Dictionnaire historique des cultes religieux établis dans le monde depuis son origine jusqu’à présent
ouvrage dans lequel on trouvera les différentes manières d'adorer la Divinité, que la révélation, l'ignorance & les passions ont suggérées aux hommes : l'histoire abrégée des dieux & demi-dieux du paganisme, & celle des religions chrétienne, judaïque, mahométane, chinoise, japonoise, indienne, tartare, africaine, &c. ; Leurs sectes & hérésies principales ; leurs ministres, prêtres & ordres religieux ; leurs fêtes, leurs cérémonies ; le précis de leurs dogmes & de leurs croyances.
Auteur(s) : LACROIX Jean-François de
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Né à Compiègne, Jean-François de LACROIX est un compilateur très prolifique, qui aborde divers types de sujets, de l’histoire à la littérature, en passant par l’éducation, la religion et les recueils thématiques d’anecdotes. Nous ne disposons guère de compléments d’information à son sujet – ses dates de naissance et de décès sont inconnues -, mais sa grande période d’activité semble se situer entre 1766 et 1788. Quelques ouvrages anonymes lui seront par la suite attribués à tort, mais sa bibliographie n’en reste pas moins bien fournie. Certains de ses livres connaîtront même une belle carrière, comme son Histoire poétique, tirée des poètes français, avec un dictionnaire poétique édité jusqu’en 1827, son Dictionnaire historique portatif des femmes célèbres et un Dictionnaire historique des cultes religieux établis dans le monde depuis son origine jusqu’à présent, que nous allons vous présenter.
Publié à Paris en 1770, ce livre en trois volumes se veut une synthèse traitant des “quatre principales” religions : le judaïsme, le christianisme, l’islam – appelé alors le mahométisme-, et enfin le paganisme, catégorie “fourre-tout” puisque s’y retrouvent aussi bien les mythologies gréco-romaines, égyptiennes, mésopotamiennes, perses, gauloises, précolombiennes, africaines, que le chamanisme, le confucianisme, l’hindouisme et le shintoïsme. L’ambition affichée par l’auteur consiste à dresser un panorama le plus complet possible des religions et des cultes recensés depuis l’Antiquité. Pour autant, de LACROIX assume ouvertement un parti pris : pour lui, toutes les religions ne sont pas à mettre sur un pied d’égalité, seul le christianisme représentant la “vraie foi”. Il est ainsi écrit, dans l’avant-propos, que l’auteur “n’a pas craint de s’engager dans le labyrinthe inextricable des erreurs & des égarements de l’esprit humain. La raison & la critique seules eussent été pour lui des guides peu fidèles, si le flambeau de la foi n’eût encore éclairé ses pas incertains. Avec ce puissant secours, il a déchiré les voiles épais du paganisme, sondé les retraites obscures de l’irréligion, dissipé les phantômes orgueilleux de l’hérésie, & mis au grand jour les productions monstrueuses de la superstition & du mensonge”. Si la démarche peut apparaître de nature encyclopédique, elle s’inscrit dans les cadres stricts du dogme chrétien et même de l’Église catholique : “On s’est efforcé de réunir dans cet ouvrage, non pas seulement les cérémonies & les pratiques extérieures de toutes les religions ; mais encore leur origine, leurs fondemens, leurs principes. En conféquence, ce qui ne paroît d’abord qu’un objet d’amusement en devient un d’utilité réelle. La vue même des folies & des égaremens des peuples plongés dans les ténèbres de l’idôlatrie ou du fanatisme servira de plus en plus à les affermir dans la religion catholique qu’ils professent, la seule établie de Dieu pour éclairer & conduire les hommes.”
Malgré ce parti pris, le livre demeure une mine d’informations, regorgeant d’anecdotes parfois comiques. Pour autant, l’ouvrage souffre d’être lacunaire sur de nombreuses religions et croyances asiatiques, américaines et africaines. Au fil des pages, l’auteur évoque, entre autres, les mythes de la création, les clergés, les rituels, les objets liturgiques, les textes sacrés, les saints et les démons. Le livre comporte quatre belles planches montrant l’adulation dont fait l’objet le DALAÏ LAMA, un sacrifice dédié au dieu aztèque HUITZILOPOCHTOLI, des bonzes chinois et la représentation de cultes africains.
Le livre aura une certaine audience. Une version éditée à Liège, en 1772 puis en 1777, sera suivie par une seconde édition augmentée publiée à Paris. L’ouvrage fera même l’objet d’une adaptation en italien en 1786. Trente-quatre ans plus tard, ce dictionnaire est réimprimé à Versailles. Dans le contexte de la Restauration, cette nouvelle édition n’est pas anodine, comme il est possible de le constater à la lecture du préambule : “Depuis trente ans, de violentes secousses ont agité l’Europe ; en France particulièrement, de grandes révolutions se sont opérées. Le progrès des doctrines philosophiques, la guerre impie déclarée au christianisme, le renversement du trône, l’introduction d’un calendrier nouveau, l’institution de nouvelles fêtes, la fondation du culte théophilanthropique, enfin le rétablissement de la religion et la conclusion d’un concordat avec la cour de Rome, sont des événemens qui, parmi nous, ont en quelque sorte renouvelé la face de la société. En réimprimant le Dictionnaire des Cultes religieux, il devenoit donc indispensable de faire connoître les changemens et les modifications qui s’en sont suivis dans l’ordre religieux.”
Quelques extraits
*Capnomancie : Divination par la fumée. Cet art consistoit à examiner la manière dont s’élevoit la fumée du facrifice. Si elle montoit droit en haut, c’étoit un heureux préfage ; si elle se répandoit de côté & d’autre, c’étoit un augure fâcheux. Quelquefois on jettoit dans le feu des graines de jasmin & de pavot ; & la fumée qui en sortoit étoit aussi regardée comme prophétique. Il y avoit une autre espèce de capnomancie, qui se pratiquoit en respirant la fumée des sacrifices.
*Bramines : Les Bramines ont une grande prérogative qui consiste à ne pouvoir être mis à mort, pour quelque crime que ce soit. Si quelqu’un d’entre eux a mérité le dernier supplice, on lui crève feulement les yeux. Si un Indien avoit le malheur de tuer un Bramine, il faudroit, pour expier ce crime, qu’il fût continuellement en pèlerinage pendant l’espace de douze ans, demandant l’aumône & prenant sa nourriture dans le crâne du Bramine qu’il auroit tué ; ce terme expiré, il seroit encore obligé de faire bâtir un temple en l’honneur d’Efwara.
*Calvinisme : Jamais la postérité ne pourra croire combien cette funeste hérésie fut fatale à la France, combien de sang elle y fit répandre. Jamais hérésie ne fut si féconde en maux. Calvin mit tout l’État en combustion. Le désordre, la confusion, la violence régnoient partout. Les sujets s’armèrent contre leur souverain : on ne connut plus que la loi du plus fort. En un mot, les plaies qu’elle fit au royaume furent si profondes qu’on peut dire que jamais elles ne feront bien fermées.
*Curban : Sorte de sacrifice funèbre pratiqué par les Tartares circasses après la mort de quelque personne de distinction. Des boucs ou, selon d’autres, des béliers, sont les victimes de ce facrifice. À l’exemple de quelques autres peuples tartares, ils attachent à l’extrémité d’une perche les peaux des bêtes immolées, & leur rendent des hommages religieux. J. de Luca nous dit “qu’il y a dans ce pays des lieux regardés comme sacrés, qui font destinés pour ces sortes de sacrifices. On y met souvent des offrandes, que le plus hardi voleur n’oseroit enlever”. L’auteur cité rapporte qu’on voit, pendus aux arbres qui font dans ces lieux, “des arcs, des flèches, des cimeterres, qui marquent les vœux dont ils se sont acquittés”.