Dictionnaire des particules angloises
précédé d'une grammaire raisonnée. Ouvrage dans lequel toutes difficultés de langage sont aplanies, et où on trouvera tous les moyens de l'entendre et de l'écrire en peu de temps, le tout rapporté à l'usage
Auteur(s) : LEFEBVRE de VILLEBRUNE Jean-Baptiste
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Attiré initialement par les sciences, Jean-Baptiste LEFEBVRE de VILLEBRUNE opte finalement pour la médecine. Pourtant, après avoir terminé ses études et exercé quelques années, il abandonne cette profession pour se consacrer à son autre grande passion : les langues. Philologue doté d’une bonne mémoire et d’indéniables facilités pour les apprendre, il maîtrise en quelques décennies près de 13 idiomes. C’est ainsi, qu’en plus du français, il parle, entre autres, le latin, le grec ancien, l’espagnol, l’allemand, l’italien, le suédois et l’anglais. Il effectue de nombreuses traductions, dont celles de traités médicaux, de romans et de textes de l’Antiquité classique.
Également pédagogue, il publie en 1774 un Dictionnaire des particules angloises, destiné à un public alors en pleine expansion, celui des personnes désireuses d’apprendre l’anglais, ou du moins de pouvoir lire cette langue dans le texte ; il s’agit du livre présenté ici. Comme son auteur l’écrit lui-même : “La langue angloise est devenue si intéressante pour le commerce & la littérature qu’il est impossible de s’en passer, pour peu qu’on trafique au-dehors, ou qu’on veuille paroître lettré.”
En effet, longtemps considérée par les autres nations comme une langue mineure et “bâtarde”, l’anglais est à la mode en France depuis le début du XVIIIe siècle. Grâce à la renommée d’écrivains, de savants et de philosophes comme NEWTON, SHAKESPEARE, DEFOE, SWIFT, HUME, LOCKE ou SMITH, la langue anglaise va acquérir un prestige inédit et devenir une langue majeure dans le domaine des arts, des lettres et des sciences. De surcroît, le Royaume-Uni est désormais la puissance dominante sur les plans militaire, diplomatique, économique, colonial et maritime, surtout après la guerre de Sept Ans, qui s’est révélée particulièrement désastreuse pour la France. Enfin, le système politique britannique séduit les philosophes des Lumières, qui y voient l’illustration d’une société “libérale”, équilibrée et moderne. De ce fait, une réelle anglophilie, qui peut même prendre la forme d’une “anglomanie”, se développe parmi l’élite et le monde intellectuel français. Il est devenu de bon ton de parler anglais et de pouvoir le lire en “version originale”, même si en Europe le prestige de la langue française reste encore très vivace.
Pour LEFEBVRE de VILLEBRUNE, les dictionnaires présents sur le marché, dont le BOYER, sont insuffisants. Il leur reproche en particulier d’avoir négligé ou bâclé la partie consacrée aux particules, c’est-à-dire les mots invariables qui servent à construire une phrase en y apportant des nuances ou en explicitant le sens du discours. C’est lors de ses propres études, et au fil de ses lectures, qu’il a constitué son recueil. Il le publie sous la forme de ce petit dictionnaire, qu’il intitule “Traité des particules angloises suivant l’ordre alphabétique”. Cet ouvrage est précédé d’un petit abrégé de grammaire et de tables de verbes irréguliers.
Les particules constituent une assez large catégorie de “mots-outils”, qui comprend aussi bien An, There, After, Until, When ou At, que Though, Above, Never ou From. Chaque notice indique le sens premier du terme, puis les éventuels sens dérivés et enfin les usages particuliers. C’est ainsi que si Again “marque la réitération d’une chose”, parfois “il se confond dans la négation sans marquer de répétition” ; mais il peut aussi, selon les cas, marquer la réciprocité ou la fréquence. À chaque fois l’auteur indique des expressions et des phrases types dans lesquelles la particule est utilisée.
Les 56 chapitres de son dictionnaire sont suivis par dix dialogues « de pratique bilingue » et une série de textes en tous genres, parfois très courts mais le plus souvent assez longs et denses. Il s’agit en particulier de copies de correspondances, dont une lettre d’HÉLOISE à ABÉLARD. Ces textes sont destinés à donner divers exemples de styles littéraires et permettre au lecteur de s’exercer à la lecture en anglais, tout en améliorant son vocabulaire et ses connaissances grammaticales.
LEFEBVRE de VILLEBRUNE se fera relativement discret pendant les premières années de la Révolution, mais sa carrière connaîtra un essor à partir de 1793, année où il sera nommé, en remplacement du malheureux CHAMFORT, conservateur de la Bibliothèque nationale, poste qu’il occupera deux années. En 1796, il deviendra professeur de langues orientales, mais pour avoir écrit qu’il était nécessaire que la France n’ait qu’un seul chef, il deviendra suspect aux yeux du Directoire et préfèrera quitter Paris. Il finira par se fixer à Angoulême, où il dispensera des cours à l’École centrale, avant de décéder dans cette ville en 1809 dans un relatif anonymat.
L’ouvrage s’ouvre sur une dédicace à Marie-Émilie de MONTANCLOS, baronne de PRINCE, connue pour avoir participé au Journal des dames.