Dictionnaire des familles qui ont fait modifier leurs noms
par l'addition de la particule ou autrement, en vertu d'ordonnances ou de décrets, depuis 1803 jusqu'en 1867
Auteur(s) : BUFFIN
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À partir du Moyen Âge, le nom de famille, forgé par l’usage de génération en génération depuis un temps immémorial, se fixe et acquiert un caractère officiel dans le royaume de France. Il trouve le plus souvent son origine dans un lieu de naissance ou de résidence, un métier, un statut, une fonction, une caractéristique physique ou morale, un surnom voire même un sobriquet parfois formé par antiphrase. Ce sont les ordonnances de Villers-Cotterêts (1539) et de Blois (1579) qui généraliseront cette pratique et la rendront obligatoire.
Le nom, désormais désigné comme patronyme, est dans un premier temps enregistré sur les registres paroissiaux, où s’inscrivent les dates de baptême, de mariage et de sépulture. Désormais, seul le roi a le pouvoir d’autoriser une personne à modifier ou à changer son nom de famille. Mais les abus, entérinés par l’habitude et l’usage, demeurent très fréquents, notamment de la part de personnes qui, souhaitant s’agréger à la noblesse, adjoignent à leur patronyme original le nom d’une terre ou d’un lieu-dit précédé d’une particule. Il arrive également qu’à leur nom d’origine certains, en quête de respectabilité, substituent celui plus prestigieux de la famille de leur mère ou de leur épouse.
À partir de 1792, les mairies ont l’obligation de tenir des registres d’état civil, désormais les seuls à conférer une reconnaissance juridique officielle. Au fil du temps, les règles se durcissent. En effet, une fois passée la parenthèse du décret du 24 brumaire An II (14 novembre 1793), qui permettait à chaque citoyen de “se nommer comme il leur plaît, en se conformant aux formalités prescrites par la loi”, le décret du 6 fructidor An II (23 août 1794) stipule qu’“aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre”. Cette décision très restrictive est tempérée par la loi du 11 germinal An XI (1er avril 1803), qui institue une procédure dérogatoire de changement de nom. Très encadrée, celle-ci doit être justifiée par un motif “valide” avant d’être approuvée par les autorités, qui restent seules juges en la matière.
En 1867, un ouvrage recensant les changements survenus entre 1803 et 1867 – curieusement, la date de 1865 figure également sur la page de faux-titre – est publié à Paris par la librairie Bachelin-Deflorenne ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici. L’auteur du Dictionnaire des familles qui ont fait modifier leurs noms est un certain BUFFIN, dont on sait seulement qu’il est secrétaire de mairie à Beaujeu, petite ville du département du Rhône. Seule indication, son nom figure sur une pétition de 1861 demandant que les secrétaires de mairie soient nommés par le préfet sur proposition des maires.
Dans le dictionnaire, le nom d’origine figure en caractères romains, tandis que le patronyme modifié ou adjoint est écrit en italique, la modification pouvant revêtir des formes différentes. Dans une majorité des cas, le patronyme devient un nom composé, par ajout, d’un nouveau nom relié à l’ancien par un tiret. C’est par exemple le cas de messieurs ARLÈS-DUFOUR, ROUHER-LAMOTHE ou NOIRVACHE-DERVILLE. Dans d’autres cas, la modification prend la forme d’une simplification par amputation du nom d’origine, en particulier quand il est issu de l’étranger, comme par exemple NORDLINGER qui devient NORDLING.
Autre catégorie importante, celle de ceux qui ont demandé un changement complet de leur patronyme. Parmi eux nous trouvons plusieurs juifs qui ont choisi de franciser leur nom de famille, LEVY devenant LEVYLIER ou MOUCHI-DEVY, ABRAND remplaçant ABRAHAM et ISRAËL faisant place à EMMANUEL. Enfin, en feuilletant le dictionnaire, nous faisons connaissance avec la cohorte des handicapés patronymiques affublés d’un nom ridicule ou dévalorisant. C’est ainsi que nous trouvons un monsieur CUCU qui adopte le nom de DESMONT, un monsieur CORNICHON celui de DEFOIX, un monsieur COCU celui de CHOLET, un monsieur LEBOUGRE celui de BINET, un monsieur COUILLARD celui de PARNAJON, tandis que le dénommé CIMETIÈRE a préféré devenir EUVERTE, alors que, de son côté, un certain MERDA s’est contenté d’enlever la lettre r de son nom.
On peut encore citer le cas des infortunés Camille-Philippe, Marie-François, et le comte Marie-Alexandre-Édouard LOUVEL qui, en septembre et octobre 1820, optent pour un changement de leurs noms respectifs pour ceux de MARTEL, AMON et LUPEL. L’explication en est que leur ancien patronyme était celui de l’individu qui avait poignardé le duc de Berry plusieurs mois auparavant, homonymie qui leur avait causé bien des soucis au quotidien.
Enfin, nombreux sont les changements de nom consistant à rallonger son nom ordinaire par le truchement d’une particule. Même si porter un « de » dans son nom n’a jamais constitué la preuve irréfutable d’appartenir à une famille aristocratique, son usage s’est beaucoup développé depuis l’époque moderne parmi les familles qui revendiquent leur appartenance aux classes sociales supérieures de la société. Ce procédé permet d’anoblir son nom, en y joignant par exemple le nom d’un domaine ou d’une localité, comme par exemple NABOS de SAINT-MARTIN, NAU de BEAUREGARD, BARTE de SAINTE-FARE ou MICHEL de TRÉTAIGNE. Par ce moyen, il est également possible d’associer à son patronyme celui d’un ancêtre prestigieux. C’est ainsi que par exemple la comtesse BÉTHUNE de PENIN devient BÉTHUNE de SULLY, revendiquant de cette manière son lien avec l’ancien ministre d’HENRI IV. De même, un comte de SÉGUR choisit de se faire rebaptiser comte de SÉGUR de LAMOIGNON.
Le livre de BUFFIN sera réédité à l’identique en 1877, mais par un autre libraire, ce qui démontre que le sujet reste toujours porteur. En France, le changement ou la modification du nom de famille, qui peut en particulier être revendiqué pour éviter l’extinction du patronyme d’un ascendant, est de nos jours soumis à la loi du 8 janvier 1993.