Médecine

Médecine domestique

ou Traité complet des moyens de se conserver en santé, de guérir & de prévenir les maladies par le régime & les remèdes simples

Auteur(s) : BUCHAN William

 à Paris, chez MOUTARDIER, imprimeur-libraire, quai des Augustins, au coin de la rue Gît-le-Cœur, nº 28
 cinquième édition, revue, corrigée et considérablement augmentée et spécialement d'un article sur la vaccine, de la nouvelle nomenclature chimique, et de la dénomination des nouveaux poids et mesures (la première édition française date de 1775)
  1802
 3 vol
 In-octavo
 cuir moucheté, dos lisse avec filets et motifs floraux dorés, pièce de titre de maroquin rouge
 gravure en frontispice avec le portrait en médaillon de BUCHAN


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Destiné par sa famille à devenir ecclésiastique, William BUCHAN abandonne ce projet à son arrivée à Edimbourg pour se consacrer à sa vraie vocation, la médecine. Son diplôme obtenu, il exerce plusieurs années dans un hôpital du Yorkshire et à Sheffield. C’est au cours de cette période qu’il prend conscience de la surmortalité des femmes en couches et des enfants en bas âge, le plus souvent par méconnaissance des notions d’hygiène élémentaire. Dans un essai publié en 1761, il constate que la moitié des enfants nés en Grande-Bretagne décèdent avant leur douzième année. De retour à Edimbourg, il y ouvre son propre cabinet en 1766.

Malgré les réticences de la corporation des médecins, un mouvement de vulgarisation médicale s’amorce au cours du XVIIIe siècle pour tenter de trouver un équilibre entre une médecine officielle trop théorique et une médecine populaire confinant souvent à la superstition. Portés par un souci de modernité en phase avec l’esprit des Lumières, certains praticiens souhaitent améliorer la santé de l’ensemble du corps social en usant de pédagogie vis-à-vis de la population et des pouvoirs publics. Leur priorité consiste à faire appliquer les notions élémentaires d’hygiène et à diffuser auprès d’un public populaire des méthodes destinées à soigner des maux bénins. Ils souhaitent permettre de dispenser les soins indispensables à un malade hors de portée du médecin. La préface de l’édition française de l’Essai de BUCHAN résume ainsi cet objectif : « L’art de guérir doit non seulement être mis à la portée de tout le monde, mais encore qu’il ne fera jamais de véritable progrès, que lorsque ceux qui l’exercent ne se feront plus un mérite d’avoir des réserves qui ne peuvent être que nuisibles à l’art et au public. »

L’une des personnalités emblématiques de cette école attachée au développement de la santé publique est le Suisse Samuel Auguste TISSOT dont, hélas pour lui, la postérité retiendra surtout les travaux sur les méfaits de la masturbation. Sorti en 1761, son Avis au peuple sur sa santé a un retentissement considérable dans toute l’Europe. Promoteur de la médecine douce, des remèdes naturels et de l’inoculation, il condamne sans réserve la saignée et influencera toute une génération de médecins. Succédant aux ouvrages de médecine “populaire” ou de “médecines de pauvres” publiés depuis la Renaissance, les nouveaux traités de médecine sont inspirés par une vraie rigueur scientifique tout en demeurant empreints de paternalisme.

Partageant cette effervescence du monde médical en Europe, BUCHAN rédige à son tour un dictionnaire pratique. Publié pour la première fois en 1769, sous le titre de Domestic Medicine; or the Family physician, son livre connaît d’emblée un immense succès et deviendra un “best-seller” du XVIIIe siècle, avec plus de 80 000 exemplaires écoulés. Remanié dès 1772 “with considerable additions”, il fait l’objet de près de 21 éditions successives en Grande-Bretagne, la dernière datant de 1846. L’ouvrage est traduit dans les principales langues européennes alors que parallèlement en Europe se multiplient les contrefaçons et les éditions “pirates”.

La première édition française, publiée en cinq volumes entre 1775 et 1778, sous le titre de Médecine domestique, ou Traité complet des moyens de se conserver en santé, de guérir & de prévenir les maladies par le régime & les remèdes simples, est basée sur la quatrième édition anglaise. Elle est l’œuvre de Jean Denis DUPLANIL, docteur en médecine à faculté de Montpellier mais aussi médecin ordinaire du comte d’ARTOIS, frère de LOUIS XVI et futur CHARLES X.

DUPLANIL ne se contente pas de traduire le texte, il l’amende d’un très grand nombre de notes dans les marges et en bas de page. Le cinquième volume contient une Pharmacie domestique, soit une courte liste des ingrédients et des remèdes que doit contenir une pharmacie pour utiliser au mieux la Médecine domestique, suivie par une table des matières des volumes précédents. Trois autres éditions se succèdent entre 1780 et 1785.

En 1802, le libraire Nicolas MOUTARDIER, successeur de Jacques-François FROULLÉ, son beau-père guillotiné sous la Révolution, édite la cinquième édition, celle ici présentée. Le traducteur a eu toute latitude pour actualiser un grand nombre de données et intégrer les changements multiples, les découvertes et les progrès survenus en près de quinze années. C’est en particulier le cas de la nouvelle nomenclature chimique comme des nouveaux standards des poids et mesures. Il a pu également retrancher certaines informations obsolètes et regrouper quelques chapitres en un seul.

L’ouvrage de BUCHAN se compose de deux parties. La première, inspirée par le souci de pédagogie hygiéniste et prophylactique de l’auteur, traite des causes des maladies et des précautions à prendre pour les tenir éloignées. Une de ses principales préoccupations est de lutter contre la propagation des miasmes, d’où l’attention particulière portée à la qualité de l’air, car « l’air, ainsi que l’eau, se charge des parties de la plupart des corps avec lesquels il est en contact, et souvent il est imprégné de particules si nuisibles, qu’il occasionne une mort subite ». Assurer une bonne ventilation en air frais, c’est-à-dire non vicié, est considéré comme un principe indispensable pour éviter les maladies et échapper aux contagions. Cette notion, promise à un bel avenir, inspirera les futurs grands réaménagements urbains.

La propreté est bien sûr au centre de la démarche prophylactique. Certains conseils nous paraissent évidents par leur simplicité, mais à l’époque la propreté élémentaire était loin d’être un réflexe naturel, y compris dans les hôpitaux où, par peur de la contagion, les malades ne sont souvent ni lavés ni changés. BUCHAN pense que, pour conserver sa santé, il est nécessaire d’adapter son alimentation à sa corpulence et à son état physique. Il conseille également de laver régulièrement ses vêtements et de s’habiller avec circonspection, en évitant de comprimer le corps à l’excès. C’est ainsi qu’il condamne sévèrement les corsets chez les femmes et l’emmaillotage des nouveau-nés. Pour éviter de nombreuses pathologies, il recommande de se soumettre à l’exercice et de pratiquer des activités physiques comme la chasse, le jeu de paume ou le jeu de crosse. Au passage, signalons que DUPLANIL évoque également le golf, « un jeu très commun dans le nord de l’Angleterre, qui procure un excellent exercice au corps ».

BUCHAN assortit ses conseils d’un appel à la tempérance, car « les passions ont une grande influence des maladies ». Abordant le domaine des sentiments humains, il remarque que « la crainte constante d’un mal futur, en séjournant dans l’âme, occasionne souvent le mal même que l’on craint ». Il déconseille également la colère, la peur et surtout le chagrin, source de la mélancolie, qui « mine les forces de l’âme et détruit le tempérament ». Il prône un comportement modéré, évitant les excès, y compris dans l’amour et la pratique religieuse. Psychologue avant l’heure, il évoque même les combinaisons de caractères au sein d’un couple : « Un homme et une femme d’un tempérament bilieux ne sont pas propres à la conception… Les femmes sanguines, plus modérées que les femmes bilieuses, sont plus fécondes. Il serait donc important que les hommes bilieux n’épousassent jamais que des femmes sanguines, mélancoliques ou phlegmatiques, et que les femmes bilieuses prissent les mêmes précautions envers leurs maris. »

La seconde partie du livre décrit les maladies, en explicite les causes, propose un traitement adéquat, régime alimentaire compris, et délivre des indications sur leurs remèdes faciles à élaborer. Dans son introduction, DUPLANIL résume la démarche de BUCHAN : « Ennemi des hypothèses, il ne s’arrête point à ce qu’on appelle dans les écoles les causes prochaines et immédiates, mais il n’oublie pas de parler des causes évidentes et éloignées qui peuvent dévoiler avec moins d’ambiguïté le caractère des maladies. » Pour les maladies contagieuses, comme la petite vérole (variole) et la rougeole, il se fait le promoteur de l’inoculation, c’est-à-dire de l’ancêtre de la vaccination, pratique qui se répand progressivement en Occident depuis le début du siècle. L’écorce de quinquina est mise en avant comme un outil efficace contre les fièvres.

Fidèle à son grand combat, il marque un intérêt particulier dans ses commentaires pour les femmes en couches dont la surmortalité le révolte et pour les enfants. Il se préoccupe également d’une catégorie relativement nouvelle de pathologies : les maladies professionnelles. Dans un chapitre intitulé Des diverses professions qu’exercent les hommes, considérées comme des causes de maladie, il passe en revue divers métiers particulièrement à risque. Il s’attarde en particulier sur les artisans et les travailleurs des industries naissantes. Il préconise de fréquentes purges pour les fondeurs, les verriers, les chimistes, les mineurs, les plombiers ou les doreurs qui sont exposés en permanence à des substances nocives. Obsédé par la contamination par l’air, BUCHAN évoque le sort des bouchers, des poissonniers et des charcutiers soumis aux « exhalaisons fortes et malsaines qui s’évaporent des substances putrides ». Il évoque aussi le cas de ceux qu’il appelle les “gens de fatigue”, regroupant dans cette catégorie la paysannerie, les métiers de la mer, l’armée et tous les métiers “physiques”. Il conclut par des professions sédentaires, dont celle des gens de lettres qui, selon lui, sont particulièrement sujets à l’hypocondrie. Pour BUCHAN, l’homme de lettres « néglige souvent les devoirs les plus importans de la vie, pour ne s’occuper que d’objets frivoles » et rajoute, sévère : « Un homme qui ne fait autre chose qu’étudier est rarement utile à la société. »

Deux dédicaces dans ce livre : la première, de DUPLANIL, est dédiée à Joseph LIEUTAUD, conseiller d’État, premier médecin ordinaire du roi et régent de la faculté de médecine de Paris, tandis que la seconde est adressée par BUCHAN à John PRINGLES, médecin du roi d’Angleterre.

L’exemplaire de la collection Dicopathe est malheureusement incomplet des tomes 3 et 4.



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