phonétique, Français (langue), linguistique

Dictionnaire phonétique de la langue française

Complément nécessaire de tout dictionnaire de français

Auteur(s) : MICHAELIS Hermann, PASSY Paul, PARIS Gaston

 Hanovre, Hinüberstrasse, 18 ; Berlin, Krausentrasse, Charles MEYER (Gustave PRIOR), libraire éditeur ; Athènes, Chales BECK, librairie internationale et de l'unversité d'Athènes ; Kjôbenhavn, Andr. Ferd. HÖST & son, kongelig Hof-Boghandel ; Kristiana, Jacob BYBWAD, librairie de l'université ; London, Hachette and company, 18 king William street ; Madrid, Romo y Füssel, libreria international, 5 calle de Alcala ; Paris, H LE SOUDIER, libraire-éditeur, 174 bd Saint-Germain : et al.
 édition originale
  1897
 1 vol (XVI-318 p.)
 In-douze
 percaline brune, dos lisse avec nerfs décoratifs, titre en écriture dorée, frise décorative sur le pourtour de la couverture
 planche en noir et blanc reproduisant en autotypie l'appareil de la parole d'après un tableau d 'A. V. LUSCHKA


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Le développement des sciences et des techniques au XIXe siècle aura des effets jusque dans le domaine des langues. Pendant que certains chercheurs travaillent à l’élaboration de langues construites, d’autres aspirent à rationaliser le corpus lexicographique et l’organisation de la langue elle-même. Appartenant à cette dernière école, certains linguistes entendent associer linguistique, lexicologie et rigueur orthoépique, pour baser l’étude d’une langue, non plus prioritairement sur sa forme écrite mais sur une phonétique dite “scientifique”. Inversant la démarche habituelle, qui part d’une forme écrite entérinée par le temps et l’usage pour en définir la prononciation, les promoteurs de la méthode phonétique prétendent rétablir “les mots d’une langue tels qu’ils existent réellement dans la bouche de ceux qui la parlent” car “la forme parlée d’une langue est primordiale et doit être enseignée en premier”.

En 1886, des professeurs de linguistique fondent à Paris une association destinée à favoriser l’apprentissage de la phonétique, science qu’ils jugent la plus propice à l’alphabétisation et à l’apprentissage des langues étrangères. En 1897, ce groupe, qui finira par essaimer dans le monde entier, prend le nom d’Association phonétique internationale (ou API). La grande œuvre de l’organisation consiste à élaborer un système de notation permettant de retranscrire le plus fidèlement possible la prononciation de chaque son. Un alphabet phonétique international, publié dès 1888, est adapté les années suivantes pour près de 150 langues et dialectes dont, bien sûr, le français. Signalons au passage que cette démarche rappelle celle qui a conduit à l’invention de la sténographie, laquelle se voulait conçue à l’origine pour servir d’outil à l’alphabétisation des masses populaires.

Fondateur de l’Association phonétique internationale,  Paul PASSY, fils de Frédéric qui recevra le prix Nobel de la paix en 1901, cherche à diffuser la méthode phonétique et à doter la langue française d’un outil pratique. Son ambition rejoint celle d’autres linguistes allemands, menés par Hermann MICHAELIS, professeur de langues vivantes et directeur d’école à Spandau. En Allemagne, des enseignants en langue française sont en effet demandeurs d’un dictionnaire phonétique qui les aiderait dans l’apprentissage de la langue de Molière. Dès lors une collaboration active s’engage des deux côtés du Rhin et, après six ans de travail, le Dictionnaire phonétique de la langue française, présenté ici, est publié en 1897 à Hanovre et Berlin, avant d’être diffusé dans huit autres capitales européennes, dont Paris.

Pour MICHAELIS et PASSY, la priorité consiste à renoncer définitivement au “respect outré pour la lettre écrite ou imprimée” car, poursuivent-ils, “l’orthographe a exercé sur la prononciation une influence corruptrice”. Ils estiment en effet que la retranscription écrite des mots n’a cessé d’évoluer au cours des siècles, au prix d’importantes altérations. Ils soutiennent que, pour y remédier, il convient d’affranchir la langue parlée d’une langue écrite qui, par définition, est imparfaite et évolutive. Autre préoccupation, ils voudraient uniformiser le vocabulaire, en fixant définitivement la juste prononciation d’un mot grâce à sa transcription en écriture phonétique.

Si la langue française fait l’objet d’une attention particulière des associations de promotion de la phonétique, c’est avant tout pour le rôle pionnier des linguistes français dans ce domaine. Le rôle pivot de notre pays dans le domaine de la phonétique s’explique également par le fait que, comme l’a déclaré Arsène DARMESTETER, le français est une “langue dont l’orthographe est – après l’anglais – la plus incohérente et la plus compliquée des orthographes modernes”, caractéristique qui rend particulièrement nécessaire sa traduction en caractères phonétiques.

Dans le dictionnaire qui nous intéresse, les mots sont rangés par ordre alphabétique selon la prononciation, chacun d’entre eux étant suivi de son orthographe usuelle. Mais, pour une bonne utilisation du lexique, il est nécessaire de bien maîtriser l’écriture phonétique. Celle-ci recourt souvent à des caractères particuliers, comme ɛ, ə, ɳ, ʒ et ɔ̃, de sorte que, pour le non-initié qui s’y plonge sans préparation, le dictionnaire semble avoir été écrit en langue étrangère avec un alphabet ésotérique. C’est ainsi qu’il faut par exemple consulter les mots a.tɑ̃.sjɔ̃, kɔ̃.ʒɛk.tyr, fur.ʃɛt, rɛ(:)jɔ̃ et spa.sjøz, pour y trouver la transcription d’attention, conjecture, fourchette, rayon et spacieuse.

Même si, au premier abord, l’ouvrage peut paraître rebutant, nous restons admiratifs devant la très grande diversité du vocabulaire retranscrit. En effet, un grand nombre de termes techniques spécialisés (en botanique, médecine, géographie, chimie, zoologie) sont présents dans ce très vaste recueil de vocabulaire, au point que certains critiques, comme BARBEAU, reprocheront aux auteurs de ne pas avoir purgé le champ lexical des formes populaires ou archaïques. Quoi qu’il en soit, il s’agit là du premier répertoire exhaustif des formes prononcées du lexique français, lequel reste encore familièrement désigné par les linguistes comme le « Michaelis-Passy ».

Le dictionnaire, précédé d’une courte préface de Gaston PARIS, membre de l’Institut et administrateur du Collège de France, est suivi d’une courte présentation des modalités de la prononciation du français, assortie d’une liste des principales divergences relevées dans certaines régions françaises. En effet, pour élaborer leur transcription, les auteurs ont délibérément choisi comme idiome de référence le parler de la “population cultivée du nord de la France”.

Même si ce livre va s’avérer un outil précieux pour les linguistes et connaîtra une seconde édition en 1914, le parti pris des auteurs, de privilégier la forme phonétique dans les entrées du dictionnaire, limitera le nombre d’acheteurs et la portée du livre. En 1913, MICHAELIS et le grand spécialiste de phonétique Daniel JONES publieront à Hanovre un Phonetic Dictionary of the English Language, qui se basera cette fois sur les formes orthographiées. L’Association phonétique internationale  reste active de nos jours, toujours aussi mobilisée pour la promotion de la phonétique.



Un commentaire

  1. Votre conclusion contient une inexactitude:
    Le Phonetic Dictionary of the English Language de 1913 (Michaelis & Jones) est tout comme son prédécesseur pour le français de 1897, organisé sur la base d’entrées à vedette phonétique. Ce n’est qu’en 1917 que Daniel Jones publie seul son English Pronouncing Dictionary avec les vedettes en orthographe. La 18e édition, révisée par Peter Roach and Jane Setter, est parue chez Cambridge University Press en 2011. Elle restera vraisemblablement la dernière édition papier de ce dictionnaire.
    Jean-Louis Duchet,
    Professeur à l’Université de Poitiers

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