Hiéroglyphes égyptiens, Histoire de l antiquité, Histoire de l'écriture

Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique

publié d'après les manuscrits autographes, sous les auspices de M. VILLEMAIN, par M. CHAMPOLLION-FIGEAC

Auteur(s) : CHAMPOLLION Jean-François

 

CHAMPOLLION-FIGEAC Jacques-Joseph

 Pariis, chez FIRMIN-DIDOT frères, libraires-éditeurs, imprimeurs de l'Institut de France, rue Jacob, n°56
 édition originale
  1841-1843
 1 vol (XXXVI-487 p.)
 In-folio
 papier imprimé, tirage éditeur
 hiéroglyphes, reproductions de scènes égyptiennes issues de bas-reliefs ou de papyrus


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Apparue à la fin du IVe millénaire avant J.-C. l’écriture hiéroglyphique égyptienne reste employée jusqu’à la fin du IVe siècle après J.-C., sa dernière trace écrite connue étant datée de 394. Associée au culte païen, elle semble avoir définitivement cessé d’être usitée concomitamment à la fermeture des temples ordonnée en 380 par l’empereur romain chrétien THÉODOSE. Précédemment, face à la concurrence du grec et du latin, l’écriture égyptienne s’est déjà simplifiée, et les caractères sont devenus plus abstraits, étant progressivement intégrés dans un système d’écriture dit hiératique. L’écriture démotique lui succède avant d’être à son tour abandonnée, après l’an 452, au profit de l’alphabet copte, inspiré à la fois du grec oncial et du démotique.

La maîtrise du déchiffrement des hiéroglyphes s’est rapidement perdue avec la disparition d’une caste de scribes dont elle était l’apanage. Après la conquête arabe, l’Occident chrétien se désintéresse pendant des siècles de l’ancienne civilisation égyptienne qu’il ne découvre qu’à la fin du Moyen Âge grâce à la redécouverte des textes antiques. En Orient, un savant chaldéen du nom d’Ibn WAHSHIYAH rédige au IXe siècle le Kitab Shawq al-Mustaham, ouvrage traitant de différentes écritures, dont l’arabe et l’hébreu, dans lequel se trouve la traduction de différents hiéroglyphes.

Au XVIe siècle l’Europe s’intéresse à son tour au décryptage de cette écriture. Redécouvert en Italie, un ouvrage antique appelé l’Horappolon, écrit vers le Ve siècle et imprimé à Venise en 1505, traduit plusieurs hiéroglyphes, mais n’en donne qu’une interprétation allégorique sans règles de déchiffrement. En 1556, Valeriano BOLZANI publie à Bâle l’Hieroglyphica qui présente des hiéroglyphes transposés en images, tels qu’ils étaient décrits par les auteurs grecs et romains. Il en résulte un ouvrage plutôt fantaisiste mais précurseur dans son genre.

Au XVIIe siècle, les objets égyptiens font leur apparition dans les cabinets de curiosités, et des manuscrits coptes sont redécouverts dans les bibliothèques. Pendant près de cinquante ans, Athanasius KIRCHER, grand savant et linguiste polyglotte, étudie la langue copte, en ayant accès à la collection de Claude Nicolas FABRI de PEIRESC.

KIRCHER considère le copte comme un vestige de la langue des anciens Égyptiens. Il tente à son tour de déchiffrer les hiéroglyphes et présente le résultat de son travail dans son Œdipus ægyptiacus, ouvrage qui lui vaudra d’être considéré comme le père de l’égyptologie moderne.

Au XVIIIe siècle, de nombreux érudits s’intéressent à l’écriture hiéroglyphique avant que la recherche ne connaisse un tournant majeur avec la découverte de la fameuse pierre de Rosette, un fragment de stèle découvert à al-Rashid (appelé Rosette par les Français) au cours de la campagne d’Égypte menée par BONAPARTE. Cette opération militaire, doublée d’une expédition scientifique, contribue à faire connaître au monde entier les vestiges égyptiens antiques grâce à un célèbre ouvrage : la Description de l’Égypte. Mise au jour par un soldat français, la pierre de Rosette comporte un texte gravé en trois alphabets : le grec ancien, le démotique et le hiéroglyphique. Pour la première fois, les chercheurs disposent d’un texte trilingue, clé essentielle pour déchiffrer une écriture encore cryptée. Sur un fond de rivalité franco-britannique, de nombreux scientifiques européens se consacrent entièrement à cette recherche. Parmi eux, Thomas YOUNG, soutenu par Antoine-Isaac SYLVESTRE de SACY, réalise des avancées majeures sur l’écriture du texte en démotique. Il arrive en particulier à la conclusion que la graphie de cette langue découle directement des hiéroglyphes, et que cette écriture n’est pas exclusivement alphabétique. C’est à ce moment qu’entre en scène un jeune érudit polyglotte qui a appris le copte par lui-même : Jean-François CHAMPOLLION.

Très jeune, celui-ci quitte sa ville natale de Figeac pour Grenoble afin de rejoindre son frère aîné, Jacques-Joseph CHAMPOLLION, qui prend son éducation en charge. Membre de l’académie des arts et des sciences de sa ville d’adoption, appelée l’académie Delphinale, celui qui se fait appeler CHAMPOLLION-FIGEAC transmet son goût de l’archéologie à son cadet, parfois nommé CHAMPOLLION LE JEUNE. Jacques-Joseph s’enthousiasme pour les découvertes effectuées en Égypte, mais c’est son jeune frère qui va pousser sa passion le plus loin. Jean-François, qui a déjà appris avec facilité plusieurs langues orientales et antiques, poursuit ses études à Paris où il entreprend une étude des papyrus égyptiens. De retour à Grenoble comme professeur d’histoire, il poursuit ses recherches avec détermination tout en multipliant les publications. Après une courte disgrâce sous la Restauration, il revient un temps à Grenoble et présente à l’Académie un mémoire intitulé Quelques hiéroglyphes de la pierre de Rosette avant de revenir s’installer à Paris à partir de 1821.

Dès lors J.-F. CHAMPOLLION, ayant pris connaissance de l’important travail réalisé par YOUNG, se consacre à plein temps au déchiffrement de la pierre de Rosette. L’étude comparative de noms gravés sur une des faces de la pierre, avec des inscriptions figurant sur un obélisque de Philæ et sur les parois d’Abou-Simbel, le conduit à une conclusion : les hiéroglyphes possèdent à la fois une valeur idéographique et une valeur phonétique, alors que les noms des souverains résultent de la combinaison de caractères alphabétiques ou alphabético-syllabiques. Le 14 septembre 1822, J.‑F. CHAMPOLLION, ayant enfin trouvé la clé du code, parvient à déchiffrer les cartouches royaux et peut donc, comme le rapporte la légende, s’exclamer : « Je tiens l’affaire ! ».

Il se rend aussitôt chez son frère, et avec son aide rédige, entre le 14 et le 22  septembre, un message annonçant sa découverte sous la forme d’une lettre adressée à Bon-Joseph DACIER, le secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Le 27 septembre, il fait sensation en venant lire sa lettre en personne devant une salle comble. En dépit d’une controverse avec YOUNG qui considère que J.‑F. CHAMPOLLION ne reconnaît pas explicitement ce qu’il doit à son travail, le jeune prodige est universellement célébré. L’égyptologie scientifique vient de naître. Dès lors il se consacre à la rédaction d’un Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, publié en 1824, ainsi qu’à un projet de dictionnaire égyptien, mais ce travail prend du retard du fait des nombreuses activités qu’il mène de front. En 1826, il devient en effet conservateur au Louvre, chargé des collections égyptiennes, et fait partie, entre 1828 et 1830, d’une expédition scientifique en Égypte. Il en revient sérieusement malade, mais continue à travailler régulièrement sur le manuscrit de son dictionnaire qu’il avait emporté en Égypte, jusqu’à ce que la mort l’emporte en mars 1832.

CHAMPOLLION-FIGEAC hérite du manuscrit du Dictionnaire égyptien, mais le découvre mutilé : « la moitié des feuilles et la moitié des cartes avaient été enlevées ». Faisant preuve de persévérance, il parviendra à combler les manques, écrivant plus tard : « Contre toute attente, trois cent vingt-neuf feuilles et un très grand nombre de cartes furent recouvrées en 1840. » Cette restitution permet de reconstituer quasiment l’intégralité du dictionnaire. Entre-temps un autre travail, que J.-F. CHAMPOLLION avait entamé à son retour d’Égypte mais qui lui aussi en était resté au stade de manuscrit, est publié en 1836 : la Grammaire égyptienne, ou Principes généraux de l’écriture sacrée égyptienne. CHAMPOLLION-FIGEAC décide alors d’inclure dans le dictionnaire les hiéroglyphes et leurs définitions extraits de la Grammaire égyptienne, ces ajouts étant signalés par un numéro. Malgré ce petit tour de passe-passe, l’ensemble du dictionnaire est donc bien de la main de J.-F. CHAMPOLLION, d’autant que le manuscrit est reproduit à l’identique dans le livre avec l’écriture autographe de son auteur. Imprimé et édité par la maison Firmin-Didot, le Dictionnaire égyptien ici présenté est vendu sous forme de livraisons réalisées entre 1841 et 1843.

Ne pouvant obéir à l’ordre alphabétique habituel des dictionnaires, le livre se décompose en chapitres thématiques. Ainsi le premier chapitre est consacré aux « corps célestes, divisions générales de la Terre », tandis que le second traite de « l’homme et les membres de son corps » et que le sixième a pour thème l’« habillement, coiffures, insignes, armes, meubles, et ustensiles, écriture, instruments de musique, des arts et métiers ». Chaque hiéroglyphe est suivi de sa traduction en français et parfois en copte, mais sa traduction n’est ni décomposée caractère par caractère ni détaillée méthodiquement.

Désormais archéologues et historiens sont en mesure de déchiffrer et d’interpréter l’imposante masse documentaire laissée par le monde égyptien antique et de permettre à toute une civilisation disparue de revivre jusque dans ses aspects les plus quotidiens. Les dictionnaires de hiéroglyphes se multiplieront jusqu’à nos jours, popularisant cette belle et intrigante écriture qui, sous l’impulsion déterminante de J.‑F. CHAMPOLLION, a fini par livrer tous ses secrets.

Cet exemplaire comprend un ex-libris au nom d’Alexandre VARILLE, archéologue et grand nom de l’égyptologie française.



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