Genera plantarum
eorumque characteres naturales secundum, numerum, figuram, situm, et proportionem omnium fructificationis partium
Auteur(s) : LINNÉ Carl
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Carl LINNÉ, étudiant en médecine à l’université d’Uppsala, trouve dans les études un moyen de développer sa grande passion : la botanique. Remarqué pour ses aptitudes intellectuelles et scientifiques, il bénéficie d’emblée de la protection de plusieurs savants dont le botaniste CELSIUS et le naturaliste RUDBECK le jeune. Il se lie également avec ARTEDI, grand spécialiste d’ichthyologie, dont il publiera par la suite les travaux sur la classification des poissons et des cétacés, qui s’avèreront conformes à ses propres idées.
N’ayant pu obtenir une place de professeur, il entreprend, en 1732, un voyage en Laponie financé par la Société des sciences. Après avoir parcouru plus de 1 500 kilomètres, il rapporte de son périple une abondante moisson d’informations qu’il expose dans l’Iter lapponicum.
En butte aux manœuvres de ROSEN, LINNÉ se voit interdire d’enseigner à l’université au motif qu’il n’est pas encore diplômé. Pendant plusieurs années il multiplie les voyages en Suède et en Europe, et séjourne à plusieurs reprises en Hollande où il passe sa thèse de médecine. À Leyde, il rencontre GROVONIUS et BOERHAVE, et leur présente un manuscrit sur la classification des espèces sur lequel il travaille depuis des années. Enthousiastes, ces derniers l’aident à le faire publier ; c’est ainsi que le Systema naturæ sort pour la première fois à Leyde en 1735.
Cette première version est très brève, mais cet ouvrage n’en constitue pas moins une révolution dans l’histoire des sciences naturelles. En effet LINNÉ est le premier à proposer une méthode de classification basée sur un mode opératoire descriptif rationnel et surtout universel. Pendant plus de trente ans, ce qui n’était au départ qu’un opuscule ne cessera d’être amélioré, étoffé et réédité avec un succès éditorial qui ne se démentira jamais.
Selon LINNÉ, la nature est organisée selon trois règnes : minéral, végétal et animal. Les animaux sont répartis en six groupes (quadrupèdes, oiseaux, amphibiens, poissons, insectes, vers), déterminés en fonction d’organes spécifiques (dents, becs, nageoires ou ailes) alors que la classification des plantes se fonde sur leur “sexualité”, ou plutôt sur leurs organes reproducteurs : les étamines et les pistils.
Désormais célèbre et soucieux d’acquérir un peu d’assise financière, il publie une série d’ouvrages qu’il a commencé à rédiger depuis plusieurs années, dont le Genera plantarum, édité à Leyde en 1737. Dans ce livre, LINNÉ utilise son “système sexuel” de classification pour présenter les 935 genres de végétaux qu’il recense, présentant ainsi la première démonstration développée de la classification linnéenne.
LINNÉ théorise vingt-quatre classes de plantes selon le nombre et la disposition des étamines. Ce découpage fournit la structure générale du Genera plantarum. Pour établir une nomenclature, il se base sur les fleurs qui, en premier lieu, sont désignées comme apparentes ou cachées. Ensuite elles sont caractérisées soit comme hermaphrodites soit comme unisexuelles, mâles ou femelles. Les premières disposent dans la même enveloppe du pistil et des étamines placés sur le même pied ou sur des pieds différents. Les secondes possèdent un seul de ces attributs et se trouvent être mâles ou femelles. Les vingt premières classes sont consacrées aux hermaphrodites, d’abord classées en fonction du nombre de pistils (par exemple la classe 1 est la monandrie), puis selon la position des étamines, le calice, leur proportion et ainsi de suite. Les classes 21 à 23 regroupent les fleurs unisexuelles. La dernière, dénommée Cryptogamie (“noce cachée”), rassemble les plantes dont les organes reproducteurs demeurent invisibles. Les classes se subdivisent ensuite en ordres. Par exemple la classe des Monandria se divise en Monogynia et Dyginia.
Dans le Genera plantarum, rédigé entièrement en latin, chaque plante est décrite de manière liminaire, avec parfois un bref commentaire final, selon des caractéristiques physiques : calice (cal.), corolle (cor.), étamine (stam.), pistil (pis.), péricarpe (per.) et graine (sem.). LINNÉ n’a pas bâti sa classification ex nihilo, se référant souvent et explicitement à des informations puisées dans d’autres ouvrages comme ceux de TOURNEFORT, DILLENIUS, PLUMIER, RHEEDE ou RAY.
Le Genera plantarum est réédité plusieurs fois à Leyde et à Stockholm. Entre-temps, LINNÉ a consolidé et étoffé son système de classification qu’il affine avec un classement déclinant successivement les caractéristiques suivantes : espèce/ genre/ famille/ ordre/ classe/ embranchement/ règne. En 1753, il fait paraître son autre livre majeur, le Species plantarum, qui restera dans la postérité comme l’ouvrage fondateur de la taxonomie des espèces avec l’adoption du principe du nom binomal. L’année suivante le Genera plantarum est réédité. Désormais considéré comme un complément du Species plantarum, cette cinquième édition, remaniée par LINNÉ lui-même, se trouve augmentée d’un grand nombre de plantes, le total atteignant ainsi 1 105 descriptions ou “genres”. En 1764, la sixième édition, la dernière sortie du vivant de LINNÉ, comprenant 1 239 plantes, paraît à Stockholm. La même année, l’éditeur viennois von TRATTNER, grand spécialiste des contrefaçons et des éditions “pirates”, publie à son tour cette dernière version. Il récidive en 1767 en éditant l’ouvrage ici présenté.
Si la classification de LINNÉ est contestée de son vivant, en particulier pour son approche fixiste et son caractère “artificiel”, elle procure incontestablement une impulsion décisive à l’histoire naturelle, sa nomenclature binomale demeurant un principe universellement reconnu et adopté.
À noter que le titre Genera plantarum, c’est-à-dire les “genres des plantes”, sera par la suite beaucoup utilisé par d’autres scientifiques, notamment par JUSSIEU qui, dans sa version de 1789, présentera sa propre classification en réponse à celle de LINNÉ.