droit, Ancien régime

Dictionnaire ou Traité de la police générale des villes, bourgs, paroisses et seigneuries de la campagne

Dans lequel on trouvera tout ce qui est nécessaire de sçavoir & de pratiquer en cette partie, par un procureur fiscal, dans toute l'étendue de sa justice, & où l'on a rapporté toutes les ordonnances, arrêtes et réglemens à ce sujet pour s'y conformer sur chaque objet. Ouvrage nécessaire à tous les officiers de police & de justice, où ils trouveront sur chaque terme leurs obligations & fonctions, ainsi qu'à tous les procureurs & praticiens; & également utile aux curés, marguilliers, fabriciens, chirurgiens, apothicaires, propriétaires de maisons, locataires, fermiers, marchands, artisans, & autres, en ce qui concerne la religion, la justice, la sûreté & netteté publique, les Arts & Métiers, & généralement tout ce qui regarde la police d'une seigneurie, même pour la perception des droits généraux et seigneuriaux

Auteur(s) : LA POIX de FREMINVILLE Edme de

 à paris, chez GISSEY, rue de la vieille bouclerie, à l'Arbre de Jessé
 édition originale
  1758
 1 vol (XIV-782 p.)
 In-octavo
 veau havane marbré, dos à cinq nerfs, caissons ornés de fleurons dorés
 bandeaux décoratifs, lettrines, culs-de-lampe


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Notaire de formation, lieutenant-bailli puis bailli du marquisat de La Palisse entre 1725 et 1765, Edme de LA POIX de FRÉMINVILLE acquiert, au cours de l’exercice d’une fonction qui s’apparente à celle d’un juge seigneurial, une grande expertise en droit féodal. Dans la France de l’Ancien Régime, plusieurs droits et juridictions cohabitent avec plus ou moins de bonheur. Certes la monarchie travaille depuis le Moyen Âge à unifier le royaume sous une juridiction suprême centralisée, mais pour autant elle n’est pas parvenue à supprimer le premier échelon judiciaire du pays, héritage direct du système féodal : la justice seigneuriale. En vertu de droits anciens coutumiers souvent compilés dans un terrier, le seigneur dispose, outre la perception de redevances dues par ses “administrés”, de compétences judiciaires plus ou moins étendues selon les cas.

Cette justice, que l’on pourrait qualifier “de proximité”, a beaucoup évolué depuis l’époque médiévale, le pouvoir royal et ses représentants (baillages et sénéchaussées) ayant considérablement empiété sur son domaine de compétence. Depuis le XVIe siècle, elle doit être exercée par un professionnel qui, selon les cas et les provinces, porte le titre de juge, de sénéchal, de viguier ou de bailli. Il se doit d’avoir suivi une formation juridique reconnue et reçu l’agrément de la juridiction royale, laquelle conserve par ailleurs un droit de regard et fait fonction de cour d’appel. De son côté un procureur fiscal représente le ministère public dans une cour seigneuriale.

Bien que considérée comme archaïque par de nombreux penseurs des Lumières, cette justice seigneuriale privilégie le plus souvent l’arbitrage et permet de résoudre rapidement de multiples litiges mineurs. Depuis plusieurs décennies, des historiens et des chercheurs réhabilitent les cours de justice seigneuriales. Dans les faits, celles-ci s’avèrent plus clémentes mais surtout beaucoup moins partiales et arbitraires que ne pourrait le laisser penser la “légende noire” qui hante les esprits à la veille de la Révolution.

Cette juridiction seigneuriale est encadrée par les lois, règlements et ordonnances royales qui s’appliquent jusque dans les coins les plus reculés du pays. Une ordonnance de 1669 la définit comme destinée à « assurer le repos public et celui des particuliers, à procurer l’abondance et à faire vivre chacun suivant sa condition ». La loi du royaume reste prédominante, mais elle utilise les institutions locales et seigneuriales comme auxiliaires et comme relais.

Pour rédiger son dictionnaire, LA POIX de FRÉMINVILLE s’inspire du célèbre livre de LA MARE : le Traité de la police. S’il fait date, cet ouvrage ne s’intéresse qu’au cas de Paris et des grandes villes de France d’où la justice seigneuriale est quasi absente et la justice royale toute-puissante. L’auteur entend se placer dans la continuité de cet ouvrage, mais en fournir le pendant “rural” pour le reste du royaume, où la diversité des juridictions est plus complexe et les intervenants plus nombreux. C’est pourquoi, dans ses articles, il cite de nombreux textes officiels en vigueur et prend des exemples de cas concrets déjà jugés.

Paru en 1758, ce Dictionnaire ou Traité de la police vise un large public composé à la fois du personnel des administrations judiciaires et fiscales locales, du monde des artisans et des marchands, des propriétaires et des locataires, des élites rurales et villageoises. Son objectif consiste à permettre à cette population une actualisation de leur connaissance des lois et des règlements du royaume. Cet ouvrage constitue un outil pratique, rédigé sous forme de dictionnaire afin de pouvoir anticiper et régler rapidement les litiges. Au delà de sa valeur juridique, ce dictionnaire de police trace un tableau détaillé de la société français du XVIIIe siècle.

En juriste expérimenté, LA POIX de FRÉMINVILLE prend en compte une très grande diversité de cas de figure et de causes de conflits possibles. Dans son ouvrage on trouve pêle-mêle des conseils pour tenter de ranimer les noyés (« Pour lui faire rendre l’eau, on le fait entrer dans un tonneau ouvert par les deux bouts, qu’on roule pendant quelque temps en différens sens »), des avertissement à ceux qui laissent divaguer chiens, chèvres et chevaux, le cadre légal des comptes de fabrique, des mesures à appliquer en cas d’épidémies et d’épizooties, des ordonnances se rapportant à la dîme (ou dixme), des conseils pour l’entretien des puits et fontaines ou pour les honoraires des curés.

Parmi leurs attributions, les juges ont également le devoir de garantir la morale et la religion. Ainsi, « les dimanches & les fêtes… sont des jours qu’il convient de sanctifier par des œuvres pieuses, & que l’on ne doit point les passer en danses ou baladinerie », toute infraction devant être sanctionnée par des ordonnances royales. Est également évoqué un règlement « contre les indécences dans les églises, & particulièrement contre les dames qui y vont à robe abbatue sans ceinture ».

Les mendiants et vagabonds font l’objet d’un long chapitre dans lequel s’exprime clairement la version officielle d’un État résolu à résoudre ce problème par la manière forte. Partant du principe que « la plus grande partie des mendians, surtout les valides, ne sont que de véritables libertins, à qui la fainéantise fait demander l’aumône plutôt que de travailler », des mesures sont préconisées pour les rassembler dans des endroits clos et les remettre de force au travail.

Dès sa parution, cet ouvrage rencontre un grand succès, car il arrive à un moment où de nombreux seigneurs et propriétaires sont à l’origine de litiges en cherchant à améliorer leurs revenus par la révision de leurs terriers et le rétablissement d’anciens droits et redevances. On qualifie parfois ce phénomène de réaction seigneuriale, phénomène qui nourrit un violent ressentiment qui éclatera à la Révolution. Pour sa part, LA POIX de FRÉMINVILLE, pour son expertise en droit féodal (on le désigne souvent comme un feudiste), est encore dans les années 1780, un des juristes les plus lus de France, et son traité de police continuera à être utilisé jusqu’à l’avènement des codes napoléoniens.

Ex-libris au nom de la famille de ROSIÈRE de CHAMPAGNEUX.



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