Catholicisme, Confession

Dictionnaire des cas de conscience (Le)

décidés suivant les principes de la morale, les usages de la discipline ecclésiastique, l'autorité des conciles et des canonistes et la jurisprudence du royaume

Auteur(s) : LAMET Adrien Augustin de BUSSY de, FROMAGEAU Germain

 

GOUJET Claude-Pierre, FABRE de l'ORATOIRE Jean-Claude, TREUVÉ Simon Michel

 à Paris, chez Jean-Baptiste COIGNARD fils, libraire du Roi, rue Saint-Jacques, à la Bible d'or ; Hippolyte-Louis GUÉRIN, rue Saint-Jacques, à Saint Thomas d'Aquin
 édition originale
  1733
 2 vol : tome 1. A-J (VII-1756 colonnes), tome 2. Lo-Z (1640 colonnes) deux colonnes par pages
 In-folio
 veau brun marbré d'époque, dos à six nerfs, caissons ornés de dorures, filets dorés en encadrement des plats, tranche rouge
 bandeaux, lettrines, vignette représentant une juridiction ecclésiastique au début ce la lettre A et de la lettre L


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Très utilisée dans de nombreux domaines tout au long du Moyen Âge, la casuistique consiste à confronter des règles et des principes généraux à des cas particuliers réels ou fabriqués. La méthode a pour but de dégager un jugement équilibré et une application pratique. À partir de la Renaissance, cet outil rhétorique et philosophique connaît une vogue en Europe occidentale dans les domaines de la religion et de la morale. La casuistique est utilisée en particulier pour aider et guider confesseurs et directeurs de conscience en leur donnant des indications pour juger en connaissance de cause des situations, souvent difficiles à démêler, désignées sous le nom de “cas de conscience”.

Après avoir abandonné les excès de la scholastique, l’Église catholique, se basant sur le droit canonique et la jurisprudence, encourage la production de recueils de cas pratiques amenés à remplacer les anciens manuels de confesseurs médiévaux. Ces nouveaux ouvrages doivent permettre aux religieux de juger de la gravité des fautes afin de pouvoir fixer les pénitences et les sanctions adéquates. Entre 1560 et 1660, ce sont à peu près 600 livres de casuistique différents qui seront diffusés dans la seule aire catholique.

En France, cette littérature atteint son apogée au cours du XVIIe siècle avec la figure emblématique de Jean PONTAS. Grand expert en droit canonique, inspiré par le livre de Jacques de SAINTE-BEUVE Résolutions de plusieurs cas de conscience touchant la morale & la discipline de l’Église, PONTAS publie en 1715 son célèbre Dictionnaire des cas de conscience qui va devenir pour longtemps le livre de chevet de nombreux ecclésiastiques. Ce livre sera remanié, augmenté et réédité à plusieurs reprises. En 1847, le fameux abbé MIGNE le publiera à son tour dans le cadre de son Encyclopédie théologique.

Quelques années après la parution du livre de PONTAS, le docteur en théologie Simon-Michel TREUVÉ remanie les textes de deux autres spécialistes des cas de conscience  Adrien Augustin de BUSSY de LAMET, un temps assistant de SAINTE-BEUVE, et Germain FROMAGEAU. Décédés respectivement en 1691 et en 1705, ces deux docteurs en théologie, experts reconnus du droit ecclésiastique et par ailleurs prêtres astreints à une vie pieuse et charitable, ont consacré une grande partie de leur vie à répondre aux consultations pour lesquelles ils étaient sollicités. Après une première publication partielle en 1714, un projet de nouveau dictionnaire est lancé sous la direction de l’abbé Claude-Pierre GOUJET, janséniste affirmé mais également érudit et écrivain religieux très prolifique au XVIIIe siècle. Le Dictionnaire des cas de conscience version LAMET et FROMAGEAU, ici présenté, est publié courant 1733.

Par prudence, et pour souligner l’intérêt d’une œuvre approuvée par les hautes autorités ecclésiastiques, la préface prend soin de préciser que « si la diversité des opinions théologiques sur les règles de la conscience ne permet pas d’assurer que tout ce qu’ils ont avancé dans leurs décisions soit absolument certain, on peut dire toutefois qu’ils n’autorisent rien qui ne soit le plus probable & le plus sûr, & qui par conséquence ne doive être suivi ».

Prenant le livre de PONTAS comme modèle, GOUJET suit un plan alphabétique. Chaque “mot-clé” comprend un ou plusieurs cas : Abbé, par exemple, en compte cinq, et Chanoines une vingtaine. Chaque notice sur un cas est décomposée en deux parties : d’abord un résumé de la demande adressée aux deux théologiens, exposant les faits, puis une réponse circonstanciée dans laquelle les auteurs délivrent leurs conclusions au terme d’un cheminement pointilleux dans de nombreux textes juridiques. Parfois, si nécessaire, les cas présentés sont précédés d’une rapide définition ou d’un exposé destiné à expliciter le sujet. C’est ainsi que, pour le chapitre Empeschemens de mariage, seize pages sont nécessaires pour passer en revue les raisons qui rendent un mariage impossible ou invalide.

Les questions abordées sont le plus souvent pointues et les situations complexes. Un exemple, le cas du “chanoine devenu insensé” : « Si un chanoine qui est en démence n’y est tombé qu’après avoir pris possession de son bénéfice, son chapitre n’a pas le droit de lui refuser le revenu de sa prébende, quand même ses parents seroient riches, mais s’ils sçavoient qu’il étoit fou avant qu’il eût obtenu ce bénéfice, ils ne peuvent en conscience exiger ce revenu. »

La partie consacrée au mariage, particulièrement développée, s’étale sur 108 pages et traite d’une soixantaine de cas. On y trouve des situations aussi alambiquées que celle-ci : « Un homme qui, pour abuser d’une fille, a promis de l’épouser avec des conditions dont il croyait l’exécution très difficile, est obligé d’accomplir sa promesse. S’il croit que ce mariage lui causeroit beaucoup de dommages, il doit parler, ou faire parler à la fille pour la porter à le dégager de sa promesse, moyennant une dot raisonnable. Si la fille y consent, elle peut se marier de son côté, comme lui du sien. » À noter au passage que les termes ou les passages un peu “lestes” sont pudiquement rédigés en latin.

Exprimant le point de vue de l’Église et de la morale religieuse, les arguments et les conclusions de nos deux juristes nous paraissent parfois en grand décalage avec la réalité de la société de leur époque. Il est vrai que leurs écrits s’adressent à l’origine à un public exclusivement ecclésiastique et n’a qu’une valeur de conseil juridique “théologiquement correct”.

Dès sa sortie, ce dictionnaire est considéré comme le supplément du livre de PONTAS. En 1758, François MORÉNAS réalisera à partir des deux ouvrages une compilation promise à un beau succès. Celle-ci prendra le nom de Dictionnaire portatif des cas de conscience.

Quelques exemples de cas de conscience évoqués dans ce dictionnaire

*Pierre, qui est d’une famille médiocre ayant amassé de grands biens par des voyes légitimes, s’est fait conseiller dans un parlement par un pur motif d’ambition. On supplie Messieurs de Sorbonne d’avoir la bonté de décider si Pierre, s’élevant ainsi, a commis un péché mortel & s’il est vrai que l’ambition, s’il n’est de sa nature qu’un péché véniel & qu’elle ne devient mortelle que quand elle est jointe à des circonstances étrangères qui ne se trouvent pas dans celui dont il s’agit ?

*Peut-on admettre aux sacrements une troupe de comédiens qui représentent & qui sont dans la disposition de le représenter à l’avenir la comédie qui a pour titre le Festin de pierre [Dom Juan de MOLIÈRE], sous prétexte que les princes qui les ont à leurs gages veulent qu’elle soit représentée devant eux ? Cette comédie est très pernicieuse & pleine d’impiété, car non seulement elle représente les vices les plus horribles, mais elle apprend à les commettre.

*Une femme a épousé un homme qui étoit impuissans. Elle n’a connu cette impuissance que depuis le mariage. Il se sont séparez du lit ; mais pour le reste l’un & l’autre ont vécu en fort bonne intelligence & une grande union. Le mari est venu à mourir le premier. Personne n’a connu cette impuissance. Ils ont passé toujours dans leur famille pour mari & femme, vivant bien ensemble. L’on demande si ladite femme peut prendre les droits que les loix, la coutume & son contrat de mariage lui accordent ?

*Une femme enceinte est entrée domestique dans une maison religieuse sans découvrir sa grossesse. Elle y accouche quand son terme est venu, & comme elle est dans l’impuissance de nourrir son enfans à cause de sa grande pauvreté, outre qu’elle ne peut pas le garder sans se diffamer, une religieuse lui conseille d’exposer son enfans. Sur quoi on demande à ces messieurs de la Sorbonne : 1. Si cette femme pour les raisons qu’elle allègue est en droit d’exposer son enfant, promettant qu’elle aura soin de le faire enlever par quelqu’un pour le placer dans un hôpital ? 2. Si cette religieuse peut lui donner ce conseil ?



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