Rouchi (langue), Picard (langue)

Dictionnaire rouchi-français

Auteur(s) : HÉCART Gabriel Antoine Joseph

 Valenciennes, chez LEMAÎTRE, rue du Quesnoy, n°30
 3ème édition (la première date de 1812)
  1834
 1 vol (XVI-496-8 p.)
 In-octavo
 papier


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Gabriel HÉCART n’était qu’un fonctionnaire subalterne dans un bureau de l’administration de sa ville natale de Valenciennes, mais il était par ailleurs un esprit d’une grande curiosité intellectuelle et un véritable érudit autodidacte. Correspondant de plusieurs académies et sociétés savantes, il s’adonne à la poésie et écrit sur les sujets les plus divers, allant de l’économie à l’histoire locale, en passant par les sciences ; éclectisme qui lui vaut parfois d’être désigné comme “polygraphe”. Il témoigne d’un intérêt très marqué pour l’histoire naturelle et plus particulièrement la botanique. Une autre passion de cet infatigable travailleur et chercheur se rapporte au dialecte de sa région, le rouchi, terme signifiant “le parler d’ici”.

Cette variété du picard, langue romane parlée dans le nord de la France et une partie du Hainaut belge, était pratiquée sur un territoire restreint mais peuplé, centré autour de Valenciennes et délimité par les communes de Saint-Amand, Maubeuge, Bouchain et Bavay. Pour autant, s’il a des spécificités propres, HÉCART précise que le rouchi a subi l’influence des dialectes voisins (le wallon, le français, les langues germaniques et même l’espagnol), du fait que la région est restée sous domination des Habsbourg pendant des siècles. C’est ainsi que des mots comme Brimber (mendier), Alarguir (allonger), Albran (fainéant), Argousil (polisson), Esse (cet ou cette) ou encore Queir (tomber) et Verdurière (vendeuse de légumes) ont une origine ibérique.

Peut-être échaudé par le Rapport Grégoire du 16 prairial de l’an II, qui préconisait la disparition des patois, HÉCART s’est fixé pour mission de faire connaître la richesse de sa langue locale et d’en sauvegarder la grammaire et le lexique. En 1812, il publie un article sur le sujet dans Le Journal central des académies, assorti d’un petit glossaire, qui sera considéré par son auteur comme la première édition de son dictionnaire de rouchi. Ce court texte et des retours favorables l’encouragent à continuer à collecter plus de vocabulaire pour une publication plus ambitieuse. C’est ainsi qu’une seconde version, augmentée et précédée d’un guide de prononciation, verra le jour en 1826.

Malgré le fait – souligné par l’auteur lui-même – que la réalisation de l’ouvrage, truffé de fautes et d’erreurs typographiques, ait été quelque peu bâclée, ce livre, “dont le sujet entièrement neuf a excité la curiosité des savants”, reçoit un excellent accueil bien au-delà du Valenciennois, de sorte que l’édition sera assez vite épuisée. Ce succès ne lui épargnera pas pour autant certaines moqueries de la part des journalistes, et lui vaudra des reproches pour son manque de citations. Entièrement possédé par son sujet, il est encouragé par ses pairs et des sociétés savantes à développer son livre. Poursuivant sa quête pendant six années, il peut proposer une nouvelle édition qui, à sa publication en 1834, a doublé de volume et propose désormais un grand nombre de citations et de locutions proverbiales inédites. En effet, à côté de son travail lexicographique, il a également entrepris de collecter dans un ouvrage, qu’il a baptisé Augiasana – terme qui fait sans doute référence aux fameuses écuries d’Augias de la mythologie -, toutes les expressions et maximes populaires en rouchi, dont certaines sont, de son propre aveu, très crues.

Si beaucoup de définitions de son glossaire sont assez brèves, HÉCART s’efforce le plus souvent possible d’en préciser l’étymologie, en faisant des rapprochements avec d’autres langues et dialectes ; exercice qui lui permet de démontrer une grande érudition linguistique. Le rouchi se trouvant être une langue “populaire”, il ne néglige aucun des métiers pratiqués dans sa région – draperie, verrerie, teinturerie, mines de charbon, etc. –, tout en développant son sujet favori : la flore locale. Jusqu’à sa mort en novembre 1838, il aura continué à travailler sur un projet de quatrième édition.  Un passionné autodidacte, Michel DUWELZ, réussira dans les années 2000 à compléter le travail d’HÉCART sur le rouchi en publiant, en 2012, une quatrième édition.

Quelques extraits

*ACLOPIN, jeune apprenti. On dit aussi d’un mauvais ouvrier : M. Théodore Lorin pense que ce pourrait être une corruption de galopin. Je n’ai rien à opposer à cette opinion, pourtant j’avoue qu’elle ne me paraît pas satisfaisante. Je croirais plutôt que c’est une altération de happelopin, qu’on trouve dans nos vieux auteurs.

*FOUFRONNACHE, ouvrage foufronné dont les coutures présentent des inégalités, dont les points sont tantôt près, tantôt éloignés.

*TRALALALALA, nom que les Normands donnaient au vinaigre de pommes qu’ils venaient vendre à Valenciennes et ailleurs, sans doute au mois de septembre, et qu’ils promenaient dans les rues sur une charrette en criant « du bon vinaigre de vin et du bon tralalalala ». Ils le vendaient 40 centimes le double litre. Cet usage a cessé. Ce vinaigre était coloré avec des baies de sureau.

*VIÉWARD, lieu où l’on vend des vieilles hardes, de vieux habits, même de vieux meubles et autres effets. « Ce mot, dit M. Lorin, qui appartient exclusivement au rouchi, me paraît un mot hybride composé du français “vieux”, et du belge waere, marchandise ; anglo-saxon wuru, anglais ware, suédois wara, qui ont la même signification.

*VALlCENCE, s. f. valeur, équivalent. « Je n’en ai pas la valicence » d’une noisette. » Je n’en ai pas gros comme une noisette. Peut-être vaudrait-il mieux écrire valissance, M. Lorin le pense aussi et dit que ce mot est assez généralement employé dans toute la France par ceux qui parlent mal, soit qu’ils se piquent ou non de beau langage. À Valenciennes, c’est certainement un mot à prétention.

*ENN’CHÉCHU, quelque part. Vos avé té enn’chèchu sans mi. Vous avez été quelque part sans moi.

*BROQUELET, s. m. fuseau de dentelière. La fête du broquelet est, ou était célébrée presque généralement à Lille où la majeure partie des femmes du peuple faisaient de la dentelle. Elle avait lieu à la Saint-Nicolas en mai. Watteau, de Valenciennes, fixé à Lille, a fait un fort joli tableau représentant cette fête.



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