Français (langue), Homonymes

Dictionnaire des mots homonymes de la langue françoise

c'est-à-dire, dont la prononciation est la même, et la signification différente. Avec la quantité sur les principales syllabes de chaque mot, pour marquer la durée de leur prononciation, prouvée par des exemples agréables, tirés des auteurs et poètes latins et françois, tant anciens que moderne. Ouvrage nécessaire aux étrangers, & à la jeunesse françoise des deux sexes, etc.

Auteur(s) : HURTAUT Pierre Thomas Nicolas

 à Paris, chez ph. D. LANGLOIS, libraire, rue de petit-pont, près de la rue de S. Séverin, au Saint-Esprit couronné
 édition originale
  1775
 1 vol
 In-octavo
 veau marbré, dos à cinq nerfs orné de motifs floraux dorés


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils d’un marchand de chevaux parisien, Pierre Thomas Nicolas HURTAUT témoigne très jeune de grandes dispositions pour la littérature et les langues. Ayant renoncé à reprendre le commerce paternel, il entre au collège dans le but de devenir enseignant. Professeur de latin à l’École militaire, il devient maître ès arts, attaché à l’université de Paris. Par ailleurs, il se révèle un fécond polygraphe, auteur d’essais historiques sérieux, mais aussi d’un bien curieux texte en vers et en prose : Le Voyage d’Aniers. Cependant, notre amoureux des belles-lettres se fait surtout connaître en 1751 par un court essai, a priori inattendu de la part de cet austère et pointilleux philologue. Ce livre porte un titre très explicite : L’Art de péter, essai théori-physique et méthodique à l’usage des personnes constipées, des personnes graves et austères, des dames mélancoliques et de tous ceux qui restent esclaves du préjugé. Un critique contemporain qualifiera cet ouvrage de semi-humoristique, pastiche du jargon médical et pseudo-scientifique de son temps, de “rencontre vertigineuse de la pétomanie, du savoir-vivre et de la littérature”. Il récidivera trois années plus tard avec son ouvrage Essais de médecine sur le flux menstruel et la curation des maladies de la tête.

En dehors de ces essais à connotation satirique, qui lui assureront une célébrité durable, HURTAUT se consacre à sa vraie passion, la langue et la littérature françaises. C’est ainsi qu’il choisit de s’attaquer à un problème majeur qui se pose dans la plupart des langues, celui des homonymes, soit “les mots dont la prononciation est la même, & la signification différente”. Cette catégorie de « mots pièges » de la langue française, générateurs de confusions et de contresens, est particulièrement redoutée par ceux qui ne maîtrisent pas toutes les subtilités du vocabulaire. En bon grammairien soucieux de pédagogie, il choisit donc de consacrer un lexique complet à un sujet jusqu’alors délaissé par les lexicographes, contrairement à celui des synonymes. Son ouvrage est publié à Paris en 1775 sous le titre de Dictionnaire des mots homonymes de la langue françoise ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici.

HURTAUT adopte une organisation alphabétique tout en composant son lexique selon une double logique. Pour définir les entrées, il retient des groupes de trois lettres, comme par exemple SER ou BOT.

Puis, sous chaque entrée, il liste tous les mots commençant par ces trois lettres en énumérant pour chacun tous les homonymes qui s’y rattachent. Par exemple, sous l’entrée BOU se succèdent les homonymes de Bouc, Bouche, Bouchée, Bouchon, Boucle, Boue, Bouffée, Bouquin, Bouillon, Bourdon, etc. Il est à noter que, dans ses articles, il regroupe aussi bien les mots homonymes homophones homographes, ceux qui ont la même orthographe et la même prononciation, que les mots homonymes homophones hétérographes, ceux qui ont la même prononciation mais avec une orthographe différente. A contrario, il écarte de son livre les mots qui, dotés d’une même orthographe, se prononcent différemment.

Si la première famille est la plus nombreuse, elle est également la plus importante car la plus “dangereuse”. En effet, face à un homonyme homophone homographe, il importe, pour ne pas se tromper de sens, de saisir le contexte dans lequel il est utilisé pour comprendre le propos de son interlocuteur ou de son correspondant. Ainsi, le mot Faire possède plus de douze significations recensées, dont certaines très proches. Deux autres exemples : Cale peut être selon les cas un abri pour bateau, un bonnet de laquais, une punition infligée en mer, un terme de marin ou une pièce de menuiserie ; Botte correspond à une sorte de chaussure, un terme de chasse et d’escrime, un accessoire de mercier ou un ensemble de tiges ou de légumes liés ensemble.

Dans la catégorie des homonymes s’écrivant différemment, la différenciation entre eux est plus aisée. C’est ainsi que nous retrouvons Cailler associé à Cahier, Palais à Palet, Peine à Pêne, ou encore Raie à Rais, Rets, Retz, Ré (note de musique) et à l’île de Ré ; tandis que Faim est suivi de Feins, Feint, Fin, et Pair de Père, Paire et Perd. Le type de classement retenu rend la consultation parfois malaisée, inconvénient que l’auteur essaie de compenser par la multiplication des renvois. À titre d’exemple, les définitions du mot Sire, logiquement classé sous l’entrée SIR, sont regroupées avec Cire et donc sous l’entrée CIR.

Le travail de HURTAUT sur les homonymes est guidé par une autre préoccupation, aussi importante à ses yeux que celle de différencier les mots homophones. Il s’attache en effet, chaque fois qu’il en a l’occasion, à indiquer des nuances de prononciation subtiles qui peuvent permettre de distinguer des termes que l’on croit, à tort, être de sonorité identique. C’est ainsi que, s’appuyant en grande partie sur le Traité de la prosodie françoise publié en 1736 par l’abbé d’OLIVET, il prend soin d’indiquer à l’aide de petits symboles si une syllabe est longue ou brève. Enfin, notre linguiste, soucieux de mettre en valeur l’étymologie latine de la plupart des mots du français, ne semble guère apprécier la simplification orthographique de nombreux mots car, écrit-il : “On s’est efforcé de supprimer ou de changer des lettres, qui sans se faire sentir dans la prononciation, seroient au contraire à la fixer ; et l’on ose assurer que si l’on a cru y trouver des inconvéniens dans l’ancienne orthographe, il y en a de bien plus grands à la bouleverser comme aujourd’hui.”

Après son dictionnaire, véritablement pionnier en son genre, HURTAUT, qui sera également membre d’un salon littéraire connu sous le nom de Société du bout du banc, publiera un  Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, avant de décéder dans un relatif anonymat en 1791.



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