Bienséance, Politesse, Savoir-vivre

Nouveau manuel complet de la bonne compagnie, ou Guide de la politesse et de la bienséance

Auteur(s) : CELNART Élisabeth (Pseudonyme), BAYLE-MOUILLARD Élisabeth-Félicie

 Paris, Roret libraire, rue de Hautefeuille, 10 bis ; lyon, Perisse Frères
 nouvelle édition augmentée et entièrement refondue (la première date de 1832)
  1839
 1 vol (II-349 p.)
 In-seize
 demi basane noire, dos lisse orné de filets dorés et de motifs géométriques, en bas figure un nom : L. DESPLAS
 gravure en frontispice intitulée "Daignez en agréer l'hommage"


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fille d’un professeur du lycée de Moulins, connu pour ses travaux sur les mathématiques et l’économie, Élisabeth-Félicie CANARD bénéficie d’une instruction de qualité en poursuivant des études secondaires, chose exceptionnelle pour une femme au début du XIXe siècle. Elle épouse Jean-Baptiste BAYLE-MOUILLARD, un avocat général qui siègera à la cour royale de Riom. Cultivée et très pieuse, Élisabeth s’intéresse particulièrement à l’éducation des jeunes filles. Ce n’est pas tant leur émancipation qui la préoccupe que leur rôle de future épouse responsable de la bonne tenue et de la moralité du foyer, du ménage et de la famille. Ses centres d’intérêt gravitent donc autour de l’économie domestique, des règles de la bienséance et du savoir-vivre.

Après quelques publications de nature morale et religieuse, elle est recrutée pour participer au projet pharaonique des manuels Roret en devenant une active contributrice qui rédigera une quinzaine de titres. Le plus souvent elle signe, sous son pseudonyme favori d’Elisabeth CELNART, des ouvrages pratiques traitant de divers sujets, de l’économie domestique à la charcuterie ou aux jeux de société. Elle consacre un livre particulier à la parfumerie, qui lui vaut une accusation de plagiat mais s’avère être un de ses plus grands succès, réédité, traduit et même plagié à son tour.  Elle signe en 1826 un  Manuel des demoiselles, ou arts et métiers qui leur conviennent et dont elles peuvent s’occuper avec agrément, consacré aux activités considérées alors comme féminines, essentiellement la broderie et la couture.

C’est dans le cadre de sa collaboration avec les manuels Roret qu’elle publie, en 1832, le Manuel complet de la bonne compagnie ou Guide de la politesse et de la bienséance qui, cette fois comme le précise le titre, est dédié “à la société française et à la jeunesse des deux sexes“. Le livre, qui connaîtra une longue carrière, sera encore édité en 1863. La version présentée ici, datée de 1839, a été entièrement remaniée et augmentée par l’auteure elle-même.

Épousant sans complexes les codes et la morale de la société bourgeoise de son temps, Élisabeth CELNART propose un véritable guide de bonne conduite, valable aussi bien dans la sphère privée que dans la vie publique et mondaine des catégories sociales favorisées. La bonne réputation étant essentielle, il convient, pour “maintenir son rang”, de suivre des règles et des usages de politesse et de civilité codifiés au fil du temps. Le strict respect de ces règles témoigne de son appartenance à la “bonne société” en garantissant toutes les apparences de respectabilité et de moralité. Le savoir-vivre est un marqueur social et un rite de passage obligatoire pour les adultes en devenir. C’est donc cette discipline, généralement désignée sous le terme générique de “bienséance”, que notre spécialiste, qui a incontestablement une certaine expertise dans le domaine, se propose, à l’aide d’un manuel pratique, de mettre à la portée du plus grand nombre. Même si son ouvrage n’est pas excessivement rigoriste, il ne fait pas, pour autant, preuve de fantaisie. Très docte et particulièrement à cheval sur la piété et la morale, l’auteure ne fait guère montre d’un esprit moderne et il serait inutile d’y trouver la moindre avancée féministe.

Élisabeth CELNART reconnaît que sa première mouture était inaboutie et, bien que “recommandable quant au fond, elle était extrêmement défectueuse quant à la forme. Un manque absolu de méthode, la pratique presque toujours sacrifiée à d’interminables sentences, de très fréquentes omissions dans les parties les plus essentielles, tels étaient les défauts que nous nous sommes efforcés de réparer”. Elle a opté pour un plan en quatre parties. La première traite de la “bienséance relative aux devoirs de la morale”. Vaste et délicat sujet car il comprend “les convenances de religion, de famille, d’état, et ce que l’on doit à soi-même”. La seconde partie a pour objet la bienséance “considérée sous le rapport des relations sociales”, chapitre essentiel, car il “montre comment la politesse règle toutes nos communications, visites, entretiens, lettres, etc.” La troisième section cible les loisirs et les divertissements, de la promenade aux jeux dits de salon et de société, en passant par les bals, les repas et les spectacles divers. Enfin, dans la dernière partie elle passe en revue “les renseignements de la politesse relative aux divers évènements de la vie, tels que mariages, baptêmes, enterrements, etc.”

Quelques décennies plus tard, un manuel va connaître un succès phénoménal en éclipsant les précédents livres publiés sur le sujet, dont celui qui de CELNART;  il s’agit d’un ouvrage intitulé les Usages du monde : règles du savoir-vivre dans la société moderne, écrit par la baronne STAFFE.

Quelques extraits du livre présenté :

– Il est d’usage, pour remplir les moments d’une visite de pure bienséance, de regarder les portraits qui ornent la cheminée, de les détacher même, si on vous invite à le faire. Il serait de la dernière impolitesse de dire qu’ils sont flattés, de prétendre reconnaître dans le portrait d’une jeune femme celui d’une dame âgée ou moins favorisée par la nature. Il serait encore déplacé de faire de longs compliments : un éloge indirect, ingénieux, est tout ce qu’il y a de plus convenable.

– Les bonnes manières exigeant que l’on soit toujours ganté, les danseurs, et surtout les danseuses, acceptent toutes choses sans ôter leurs gants. Ils font très bien, quand les objets ne sont pas susceptibles de gêner ou de salir une main gantée ; mais hors de ces cas, c’est une affectation tant soit peu ridicule, attendu qu’on s’expose à paraître gauche et à porter tout le reste du bal des gants souillés.

– Les jeunes dames ont la liberté de faire seules les courses et les visites chez leurs connaissances, mais elles ne peuvent se présenter en public sans leur mari ou une dame âgée. Cependant, elles ont la faculté de se promener avec de jeunes dames ou demoiselles, tandis que celles-ci ne peuvent jamais se promener seules avec leurs compagnes. Elles ne doivent non plus se montrer qu’avec un homme de leur famille, encore faut-il que ce soit un parent très proche ou d’un âge respectable. Il serait peu convenable qu’une jeune cousine fût habituellement avec son jeune cousin.

– Il n’est pas de bon ton qu’une femme parle avec trop de vivacité ni trop haut. Elle doit ne paraître ni trop remuante, ni trop immobile. Il est tout à fait déplacé qu’elle se drape en s’asseyant, ou qu’elle étale largement sa robe autour d’elle, comme font les parvenues pour éviter le moindre faux pli. Mais ce qui est surtout insupportable chez le sexe, c’est un air inquiet, hardi, impérieux ; car cet air est contre nature, il n’est permis dans aucun cas. Quand une femme a des soucis, qu’elle les cache au monde, ou n’y vienne pas. Quel que soit son mérite, qu’elle n’oublie pas qu’elle peut être homme par la supériorité de son esprit, par la force de sa volonté, mais
qu’à l’extérieur elle doit être femme ! Elle doit présenter cet être fait pour plaire, pour aimer, chercher un appui, cet être différent de l’homme et si ressemblant à l’ange. Un aspect affectueux, liant et presque timide, une tendre sollicitude pour ceux qui sont autour d’elle, doivent se montrer dans toute sa personne. Sa physionomie doit respirer l’espérance, la douceur et la satisfaction ; l’abattement, le souci et l’humeur en doivent être constamment bannis.



Un commentaire

  1. Quel que soit son mérite, qu’elle n’oublie pas qu’elle peut être homme par la supériorité de son esprit, par la force de sa volonté, mais
    qu’à l’extérieur elle doit être femme ! Elle doit présenter cet être fait pour plaire, pour aimer, chercher un appui, cet être différent de l’homme et si ressemblant à l’ange. Un aspect affectueux, liant et presque timide, une tendre sollicitude pour ceux qui sont autour d’elle, doivent se montrer dans toute sa personne. Sa physionomie doit respirer l’espérance, la douceur et la satisfaction ; l’abattement, le souci et l’humeur en doivent être constamment bannis.

    Soupir…. Et aujourd’hui : Sardine Ruisseau !

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