Paris (Ville), Géographie de la France, Organisation administrative de la France

Géographie parisienne en forme de dictionnaire

contenant l'explication de Paris ou de son plan, mis en carte géographique du Royaume de France, pour servir d'introduction à la géographie générale. Méthode nouvelle & facile pour apprendre d'une manière pratique & locale , toutes les principales parties du Royaume & de Paris , ensemble , & les unes par les autres. Paris placé à l'église & paroisse de S.Leu , rue de S. Denis, qu.2. de St Jacques de la Boucherie , étant le point fixe de toutes les parties

Auteur(s) : TEISSERENC Étienne

 à Paris, chez la veuve ROBINOT, quai des Augustins ; chez VILLETTE, rue du plâtre, S. Jacques ; la veuve AMAURY, grande salle du Palais
 édition originale
  1754
 1 vol (XIX-356 p.)
 In-douze
 veau d'époque, dos lisse orné


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Au milieu du XVIIIe siècle, la ville de Paris, peuplée de plus de 500 000 habitants, est une des plus importantes capitales européennes, s’imposant sans conteste comme le premier pôle artistique et culturel du continent. La cité parisienne est alors une métropole très dense qui doit composer avec un habitat hérité du Moyen Âge. Étouffée par le carcan que ses murs d’enceinte successifs constituent, la ville souffre d’un manque total d’équipements et d’aménagements urbains.

Dans le souci de moderniser et embellir Paris en la dotant de vastes perspectives, de places et de bâtiments prestigieux, le pouvoir royal et les autorités locales ont engagé, depuis le début du XVIIe siècle, une politique volontariste de modernisation de la capitale. Des boulevards ont été aménagés à l’emplacement des anciens remparts, l’éclairage public amélioré, les égouts restaurés et prolongés. La construction d’une grande esplanade est projetée (la place Louis XV, future place de la Concorde) mais, à côté de ces améliorations ponctuelles, aucun plan global de transformation de Paris n’a encore été établi.

Rêvant d’une ville plus fonctionnelle, organisée selon des principes tantôt rationnels tantôt utopistes, des ingénieurs, des philosophes et des géographes bâtissent différents projets dans le but de réorganiser Paris. Parmi les savants qui réfléchissent à l’organisation de la capitale, se trouve un ecclésiastique originaire de Lodève, qui se fait appeler l’abbé Étienne TEISSERENC. En 1754, il expose ses idées « révolutionnaires » dans un ouvrage intitulé Géographie parisienne en forme de dictionnaire. Il s’agit de l’ouvrage présenté ici.

Le projet de TEISSERENC part d’un constat sans nuances : les Parisiens méconnaissent les provinces du royaume, alors que, de leur côté, les provinciaux sont perdus quand ils débarquent dans la capitale. Il imagine donc d’établir une “relation mutuelle des habitants de la ville de Paris, avec toutes les provinces du royaume, par une connaissance pratique de l’un & de l’autre, & de tous les deux à la fois”. De ce constat naît l’idée, il faut le dire un peu farfelue, d’établir une “symbiose” entre la capitale et le pays, en superposant la carte du royaume sur celle de Paris. Pour ce faire, prenant pour référence la carte établie en 1728 par l’abbé  DELAGRIVE, notre ecclésiastique entreprend d’“appliquer la carte générale du royaume sur la ville de Paris, d’orienter dans Paris les provinces comme elles le sont dans le royaume, autant que les différents espaces le permettent, & de leur faire garder en tout ou en partie les mêmes limites”.

À en croire notre ecclésiastique, cette disposition aurait en outre une indéniable vertu pédagogique car, selon lui, par ce moyen et sans avoir à recourir à des cartes géographiques, “l’habitant de Paris, sans en sortir & sans le secours d’aucun maître, apprendra la position & le nom des provinces, pays différents & villes du royaume, comme s’il voyageait effectivement lorsqu’il vaque à ses affaires dans la ville ; & l’homme de province apprendra la disposition générale & particulière de Paris & du royaume”.

Ce projet suppose bien entendu de modifier le nom des rues pour “donner à chacune le nom d’une ville ou lieu considérable de la province où elle se trouverait située, suivant sa position la plus convenable, par rapport à l’église de Saint-Leu, où Paris est placé comme le local le plus approchant de celui qu’il occupe dans le royaume, par rapport aux provinces, pour être le point fixe de toutes les parties, & garder les éloignements différents, en donnant le nom des villes aux rues”.

Passant de la théorie à la pratique, TEISSERENC se sert de son dictionnaire pour attribuer des équivalents issus de la superposition géographique de la carte de Paris et de celle du pays. C’est ainsi que la rue des Gobelins devient Barcelonnette, la rue Sainte-Anne se métamorphose en Boulogne-sur-Mer, tandis que la rue du Bac se voit attribuer le nom de Saintes et la rue de Richelieu celui de la Ferté-Bernard. Les “provinces” qui regroupent plusieurs quartiers sont également indiquées. Les entrées sont doubles, c’est-à-dire qu’il est possible de partir, soit du nom de la rue parisienne, soit de celui de la ville de province choisie pour baptiser une voie préexistante.

Pour aider les voyageurs à s’y retrouver, l’abbé estime nécessaire de placer des écriteaux au début et à la fin de chaque rue, qui indiquent tout à la fois le quartier, lui-même subdivisé en zones numérotées, la province de rattachement, la ville d’affectation, le point cardinal de cette dernière et enfin la distance en lieues par rapport à Paris. Poussant sa logique jusqu’au bout, il imagine de donner aux limites de la ville les frontières de la France, la barrière de Vaugirard devenant la barrière d’Espagne, et celle du Trône, la barrière de la Suisse. Par réalisme, notre géographe réformateur concède quand même qu’il conviendrait pendant un temps de faire cohabiter l’appellation ancienne et la nouvelle.

L’autre obsession de l’auteur se porte sur les enseignes, dont il veut “la réduction à une même grandeur, hauteur & avance sur les rues”, souhaitant “fixer à chaque espèce d’écriteau & d’enseigne qui regarderait le même métier & la même matière, une forme & une couleur particulières pour les distinguer des autres”. Jouant au maître d’école, il encourage les possesseurs d’enseignes à y ajouter des indications d’ordre historique ou scientifique. Il envisage même que, sur incitation de l’État, ces écriteaux pourraient instruire les passants en les renseignant sur des sujets aussi divers que « les ordres de chevalerie, la vie de grands personnages ou les monnaies, poids et mesures de différents pays“. L’auteur rêve d’une ville ainsi transformée en une véritable “école publique gratuite en tout genre de littérature, par le moyen des écriteaux qui sont aux enseignes”.

Malgré la belle assurance de l’auteur, qui paraît confiant de voir son projet séduire les autorités et connaître une application rapide, son plan, à la fois généreux, original et saugrenu, restera lettre morte. L’ouvrage ne sera d’ailleurs pas réédité, et TEISSERENC retombera dans l’anonymat. Dans les décennies suivantes, d’autres projets verront le jour, axés cette fois-ci sur l’embellissement de la ville, les conditions de vie et l’amélioration de la voirie, dont en particulier les audacieux travaux de Pierre PATTE. Mais il faudra attendre le règne de LOUIS-PHILIPPE, et bien sûr les réaménagements du baron HAUSSMANN sous le Second Empire, pour voir l’urbanisme parisien se transformer de manière spectaculaire.

Quelques exemples extraits du dictionnaire

*NARBONNE ; rue Mouffetard, faub. Saint-Marceau, quartier 16. de la place Maubert, à 161 lieues S-E.

*Rue du Cherche-Midi ou Chasse-Midi, quartier 19. du Luxembourg. Voyez Mirande, Muret.

*Rue du Cheval-Vert, faub. Saint-Marceau, quartier 17. de Saint-Benoît. Voyez Saint-Guilhem.

*BRIEU (Saint) ; rue du Luxembourg, quartier 5. du Palais-Royal, à 96 lieues S-O.

*SABLES-D’OLONNE, ou amplement Les SABLES, rue de Bourgogne quartier 20. de Saint-Germain-des-Prez, à 103 lieues S-O.



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