Littérature française, Pamphlet, Humour

Les guêpes gauloises : petite encyclopédie des meilleures épigrammes, quatrains, épitaphes, portraits, madrigaux, sonnets et couplets satiriques

depuis Clément MAROT jusqu'aux poètes de nos jours

Auteur(s) : SAUVAGE Claude

 Paris, éditions Hetzel, librairie de L. HACHETTE et Cie, rue Sarrasin, n°11
 édition originale
  1859
 1 vol (356 p.)
 In-douze
 demi-cuir foncé, dos lisse avec filets dorés, titre en lettres dorées


Plus d'informations sur cet ouvrage :

À partir des XVIIe et XVIIIe siècles, écrivains et intellectuels commencent à théoriser ce qui va bientôt prendre le nom d’ʺesprit français”. Cette appellation désigne notre goût national ancestral pour l’irrévérence, la satire voire la grivoiserie ; laquelle, selon certains, nous viendrait des Gaulois.  C’est à travers les mots d’esprit, sophistiqués, drôles ou corrosifs, que se manifeste une tournure d’esprit qui prospère dans plusieurs univers : d’abord celui de la vie intellectuelle et littéraire, où règlements de comptes et controverses se font par livres et lettres interposés, ensuite celui de la vie mondaine, au sein de laquelle l’art de la conversation et de la répartie est érigé en institution ; enfin celui des chansonniers, des pamphlétaires et des libellistes, qui pratiquent une approche plus directe, mais aussi plus populaire de la satire.

Cette “malice gauloise”, éparpillée dans une multitude d’écrits, sert de matière première à un dénommé Claude SAUVAGE, dont nous ne connaissons quasiment rien, pour rédiger un recueil qui sort en 1859 sous le titre de Guêpes gauloises ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici… Ce livre rassemble des textes très variés, aussi bien par leur forme que par leur origine, représentatifs de “l’esprit français sous sa forme la plus déliée, la plus piquante et la plus incisive”, l’auteur précisant néanmoins qu’il a “élagué ce qui nous a paru grossier, licencieux, ou seulement équivoque”.

Devant la grande diversité de la matière sélectionnée, SAUVAGE renonce à respecter un plan strictement alphabétique, d’autant que bien des textes sont anonymes. Il opte donc pour une organisation complexe, à la fois chronologique et thématique. Le livre se divise en deux grandes parties : la première courant de Clément MAROT au début de la Révolution française, la seconde débutant après 1789 ; cette section étant elle-même subdivisée en périodes (Révolution, Empire, Restauration, monarchie de Juillet, époque contemporaine). L’auteur justifie le plan adopté : “Avant la Révolution, la situation des hommes de lettres n’était point ce qu’elle a été depuis. Les disciples des Muses n’étaient mêlés que très exceptionnellement aux choses politiques ; ils constituaient un monde à part, ayant ses passions, ses usages et ses intérêts propres. La satire, qui s’exerçait dans ce milieu, avait donc, en général, pour point de mire l’amour-propre, les ridicules ou les travers des écrivains, et, comme le sujet prêtait, nous avons cru nécessaire, pour établir un peu d’ordre, de former des catégories. Depuis 1789, au contraire, il est peu d’écrivains qui n’aient été mêlés, de près ou de loin, de gré ou de force, aux événements politiques de leur temps, et, comme la passion politique est, de toutes, la plus ardente, c’est surtout par le côté politique que les poètes satiriques, depuis la Révolution jusqu’à nous, se sont efforcés de ridiculiser leurs ennemis ou leurs rivaux”

Malgré tout, le livre reste déséquilibré, la première partie faisant 244 pages contre 112 pour la seconde, avec une période dite contemporaine réduite à une douzaine de pages. Il est probable que, soucieux de conserver une certaine neutralité dans le domaine des idées, l’auteur a voulu, par prudence, limiter les références à la vie politique très agitée et conflictuelle du pays depuis la Révolution. Recherchant l’équilibre, il s’efforce de présenter, chaque fois que cela est possible, l’attaque et la réponse à l’attaque. Cette apparence d’impartialité peut aussi avoir été guidée par le souci d’éviter que la censure ne décèle dans l’anthologie des attaques indirectes contre le régime du Second Empire, ou contre l’Église.

Dans la première partie, organisée d’une manière un peu déconcertante, l’auteur commence à répartir ses “guêpes gauloises” par type de textes : portraits, épitaphes, “aménités littéraires” et “aménités diverses”, deux thèmes un peu fourre-tout particulièrement bien fournis. Il complète l’ensemble avec trois chapitres qui portent des titres plus insolites : Bouquets à Chloris, où il regroupe les propos en rapport avec la “galanterie” et le “beau sexe”, Propos de buveurs, pour ce qui se rapporte à la nourriture et à la boisson ; et enfin, Douceurs du ménage, dont le thème central s’inspire des joies et des déconvenues de la vie conjugale.

SAUVAGE puise sa substance chez un grand nombre de littérateurs, faisant la part belle au Grand Siècle et au Siècle des lumières. C’est ainsi qu’il emprunte largement à VOLTAIRE, à Jean-Baptiste ROUSSEAU, à Alexis PIRON et à Nicolas BOILEAU, mais la vaste liste des auteurs cités compte également des écrivains et des polémistes comme Jean-François de LA HARPE, CHAPELLE, Stanislas de BOUFFLERS, FONTENELLE, Paul PELISSON, ou encore Jacques de CAILLY, Georges de BRÉBEUF, Antoine GOMBAUD et BÉRANGER. Le résultat de son travail est très éclectique, puisque dans le livre nous trouvons à la fois des bons mots, des poèmes, des saillies assassines en vers, des pamphlets, des épitaphes malveillantes et des sonnets. La compréhension de ce « patchwork littéraire » exige du lecteur qu’il possède une bonne connaissance de l’histoire en général et de l’histoire littéraire en particulier. Dernière remarque : si les extraits proposés ne sont pas systématiquement comiques au premier abord, ils ne manquent jamais, au second degré, d’être marqués du sceau de l’ironie.

Le livre ne sera pas réédité et Claude SAUVAGE ne signera aucun autre titre par la suite.

Quelques extraits

Épitaphe d’un grand seigneur, par la comtesse de BRÉGY

Ci-dessous gît un grand seigneur

Qui de son vivant nous apprit

Qu’un homme peut vivre sans cœur

Et mourir sans rendre l’esprit.

 

Contre l’Académie, par PIRON

En France, on fait, par un plaisant moyen,

Taire un auteur quand d’écrits il assomme ;

Dans un fauteuil d’académicien,

Lui quarantième, on fait asseoir mon homme ;

Lors il s’endort, et ne fait plus qu’un somme ;

Plus n’en avez prose ni madrigal.

Au bel esprit le fauteuil est en somme

Ce qu’à l’amour est le lit conjugal.

 

Contre un rimeur qui se faisait imprimer, par ROBBÉ de BEAUVESET

Petit rimeur, qui, rampant dans la fange, Crois tes portraits, moulés sur ceux de Michel-Ange,

Tu veux donc être mis en veau ?
Attends que pour toujours ta paupière soit close ;

On te reliera de ta peau :
Ce sera bien la même chose.

Prière, par RONSARD

Verse-moi donc du vin nouveau
Pour m’arracher hors du cerveau
Le soin par qui le cœur me tombe ;
Verse donc pour me l’arracher :
Il vaut mieux, ivre, se coucher
Dans le lit que, mort, dans la tombe.

Sur un courtisan, par Fabien PILLET

De toutes les couleurs prompt à se revêtir. D’un vrai caméléon il a le caractère.  De toutes les couleurs ?… Ah ! comme on exagère ! Je ne l’ai jamais vu rougir. 



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire