Géographie, Navigation, Cartographie, Marine

Dictionnaire universel de géographie maritime

ou Description exacte de tous les ports, havres, rades, baies, golfes et côtes du monde connu ; des courans, fleuves, rochers, bancs de sable, et de tous les dangers, etc. ; avec leur position déterminée d'après les meilleures autorités ; renfermant des observations sur les gisemens des côtes, les sondes, les mouillages, le brassiage des ports et rades, les formes et aspects des terres vues d'une certaine distance au large ; avec des instructions particulières pour entrer, sans pilotes, dans les ports qui en sont susceptibles. Traduit de l'Anglois, refait presque en entier, soigneusement corrigé, et augmenté ; dédié au Premier Consul, avec sa permission

Auteur(s) : GRANDPRÉ Louis de, MALHAM John

 à Paris, de l'imprimerie de MARCHANT, chez DELALAIN fils, libraire, quai des Augustins, n°38
 édition originale
  1802
 2 vol : tome 1. A-K (XL-436 p.), tome 2.L-Z (396 p.)
 In-quarto
 vélin vert, dos lisse, pièces de titres et tomaisons en maroquin rouge
 un dessin représentant une aiguille de boussole


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Né à Saint-Malo, Louis Marie Joseph OHIER, comte de GRANDPRÉ, plus connu sous le nom de Louis de GRANDPRÉ, navigue dès l’âge de quinze ans avec son père, un des principaux négriers de la cité. Il intègre ensuite la marine royale, au sein de laquelle il participe à la campagne du bailli de SUFFREN puis, retiré du service vers 1786, il s’installe comme armateur à La Rochelle, d’où il effectue plusieurs voyages de traite. Il s’établit plus tard à l’Île de France, la future Île Maurice, qui lui sert de point de départ pour plusieurs voyages dans la mer Rouge et en Inde. De retour dans son île à l’issue d’un long séjour au Bengale, en 1792 il est suspecté d’être responsable d’une terrible épidémie de variole, accusation qui l’oblige à s’enfuir. Ayant rejoint les Émigrés à Londres, il intègre l’armée de Condé, puis il regagne la France en 1796, tentant en vain de réintégrer la marine en tant qu’espion du roi LOUIS XVIII. Arrêté l’année suivante, il réussit à s’évader et à gagner l’Allemagne, où il retrouve son souverain qui l’élève au rang de comte. En 1800, de retour à Paris, il est de nouveau appréhendé et incarcéré pour huit mois, période au cours de laquelle il entreprend de rédiger ses souvenirs de voyages. Polyglotte, cultivé, esprit scientifique et voltairien revendiqué, notre homme parvient à s’attirer la sympathie de FOUCHÉ, qui le fait libérer. Dès lors, l’ancien agent royaliste semblera s’accommoder du Consulat et renoncera à la politique.

En 1801, il publie deux livres qui lui assureront une certaine renommée : Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait dans les années 1786 et 1787 et Voyage dans l’Inde et au Bengale fait dans les années 1789 et 1790. Dans ces récits, le navigateur, se posant en ethnologue, décrit de façon détaillée les mœurs des populations locales qu’il a pu rencontrer. Paradoxalement, bien qu’il ait largement trempé dans la traite négrière, il condamne ce commerce qu’il propose de supprimer au profit d’un réseau de comptoirs commerciaux où seraient produites et entreposées les diverses denrées “coloniales”.  Lors de son séjour en Angleterre, GRANDPRÉ avait déjà entrepris de traduire un dictionnaire de géographie maritime rédigé par John MALHAM, mais, confronté selon son aveu à un ouvrage “rempli de fautes”, il avait mis son projet en sommeil. À sa sortie de prison, il en reprend le plan et le réécrit de fond en comble, tout en conservant un quart des informations du livre original. L’ouvrage, dédié à Napoléon BONAPARTE, est publié en 1802 sous le titre de Dictionnaire universel de géographie maritime ; il s’agit du livre présenté ici.

GRANDPRÉ se montre conscient des limites de son ouvrage qui, pour atteindre la perfection, nécessiterait selon lui dix ans de travail, avec un accès permanent au dépôt des cartes de la marine. Il prend soin de préciser que l’objet de son dictionnaire ne consiste pas à “guider les navigateurs au travers de l’océan”, mais à “guider les marins sur les meilleures autorités, sur les différentes positions, et à les mettre à même de trouver immédiatement sur la carte le lieu qu’ils cherchent”. L’auteur utilise d’ailleurs à plusieurs reprises le terme de répertoire pour désigner un livre qu’il veut avant tout fonctionnel. Le dictionnaire est précédé d’un long préambule, dans lequel l’auteur émet des propositions pour améliorer la conception des boussoles et diminuer ainsi les risques d’erreurs dans les relevés en mer. Il juge également nécessaire d’y adjoindre une introduction générale sur les termes spécifiques à la géographie et à la cartographie, assortie de considérations souvent très techniques sur la navigation et l’art de calculer le point.

Ses notices, le plus souvent assez brèves, contiennent principalement des informations sur la localisation des ports, villes côtières, caps, pointes, péninsules, havres, baies, fleuves, îles, îlots, roches, bancs de sable et récifs. Comme annoncé, GRANDPRÉ ne rentre pas dans des considérations historiques, économiques et géopolitiques. En revanche, en navigateur expérimenté, il prend grand soin, quand il en ressent la nécessité, de donner des conseils et indications utiles pour franchir un cap, un passage, rentrer dans un port ou un abri, en évitant les dangers pour y trouver un mouillage sûr. Le plus souvent, quand il ne se fie pas à ses propres relevés, il indique brièvement ses sources de renseignement. C’est ainsi qu’il se réfère souvent aux cartes du dépôt de la marine, aux travaux des cartographes Jacques-Nicolas BELLIN et César-François CASSINI, mais aussi aux indications fournies par les célèbres explorateurs que sont COOK, BOUGAINVILLE ou LAPÉROUSE.

La fin de la vie infiniment romanesque de GRANDPRÉ sera plus obscure. Nous savons simplement que, de 1806 à 1813, il est fonctionnaire des impôts à Rennes, avant d’être désigné président de la Société des antiquaires de Paris. De retour à Saint-Malo, il se voit boudé par les autorités locales qui le considèrent comme un aventurier usurpateur de titres. Suite à des ennuis financiers en 1821, il part précipitamment pour la Russie, avant de revenir trois ans plus tard au pays, où il est en butte à des tracasseries policières et administratives. Pour autant, ces péripéties ne l’empêchent pas de continuer son travail d’écriture et de publier plusieurs ouvrages et articles sur une multitude de sujets généralement centrés sur la marine, la géographie, la physique et l’archéologie. En 1829, il signe un remarqué Répertoire polyglotte de la marine à l’usage des navigateurs et des armateurs, rédigé en cinq langues. Membre de la Société de géographie de Paris, il y présentera le 21 octobre 1825 un rapport sur l’emplacement de l’Atlantide, qu’il situe entre l’archipel des Açores, les Canaries et les îles du Cap-Vert. Oublié de ses contemporains, il mourra dans l’indigence en janvier 1846.

Exemple de notice

*ABRĖVERACK [orthographe fantaisiste du port de l’Aber Wra’ch, dans le Finistère] : Havre sur la côte de Bretagne au N.E. du passage du Four. On y entre par trois passages : le chenal des Malouins, celui de la Pendante, et le Grand Chenal ; le premier est à l’E., celui de la Pendante au milieu, le Grand Chenal est à l’O. Pour entrer par le chenal des Malouins on amènera au S. la pointe de l’O. de l’île Géonier ; on laissera à bâbord les trois pierres, on passera entre les deux tous et entre la Pendante et le rocher qui se trouve à l’O. de l’île Géonier, on laissera courir en portant toujours le cap au S., sur la pointe Penenez que l’on tiendra par la pointe de l’E. de l’île Croix. Quand on aura dépassé l’île Plate, on sera dans le grand canal ; on prendra garde aux rochers qui sont au S.S.E. de la Pendante. En entrant par la Pendante, on laissera à tribord le Menhos et à bâbord le Garecuas et la Pendante. Quand on aura dépassé cette dernière, on laissera venir sur bâbord au S.E.1/4S. laissant à tribord les Pots-de-Beurre ; quand on sera entre l’île Croix et l’île Plate, on sera dans le grand canal. Pour entrer par le Grand Chenal, il faut ouvrir la rivière à l’E.S.E. 26 S. corrigé, et l’on gouvernera sur cette aire de vent, laissant à bâbord le Mentif et le Poularuin Menut ; et à tribord la basse Normande ; on laissera courir pour ranger les roches de l’île Croix, et on lancera aussitôt à mi-canal entre elle et l’île Plate. Quand on aura dépassé cette dernière, on aura 9 brasses, et l’on gouvernera sur St-Antoine Reau pour suivre le canal. On observera que ces passes sont hérissées de dangers qui demandent une grande pratique ou un pilote. Les marées y sont de 4 heures et 1/2. Lat. N. de la Pendante 48°-39′-40″. Long. 7° à l’O. de Paris.



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