Esotérisme, Alchimie, Hermétisme

Dictionnaire mytho-hermétique

dans lequel on trouve les allégories fabuleuses des poètes, les métaphores, les énigmes, et les termes barbares des Philosophes hermétiques expliqués

Auteur(s) : PERNETY Antoine Joseph

 à Paris, chez BAUCHE, quai des Augustins, libraire à Sainte-Geneviève et à Saint-Jean dans le désert
 édition originale
  1758
 1 vol (XX-546 p.)
 In-douze
 veau brun, dos à cinq nerfs, caissons ornés de motifs floraux dorés
 bandeaux décoratifs, lettrines ornées, culs-de-lampe


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Né en 1716, Antoine Joseph PERNETY est le neveu de l’historien lyonnais Jacques PERNETTI. Il entre dans la congrégation de Saint-Maur, d’où son nom de plume de dom PERNETY. Remarqué pour son érudition, il rejoint par la suite l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés où, dans la vaste bibliothèque, il peut parfaire ses connaissances et, en particulier, s’initier à l’hermétisme, qui deviendra la grande affaire de sa vie.

Il adhère à l’Antiquité hellénistique, ce courant de pensée à la fois philosophique et ésotérique qui associe quête spiritualiste et occultisme, à la recherche des lois secrètes de l’univers. Durant le Moyen Âge et la Renaissance, l’hermétisme, qui tire son nom de la figure mythique d’HERMÈS TRISMÉGISTE, se développe sous la forme de l’alchimie. À la croisée de la science et de la magie, les alchimistes tenteront pendant des siècles de découvrir la pierre philosophale censée permettre la transmutation des métaux, ainsi que l’élaboration de l’élixir de longue vie et de la panacée universelle. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, des sociétés secrètes réactivent les doctrines inspirées de l’hermétisme et portées par les Rose-Croix et la franc-maçonnerie. Pour la majorité de leurs membres, ces idéologies reposent sur des rituels chargés de symboles et des degrés d’initiation menant vers une révélation spirituelle ultime. Certains d’entre eux aspirent à se plonger dans les spéculations philosophico-mystiques, pour appréhender le “grand dessein” de l’univers. Réfugié en France, où il sera un des grands promoteurs de la franc-maçonnerie dans ce pays, l’Écossais Andrew Michael RAMSAY sera un des représentants les plus connus de ce courant “mystique”.

Malgré les progrès réalisés dans le domaine scientifique, magiciens, mages et alchimistes autoproclamés – dont CAGLIOSTRO sera plus tard le modèle – attirent un important public de lecteurs d’ouvrages ésotériques. Mais PERNETY juge que cette littérature est absconse et que son contenu, encombré de superstitions, est trop souvent noyé sous les allégories alambiquées. Ce constat le décide à mettre à la disposition du grand public un lexique clair et synthétique pour permettre de “décrypter” ce type d’ouvrages. Il s’agit du Dictionnaire mytho-hermétique, le livre présenté ici. Dans son dictionnaire, publié à Paris en 1758, il déclare en préambule : “Jamais science n’eut plus besoin de dictionnaire que la philosophie hermétique. Ceux, dans les mains de qui tombent les livres faits sur cette matière, ne sauroient en soutenir la levure une demi-heure seulement ; les noms barbares qu’on y trouve semblent vides de sens, & les termes équivoques qui sont placés à dessein presque dans toutes les phrases ne présentent aucun sens déterminé. Les auteurs avertissent eux-mêmes qu’on ne doit pas les entendre à la lettre ; qu’ils ont donné mille noms à une même chose ; que leurs ouvrages ne sont qu’un tissu d’énigmes, de métaphores, d’allégories, présentées même sous le voile de termes ambigus, & qu’il faut se défier des endroits qui paroissent faciles à entendre à la première lecture. Ils font mystère de tout & semblent n’avoir été écrits que pour ne pas être entendus.”

Si PERNETY blâme la tendance consistant à complexifier le discours pour le rendre plus mystérieux, il s’élève également contre les critiques des philosophes et des savants, qui ne voient dans l’hermétisme que charlatanisme et billevesées. L’auteur croit fermement qu’il existe une véritable révélation, compatible avec la foi et la raison, qui se trouve cachée dans un ensemble d’écrits et d’expérimentations alchimiques, afin de ne la rendre accessible qu’à un petit nombre d’initiés. Pour lui, “cette science est un don de Dieu, & un mystère caché dans les livres des philosophes, sous le voile obscur des énigmes, des métaphores, des paraboles & des discours enveloppés, afin qu’elle ne vienne pas à la connoissance des insensés qui en abuseroient, & des ignorans qui ne se donnent pas la peine d’étudier la nature. Ceux qui désirent y parvenir doivent s’appliquer à éclaircir leurs esprits en lisant avec attention & en méditant les textes & les sentences des philosophes, sans s’amuser à la lettre, mais au sens qu’elle renferme”.

PERNETY rédige un véritable guide de lecture dans lequel, sans aborder les détails techniques et les spéculations philosophiques, il entend proposer un lexique spécifique à l’hermétisme et l’alchimie. C’est ainsi qu’il passe en revue les termes liés au Grand Œuvre, aux différents mythes égyptiens, gréco-romains et bibliques réinterprétés dans un sens ésotérique. Par exemple, le sanglier d’Erymanthe, dont la capture constituait un des douze travaux d’HERCULE, est assimilé au “mercure philosophique, dont les esprits corrosifs détruisent tout ce qu’on leur donne à dissoudre. HERCULE est l’artiste qui travaille ce mercure, le lie en le fixant &, après l’avoir animé de son soufre, il en fait la pierre philosophale & la médecine universelle représentée par EURYSTHÉE”. Quant à ISIS et OSIRIS, ils « sont donc la vraie matière de l’art mystérieux ; cette matière est androgyne ; ils l’appellent aussi la Lune & le Soleil, le soufre & le mercure, le frère & la sœur ». Par ailleurs, à la représentation de MINERVE armée, « les chymistes entendent ordinairement associer le mercure. Quand la fable dit qu’elle naquit du cerveau de Jupiter par un coup de hache que lui donna VULCAIN, c’est le mercure qui se sublime par la coction que fait le feu ». DÉDALE et ICARE « sont le symbole de la partie fixe du magistère, qui se volatilise. DÉDALE représente le premier soufre, d’où naît le second qui, après s’être sublimé au haut du vase, retombe dans la mer des philosophes. Le labyrinthe où ils étoient renfermés est le symbole de la matière en putréfaction ». 

PERNETY renvoie souvent son lecteur à un ouvrage en deux volumes, qu’il a publié en cette même année 1758 : Les Fables égyptiennes et grecques, dévoilées & réduites au même principe : avec une explication des hiéroglyphes et de la guerre de Troye, livre dans lequel il développe longuement une analyse “hermétique” des grands mythes. Selon lui et d’autres alchimistes, la mythologie transmet, depuis un temps immémorial, un savoir codé sous forme d’allégories et de légendes à double niveau de lecture.

Ce faisant, il s’inscrit dans une tradition popularisée au XVIe siècle par le livre De Alchimia dialogi duo de l’alchimiste Giovanni BRACESCO, qui sera repris et développé par Michael MAIER en 1614 dans son Arcana arcanissima. Le Dictionnaire mytho-hermétique, écrit en français et non en latin, rencontrera un vif succès, d’autant que, du fait de ses nombreux renvois, il fera office d’index pour Les Fables du même auteur.

Un des autres domaines de prédilection de notre ecclésiastique est l’histoire naturelle. Passionné de botanique, il devient un dessinateur accompli pour pouvoir représenter les plantes qu’il observe. Ayant appris que BOUGAINVILLE vient d’être missionné pour établir une base permanente aux Malouines, il présente sa candidature pour embarquer en qualité d’aumônier et de naturaliste. Partie de Saint-Malo en septembre 1763, l’expédition atteint son but le 31 janvier 1764. PERNETY, enthousiasmé par la faune et la flore de ces îles, relatera son expérience dans un  Journal historique d’un voyage fait aux Îles Malouines, publié en 1769.  De retour en France et lassé de la vie ecclésiastique, il sollicite, avec 27 autres bénédictins, d’être dispensé de la règle, mais il se rétracte quelques semaines plus tard. Finalement, il défroque l’année suivante pour se rendre en Prusse à l’invitation de FRÉDÉRIC II. Nommé conservateur de la bibliothèque de Berlin, il y passera de longues années, se consacrant en parallèle à des recherches scientifiques et alchimistes. Il sera en outre le fondateur d’une confrérie dénommée « Les Illuminés de Berlin ».

Lors de son retour à Paris en 1783, l’archevêque cherche à lui faire réintégrer son monastère, mais l’ancien moine rebelle saisit le Parlement, qui l’autorise à conserver sa liberté. Ayant regagné la Provence, il fonde à nouveau près d’Avignon une société secrète qui, mélange de franc-maçonnerie et de secte ésotérique, ira jusqu’à compter une centaine de membres. Après l’annexion du Comtat-Venaissin par la France, les “Illuminés d’Avignon” seront dispersés et leur créateur sera brièvement arrêté. Se tenant désormais prudemment à l’écart, il décèdera à Avignon en 1796.

Deux extraits

*PÉNÉLOPE : L’histoire de PÉNÉLOPE est le portrait des opérations des mauvais artistes, qui ne suivent pas la véritable voie qui conduit à la perfection de l’œuvre, & qui détruisent le soir les opérations du matin. ULYSSE est le modèle des bons artistes, qui détruisent à leur arrivée les opérations & les procédés mal concertés des mauvais artistes. L’Odyssée d’HOMÈRE est l’exposé des erreurs où ils tombent à chaque pas qu’ils font ; & l’Iliade, ou l’histoire de la guerre de Troye, est la description de la conduite qu’il faut tenir comme ULYSSE, pour parvenir au but que se propose un véritable philosophe.

*Humation : Action par laquelle l’on met dans le vase la matière de la pierre des Sages, pour l’y faire putréfier. Quelques chymistes ont comparé cette action à la sépulture de JÉSUS-CHRIST, parce qu’on scelle le vase après y avoir mis la matière, comme on scella le tombeau de notre Sauveur ; & que la matière ne s’y dissout, ou putréfie, que pour ressusciter. Plusieurs d’entre les philosophes chymiques ont trouvé tant de ressemblance dans la vie, la passion, &c. de JÉSUS-CHRIST, avec les opérations du Grand Œuvre des Sages, qu’ils n’ont point fait difficulté de se servir des termes mêmes de l’Évangile pour exprimer allégoriquement tout leur procédé ; parce que, disent-ils, Dieu a institué le Grand Œuvre pour le salut de nos corps, comme il a envoyé son Fils pour le salut de nos âmes. Ils ajoutent que la science hermétique jette sur les mystères de la religion chrétienne un jour si grand, qu’il n’est pas possible d’être philosophe hermétique sans être bon chrétien.



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