Occitan (langue)

Gasconismes corrigés (Les)

Ouvrage utile à toutes les personnes qui veulent parler et écrire correctement, et principalement aux jeunes gens dont l'éducation n'est point encore formée

Auteur(s) : DESGROUAIS

 à Toulouse, chez Veuve DOULADOURE, imprimeur-libraire, rue St-Rome
 nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée (l'édition originale date de 1766)
  1801
 1 vol (XXIII-442 p.)
 In-douze
 cuir fauve marbré, dos à conq nerfs, caissons ornéés de mtifs dorés


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Grand ensemble linguistique roman du sud de la France, l’occitan se subdivise lui-même en plusieurs branches “dialectales”. Parmi elles se trouve le gascon, dont l’aire d’influence s’étend sur l’Aquitaine, les Pyrénées et une partie de la région toulousaine, le reste étant déjà en zone dite “languedocienne”. La ville de Toulouse et la Garonne font figure de zone “frontière”, points de rencontre des deux aires linguistiques. Mais au XVIIIe siècle il n’est pas rare que les auteurs utilisent le terme gascon pour désigner la langue occitane en général.

L’occitan a connu un âge d’or, au Moyen Âge, grâce aux troubadours, mais il recule nettement face à la langue officielle, le français, qui est désignée comme la “langue du prince”. Si l’occitan est peu à peu supplanté dans les villes et certains secteurs de la vie quotidienne, son déclin n’est pas brutal, et bénéficiera même, entre le XVIe et le milieu du XVIIe siècle, d’une relative renaissance littéraire, portée par des auteurs comme Pey de GARROS et Peire GODOLIN *. Le petit peuple, plus particulièrement campagnard, continue à pratiquer sa langue natale, mais le gascon est peu à peu évincé comme langue de conversation, d’abord par les élites urbaines, suivies par le monde des lettrés, de l’aristocratie, des commerçants, de la petite bourgeoisie, le mouvement gagnant, progressivement mais sûrement, les classes populaires et le monde rural.

Dans la région, le français est désormais la langue associée à l’État, à l’administration et à toutes les activités “intellectuelles”, mais la langue autochtone a laissé des traces, créant une langue métissée par bien des aspects. Conséquences du bilinguisme et de la traduction littérale, la prononciation, la grammaire, les tournures idiomatiques, restent très influencées par la langue d’oc, caractéristique encore plus sensible à l’écrit, où la phonétique remplace souvent l’orthographe. Ces particularités sont bientôt désignées par le terme de “gasconismes” et sont objets de raillerie dans le nord du pays.

De DESGROUAIS lui-même, nous ne connaissons que peu de chose, son prénom restant aujourd’hui encore inconnu. Professeur et grammairien, il se fait connaître vers 1743 lors d’une controverse par libelles interposés avec l’abbé DESFONTAINES au sujet de ses traductions de VIRGILE qu’il juge incorrectes. Nous savons aussi qu’il finira par obtenir une chaire au Collège royal de Toulouse.

Originaire de l’Île-de-France, il se trouve confronté aux usages du parler local. Son jugement est sans appel : « Lorsque j’arrivai de Paris, je fus extrêmement frappé des mauvaises expressions, des tours vicieux, des phrases singulières, enfin des gasconismes que j’entendais de toutes parts dans les conversations. » Il constate qu’aucune classe sociale n’est épargnée par ce phénomène, car « les gens les mieux instruits et les plus éclairés s’y laissent entrainer, au point de ne plus s’apercevoir des fautes qu’ils commettent ». À l’origine, l’auteur travaille pour son propre compte, dans le but d’élaborer, à son usage personnel, un ouvrage utile et pratique. Son objectif premier est d’être en mesure de décrypter la langue vernaculaire de la contrée où il s’est installé. Mais il souhaite que son livre serve également à enseigner le bon français aux enfants dont il a la charge en tant que professeur. Il élargit son public « aux gens de tous âges, soucieux de bien écrire et de bien parler », en précisant « qu’il me préserverait moi-même de la contagion ». Soutenu par les administrations de la province, il s’oriente désormais vers un véritable projet éditorial, pour lequel il adopte la forme pratique et usuelle du dictionnaire.

Dans un premier temps, DESGROUAIS recense soigneusement les gasconismes. Son but n’est pas de sauvegarder ni d’étudier le gascon, mais bel et bien de promouvoir le “bon” français, en apprenant à son public « à ne pas parler mal ». Il collecte non seulement les mots « qui ne sont pas du bel usage, mais encore toutes les expressions incorrectes et vicieuses, tous les tours de phrases irréguliers qui caractérisent les discours et les écrits des habitans de ces provinces ».

Les gasconismes corrigés sont publiés pour la première fois à Toulouse en 1766, par ROBERT, l’imprimeur officiel du Collège royal, alors que l’auteur décède la même année. Une seconde édition voit le jour en 1768, unanimement décriée car remplie de fautes. Il faut ensuite attendre 1801 pour voir l’ouvrage réédité, à l’initiative de l’éditrice DOULADOURE, car « cet ouvrage précieux manquait à la librairie » ; iI s’agit de l’ouvrage ici présenté.

Suivant l’ordre alphabétique, DESGROUAIS présente différents gasconismes et les fautes les plus communes : dire à au lieu de au, ce qui donne A feu au lieu de Au feu, rajouter des à comme dans Je vous embrasse à tous, utiliser Être consent au lieu de Consentir, De qui au lieu de Dont, retrancher le re au début de certains verbes, comme retourner, dire Tellement au lieu de Oui, ou Té à la place de Tiens ! L’auteur est très pointilleux, considérant parfois que le terme le plus “recherché” est le seul correct, et assimilant à des gasconismes des expressions répandues dans d’autres régions de France. Par exemple, il préconise Purgation au lieu de Purge, Lit de plume pour Couette, ou encore Quarteron au lieu de Quart. Il traque avec soin les contresens et les mots mal employés, susceptibles de créer des malentendus. Ainsi le terme Épouser, utilisé pour dire Marier, est source d’équivoque lorsque les curés disent qu’ils ont épousé quelqu’un ! À chaque fois, il prend soin d’illustrer ses articles par des exemples, et souvent il n’hésite pas à étayer son propos par une anecdote personnelle.

Ce dictionnaire sera réédité en 1812, puis de nouveau en 1819, toujours par la famille DOULADOURE. Le travail de DESGROUAIS a été critiqué dès la première parution de l’ouvrage, en particulier par l’abbé SABATIER qui déclara que cet auteur « manqua de méthode, de précision, de clarté. Ce n’est qu’un verbiage continuel qui dégoûte le lecteur ». Aujourd’hui ce livre fait figure de témoignage utile pour appréhender le parler gascon et toulousain du XVIIIe siècle. La langue occitane continuera à perdre du terrain dans la vie quotidienne avant de connaître une renaissance littéraire au XIXe siècle avec le Félibrige.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire