’époque, l’étymologie n’est pas encore une science, mais elle représente déjà un sujet d’étude alors qu’elle n’était utilisée depuis le Moyen Âge que pour démontrer une thèse. On cherchait alors, par des rapprochements fantaisistes et des contorsions linguistiques, à rattacher le français au grec, comme pour le mythe des origines troyennes (voir à ce sujet la notice du livre de PICARD de Toutry sur Dicopathe), ou à l’hébreu qui, après Babel, serait la langue demeurée la plus proche du langage originel.

Gilles MÉNAGE se démarque de ses prédécesseurs par une approche plus scientifique et aborde l’étude de la langue pour elle-même, sans aucune visée idéologique. Grammairien et lexicographe renommé, l’auteur rattache résolument la langue française à ses racines grecques et latines issues du monde gallo-romain : « Pour réussir en la recherche des origines de notre langue, il faudroit avoir une parfaite connoissance de la langue latine dont elle est venue, et en particulier de la basse latinité. » Novateur en ce domaine, il n’hésite pas à inclure dans ses démonstrations les patois de France : « Il faudroit sçavoir avec cela tous les différens idiomes de nos provinces et le langage des paysans, parmy lesquels les langues se conservent plus longuement. »

Le latin, le grec et, plus ponctuellement, l’hébreu et l’arabe sont présents dans ses définitions, mais en même temps MÉNAGE opère également des rapprochements linguistiques avec la langue espagnole et avec la langue italienne qu’il connaît bien. Il sera d’ailleurs par la suite un des rares Français membres de l’académie florentine de la Crusca. En fin d’ouvrage se trouvent, en plus d’une liste des mots latins utilisés, deux tables des mots espagnols et italiens dont l’étymologie est expliquée dans le dictionnaire.

Lorsqu’au XIXe siècle Friedrich Christian DIEZ mettra en place les fondements de l’étymologie moderne, il conservera plus de 70 % des explications formulées dans ce dictionnaire, rapport très largement supérieur à celui constaté dans les autres ouvrages antérieurs et contemporains à ceux de MÉNAGE. Pour autant, dans un souci permanent de faire dériver le latin vers le français, l’auteur n’hésite pas parfois à triturer les mots latins en convertissant en particulier la première lettre de manière parfois artificielle. C’est ainsi, par exemple, qu’il relie le mot latin faba au mot français haricot. MÉNAGE est un intellectuel brillant et érudit, mais également un polémiste virulent, et son esprit sarcastique lui attire beaucoup d’inimitiés, en particulier celles de nombreux membres de l’Académie française.

MOLIÈRE se serait inspiré de lui pour le personnage du cuistre VADIUS dans Les femmes savantes. Il est au cœur de plusieurs polémiques, en particulier de celle qui l’oppose à Gilles BOILEAU. Ce dernier rédige en 1655 un Avis à monsieur MÉNAGE qui constitue le point de départ d’une impitoyable guerre de libelles et d’épigrammes. Il est également en vive opposition avec le poète Pierre de MONTMAUR, avec le grammairien Dominique BOUHOURS, et il attaque systématiquement le travail étymologique de VAUGELAS. De son côté, l’imprimeur JOURNEL refuse d’imprimer le livre sous le prétexte qu’on y traite les Parisiens de badauds.

En début d’ouvrage figure une épître dédicatoire à Pierre DUPUY, conseiller du roi mais également érudit et bibliothécaire, dont MÉNAGE revendique l’amitié, suivie d’un chapitre sur la conversion des lettres du grec et du latin au français.



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