Révolution française

Dictionnaire des individus envoyés à la mort judiciairement, révolutionnairement et contre-révolutionnairement pendant la Révolution

et particulièrement sous le règne de la Convention nationale. Contenant 1. des réflexions préliminaires sur cette histoire générale des crimes ; 2. la Liste des Proconsuls, celle des tribunaux et Commissions, les Lois de morts ; 3. les noms, âges, lieux de naissance, qualités, domiciles, professions de tous ceux qui ont été guillotinés, fusillés, mitraillés ou noyés pendant la Révolution depuis le 14 Juillet 1789 jusqu'au 30 Vendémiaire, ou 21 Octobre 1796, avec les dates et les motifs des condannations, le jour et le lieu de l'exécution; 4°. une Table des surnoms ; 1. des tableaux chronologiques des factions qui ont désolé la France des conspirations découvertes ou dirigées par la Convention ou ses comités, des amalgames d'individus condamnés en masse.

Auteur(s) : 

 à Paris, rue des marais, n°20, faubourg Germain, An V de la république, 1796 vieux style
 édition originale
  1796
 2 vol
 In-octavo
 veau brun, dos lisse orné de motifs dorés
 avec des tableaux et des gravures


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils et petit-fils de relieurs de livres, Louis Marie PRUDHOMME devient commis libraire à Lyon, sa ville natale, puis à Paris. Après un passage par Meaux, il s’installe dans la capitale où, à partir de 1787, il devient, dans une France déjà bien agitée par les prémices de la Révolution, un redoutable et très prolifique pamphlétaire. Il devient un des rédacteurs du Résumé général, ou Extrait des cahiers de pouvoirs, instructions, demandes ou doléances remis par divers bailliages, sénéchaussées et pays d’État du royaume. Ce livre, jugé séditieux et excessivement virulent par les autorités, est saisi par la police. Le 12 juillet 1789, il édite un journal intitulé Révolutions de Paris, de sensibilité nettement antimonarchiste, dans lequel vont écrire des personnalités résolument prorévolutionnaires de vues souvent divergentes, telles que Sylvain MARÉCHAL, FABRE d’ÉGLANTINE, Louis-Félicité SONTHONAX et Pierre-Gaspard CHAUMETTE.

PRUDHOMME participe aux activités d’une section de la Commune de Paris mais, devant le développement de la Terreur et la lutte entre factions, il prend ses distances, se voyant accusé de modérantisme. Mettant fin à la publication de son journal, il décide alors de faire profil bas. Inquiété un temps à cause de sa proximité avec les babouvistes, il nourrit une certaine amertume vis-à-vis d’une Révolution dont il a pourtant été un chaud partisan. Il reste en particulier marqué par les impitoyables guerres civiles et l’emballement de la Terreur, qui ensanglantent le pays depuis plusieurs années. En 1796, il lance un nouveau projet éditorial au nom très explicite : L’Histoire générale des crimes commis pendant la Révolution française. Pour lui, il ne s’agit ni plus ni moins que de dresser une synthèse de toutes les exactions, les abus et les massacres commis au nom des assemblées qui se sont succédé depuis 1789, en particulier la Convention. Peut-être s’agit-il pour l’auteur du livre d’un moyen de promouvoir l’unité autour d’un nouveau régime dont il espère qu’il va clore la Révolution et éviter de nouvelles luttes fratricides. C’est ainsi que, malgré son ton acide et une colère mal contenue, il parle d’un “ouvrage pacificateur” dans lequel il rejette toute idée de vengeance.

PRUDHOMME voit les choses en grand, prévoyant un ouvrage en six volumes. Les deux premiers sont constitués par le Dictionnaire des individus envoyés à la mort judiciairement, révolutionnairement et contre-révolutionnairement, pendant la Révolution. Dans un long préambule, il livre sa propre analyse sur la dérive homicide des institutions de la Révolution, prônant d’ailleurs en passant l’abolition de la peine de mort. Bien qu’il se présente comme impartial et objectif, il cache avec peine la rancœur et même son dégoût profond envers les comités, les agitateurs de tous bords, les groupes de sans-culottes, les clubs, les tribunaux et les sections qui, estime-t-il, ont abusé de leur autorité de manière éhontée. Il a été particulièrement marqué par les massacres des journées de Septembre, qui ont vu la légalité s’effacer devant la force et se propager un déchaînement de violence inédit qui favorise la “réputation exécrable” d’une Convention minée par les factions et les luttes intestines. À propos de cette nouvelle assemblée, il a cette sentence terrible : “Les fondateurs étant sans vertu, la République ne fut qu’un mot.”

Tout en dénonçant avec vigueur les “brigands“, les “bouchers“, les “cannibales sénateurs” et autres “proconsuls“, il tente au passage de minimiser dans les exactions le rôle d’un peuple qu’il place dans son ensemble du côté des victimes. Il n’hésite pas à s’attribuer le beau rôle, arguant du fait qu’il n’a pas de sang sur les mains. Poussant assez loin ses invectives et ses accusations, PRUDHOMME juge nécessaire de rappeler qu’il n’est pas contre-révolutionnaire : “Mais, me dira-t-on, vous faites le procès à la Révolution. Non, je fais le procès aux faux amis de la Liberté, aux faux républicains, aux plus grands ennemis de la Révolution, à ceux qui, par leurs forfaits, ont terni l’éclat du plus sublime élan dont une nation généreuse soit capable, à ceux qui n’ont voulu que bouleversement, et non pas la Révolution ; qui n’ont voulu que licence, et non pas liberté ; qui n’ont voulu que trouble où la volonté générale ne voulait que l’ordre ; qui n’ont voulu que discorde, où chacun ne voulait qu’union ; qui n’ont voulu que les biens, que le sang, que la vie des citoyens, et non pas la prospérité, l’unité et la conservation de tous les Français ; voilà les hommes à qui je fais le procès, et non pas à une Révolution, dont le but était de faire refleurir toutes les vertus. C’est au crime que je fais le procès ; qu’importe qu’il ait été commis sous le masque du royalisme ou du républicanisme, à mes yeux il est toujours crime ; un forfait sénatorial pèse autant dans les balances de la justice qu’un forfait monarchique.” Afin d’enfoncer le clou, il conclut d’ailleurs par cette sentence : “Vous, ennemis de la Liberté ! Ne calomniez pas notre idole, car elle aura toujours notre encens. Le seul but du grand ouvrage dont je publie les deux premiers volumes est de prouver aux tyrans de tous les partis que les crimes commis pendant et pour la Révolution ne sont point dus à la Révolution, mais bien aux scélérats qui s’en sont emparé.”

Une fois achevées ses « réflexions préliminaires », PRUDOMME se lance dans la longue litanie de 12 829 notices consacrées à des condamnés à mort qui ont été exécutés. Leur profession est détaillée, ce qui nous permet de constater la très grande diversité sociale des suppliciés : laboureur, noble, boulanger, prêtre, soldat, homme de loi, artisan, commerçant, officier, député, ouvrière, etc. Dans cette liste nous retrouvons certaines célébrités telles que DANTON, DESMOULINS, LOUIS XVI, dénommé ici CAPET, le sinistre CARRIER, et bien sûr ROBESPIERRE, mais leurs notices ne font pas l’objet d’un plus long développement, l’auteur s’attachant en priorité aux anonymes. Pour chaque individu, sont indiqués le lieu de leur condamnation et la motivation retenue, soit le plus souvent “contre-révolutionnaire“, “conspirateur” ou “ennemi du peuple” ; mais dans la liste se trouvent aussi des réfractaires, des fédéralistes, des déserteurs, des fabricants et trafiquants de faux assignats, des fournisseurs véreux et des fonctionnaires corrompus, ainsi qu’un grand nombre de “brigands de Vendée”. Nous pouvons constater qu’en dehors de Paris, ce sont les villes de Lyon, Nantes ou Marseille qui ont fourni les plus gros contingents de condamnés.

Véritablement habité par son sujet et animé par une véritable hargne à l’encontre de ceux qui, pour lui, ont dévoyé la Révolution, il aspire à l’exhaustivité. Mais, malgré ses efforts, son recensement n’est pas complet car bien des noms sont absents d’une liste pourtant très fournie. Ce mémorial est complété par d’autres tomes plus généraux, dans lesquels PRUDHOMME revient sur les désordres qui ont précédé la Révolution et sur les exactions commises sous la Constituante et l’Assemblée législative, avant d’évoquer les crimes perpétrés sous la Convention. S’il prend soin de proclamer son républicanisme sans jamais faire l’amalgame avec le régime en place, il ne manque jamais de multiplier accusations et anathèmes, au risque de passer pour un contre-révolutionnaire aigri. Au lendemain du coup d’État du 18 Fructidor (4 septembre 1797), l’ouvrage, qui compte alors six tomes, accusé d’alimenter les mécontentements contre la Révolution en attirant l’attention sur ses violences, se voit interdit et les exemplaires déjà édités sont saisis.

Après cette sanction, PRUDHOMME, désormais discret et plus modéré dans ses propos, reprend ses activités. Devenu directeur des hôpitaux de Paris, il fonde un journal et édite plusieurs ouvrages, dont un Dictionnaire géographique et méthodique de la République française, en CXX départements et un Miroir historique, politique et critique de l’ancien et du nouveau Paris, et du département de la Seine. En 1810, il est également à l’initiative de la neuvième édition du Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique de Louis-Mayeul CHAUDON. Hostile à NAPOLÉON, notre ancien révolutionnaire accueillera avec satisfaction la Restauration. PRUDHOMME publiera une nouvelle version de son livre en 1824, sous le titre Histoire impartiale des révolutions de France depuis la mort de Louis XV : contenant les causes et les motifs qui ont dirigé tous les partis et tous les chefs de faction,  suivi l’année suivante par  L’Europe tourmentée par la Révolution de France, ébranlée par dix-huit années de promenades meurtrières de Napoléon Bonaparte. Il mourra en 1830.

Quelques notices

DEVERNEUIL (Ant. L. Henri), âgé de 30 ans, né à Brest, côte de Recouvrance, sous-chef d’admin. du vaisseau de la Côte-d’or, résidant à bord dudit vaisseau, aujourd’hui la Montagne, Cond. A mort, le 27 nivôse an II, par le trib. rév. de Paris, comme complice des mouvemens séditieux qui ont éclaté sur l’escadre, qui ont empêché l’exécution du plan formé pour l’interception du convoi hollandais, d’être l’un des affidés de Duplessis-Grénédan, et d’avoir avec Duplessis donné au Vaisseau appelé la Côte-d’or, le nom de la Ferme, nom devenu infâme pour des républicains.

LASALLE (René Jean-Jacq.), âgé de 26 ans, garde forestier, né et dont-à 1a Montagne-du-Bon-Air, département de la Seine-et-Oise Cond. à mort le 17 mess., an II, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme convaincu d’avoir dit : “Voilà enfin le Calvados levé, Dieu merci, nous allons faire sauter les sans-culottes et les clubs.”

AlLLOI (Alexis), cultiv., ancien homme d’affaires de ci-dev. nobles, âgé de 49 ans, natif de Château-Bolard, dans le département de la Drôme, dom. depuis 30 ans dans la commune de Gauriac, cant. de Bourg, dép.de la Gironde, cond. à mort le 13 messid., an II, par la cour milit., séante à Bordeaux, comme calomniateur, fanatique, aristocrate et ennemi de la Révolution.

SAINTE-AMARANTHE (Charlotte-Rose Émilie), femme Sartine, âgée de 19 ans, native de Paris, dép. de la Seine, dom. à Cercy, dép. de Seine-et-Oise, cond. à mort, le 29 prair, an II, par le trib. révol. de Paris, comme complice de la conspiration de l’étranger, du soulèvement des prisons et de l’assassinat du représentant du Peuple Collot-d’Herbois ; elle a été conduite à l’échafaud en chemise rouge.

LYRE (Louis), march., âgé de 28 ans, natif de Londres, dom. à Paris, dép. de la Seine, cond. à mort, le 13 oct. 1792 par le trib. crim. établi à Paris, par la loi du 17 août 1792, comme voleur du garde-meuble, ayant porté chez le citoyen Moyse-Trenel une partie considérable de perles fines et diamans, provenant du garde-meuble, et ayant voulu les lui vendre.

MONSECREIGNAC fils (Bern.), âgé de 47 ans, né à Bordeaux ; ex-noble, ex-conseiller au parlement de Bordeaux, dom. à St. Loubez et à Bordeaux, dép. de la Gironde, cond. à mort, le 25 niv., an II, par le trib. crim. du dép. de Morbihan, comme convaincu qu’il n’a donné aucune preuve de patriotisme, qu’il a aidé son père à cacher ses titres féodaux, qu’il n’a pas accepté la Constitution de 1793.

LUNITRE ou LULLYT (Jean-Bapt.), ancien commissaire des guerres, agent de Choiseau, natif de Corne-sur-Loire, dom. à Lafère, dép. de l’Aisne, cond. à mort le 2 vent., an II  par le trib. révol. de Paris, comme complice des manœuvres, malversations, infidélités et tromperies pratiquées dans l’entreprise des chevaux de la République, dont le résultat était d’envahir les fonds publics  et d’amoindrir et entraver le service que les chevaux devaient faire.

RIGAULT (Joseph – Julien-Honoré), âgé de 45 ans, natif de Castres, départ. du Tarn, ex-conseiller au parlement de Toulouse, dom. à Toulouse, dép. de la H.-Garonne, cond. à mort, le 1 flor., an II par le trib. révol. de Paris, comme complice d’un complot contre la liberté du Peuple français, en prenant part aux arrêtés et protestations pris par le parlement de Toulouse , les 25 et 27 sept. 1790.



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