Ancien français (langue), Français (langue)

Glossaire de la langue romane

rédigé d'après les manuscrits de la Bibliothèque Impériale, et d'après ce qui a été imprimé de plus complet en ce genre ; contenant l'étymologie et la signification des mots usités dans les XI, XII, XIII, XIV, XV et XVIe siècles, avec de nombreux exemples puisés dans les mêmes sources; et précédé d'un discours sur l'origine, les progrès et les variations de la langue Françoise ; ouvrage utile à ceux qui voudront consulter ou connoître les écrits des premiers auteurs françois

Auteur(s) : ROQUEFORT Jean-Baptiste-Bonaventure

 à Paris, chez B. WARÉE oncle libraire, quai des Augustins, n°15, de l'imprimerie de CRAPELET
 édition originale
  1808
 2 vol. : tome 1. A-H (XXXII-771 p.), tome 2. I-Z (779 p.)
 In-octavo
 demi-basane brune, dos lisse, fils dorés, titre et tomaison en lettres dorées
 frontispice gravé par LANGLOIS et VILLIERS, 1 planche dépliante portant la reproduction du Traité de Verdun (843)


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Après quelques années passées dans une école militaire, Jean-Baptiste-Bonaventure ROQUEFORT s’installe à Paris en 1792 comme professeur de piano. Après son mariage, il collabore à plusieurs périodiques célèbres comme le Magasin encyclopédique, le Mercure de France et le Moniteur universel, tout en assistant Pierre-Louis GUINGUÉNÉ dans ses recherches pour l’Institut. Passionné par la musique ancienne, il étudie de manière approfondie la littérature et les langues médiévales, destinées à devenir ses sujets de prédilection.

Même s’il rend hommage aux précédentes tentatives de Pierre BOREL, LACOMBE et dom FRANCOIS, il déplore l’« insuffisance des dictionnaires du vieux langage » et il décide d’entreprendre la rédaction de son propre dictionnaire à partir des manuscrits originaux : « Pour ne pas tomber dans les fautes de mes devanciers, il falloit me livrer entièrement à la lecture des ouvrages manuscrits des écrivains et des poètes françois de tous les âges, puisque c’étoit le seul moyen de connoître la véritable acception des mots qu’ils ont employés, et d’en donner une explication satisfaisante. » Il entend inscrire sa démarche dans la lignée de Jean-Baptiste de LA CURNE de SAINTE-PALAYE et de son projet inachevé de Dictionnaire historique de l’ancien langage françois. ROQUEFORT a d’ailleurs eu la possibilité de s’entretenir avec le principal collaborateur de ce dernier, le lexicographe Georges-Jean MOUCHET qui avait tenté de mener à son terme le monumental ouvrage de son maître.

Après un long et fastidieux travail de collecte et de recherche dans les manuscrits de la Bibliothèque impériale, ROQUEFORT publie, courant 1808, son Glossaire de la langue romane, en deux tomes. Il s’agit de l’ouvrage ici présenté. Le livre fait date et reçoit bon accueil l’année suivante au sein de l’Académie celtique, future Société des antiquaires.

Si l’auteur, très fier de son œuvre, déclare : « J’ose assurer qu’on y trouvera au moins vingt-cinq à trente mille articles nouveaux de plus que dans aucun autre ouvrage du genre », son livre se présente avant tout comme un outil pratique et un lexique usuel destiné à comprendre les textes anciens. Les définitions sont la plupart du temps brèves, simples et uniquement composées de citations, d’extraits de poèmes et d’indications étymologiques. Dans son ouvrage il fait davantage œuvre de littérateur et de linguiste que d’historien.

La langue romane correspond ici au français du Moyen Âge classique, situé approximativement entre le XIe et le XVe siècle. À cette époque la langue s’est définitivement affranchie du latin, lequel a lui-même beaucoup évolué depuis l’Antiquité. C’est alors qu’émerge une littérature profane “nationale” écrite dans une langue qui, à la Renaissance, prendra l’appellation d’ancien français. Curieusement, ROQUEFORT semble décidé à ne pas vouloir faire de distinction entre la langue d’oc et la langue d’oïl, pourtant bien dissemblables. Il n’évoque guère cette différenciation, si ce n’est parfois pour indiquer une variante en provençal, et se contente de répertorier les mots sans préciser leur aire linguistique. Il est vrai que, faute de sources, l’histoire de la langue française connaît des zones d’ombre qui, même de nos jours, ne permettent pas de savoir avec certitude si les deux langues sont nées en parallèle dans deux foyers différents ou issues de la scission d’une langue commune, dérivée du latin, que l’on appellera par la suite le gallo-roman.

ROQUEFORT revient régulièrement sur les théories “celtomaniaques” qui, ayant circulé depuis la Renaissance, redeviennent très en vogue, portées par le succès des poèmes d’OSSIAN et du romantisme. Il conteste formellement les écrits de PEZRON qui avance que la langue celtique est la langue originelle des peuples européens, d’où le latin et le grec descendraient directement : « Si je me suis prononcé ouvertement contre la prétendue langue celtique et le sentiment de tous les Bas-Bretons, c’est que la raison et l’histoire se refusent également à croire que ce soit du jargon de Quimper-Corentin que toutes les langues tirent leur origine ; ce système faux et bizarre, qu’on a tenté de ressusciter de nos jours, péchera toujours par ses fondemens. »

Le dictionnaire proprement dit est précédé d’un Discours préliminaire présentant une histoire de la langue française depuis l’Antiquité, à travers « le tableau de son enfance, de ses variations, de ses progrès ».

Après la parution de son Glossaire de la langue romane, ROQUEFORT, sollicité par de nombreuses académies, rédige plusieurs publications sur la littérature, l’histoire et la poésie médiévale, mais aussi sur les musiciens et l’archéologie. En 1820, il publie un Supplément au Glossaire de la langue romane, puis il participe à la rédaction de la Biographie universelle et au Dictionnaire universel des musiciens. Enfin, en 1829, il publie un Dictionnaire étymologique de la langue françoise.

La fin de sa vie est marquée par un évènement qui va fortement le traumatiser. Alors qu’il se promène dans un Paris frappé par l’épidémie de choléra, il est désigné à la vindicte populaire comme empoisonneur et manque de peu d’être jeté dans la Seine. Sauvé par la police, sa santé physique et mentale se dégradera rapidement, et il décèdera en 1834 au cours d’un déplacement en Guadeloupe.

Le Dictionnaire de la langue romane est dédié au frère aîné de NAPOLÉON Ier, Joseph BONAPARTE, alors roi de Naples et de Sicile. ROQUEFORT espérait sans doute s’attirer par là les faveurs du souverain, mais sa seule entrevue avec l’empereur ne sera guère chaleureuse, et par la suite l’auteur adoptera des positions monarchistes. Il accueillera avec enthousiasme la Restauration et s’adjoindra même une particule, associant à son nom de famille celui du domaine de Flaméricourt.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire