Anglais (langue), Argot

Dictionnaire de slang et d’expressions familières anglaises

Auteur(s) : LEGRAS Charles

 Paris, Garnier Frères, libraires-éditeurs, 6 rue des Saints-pères
 nouvelle édition entièrement refondue
  1900
 1 vol (203 p.)
 In-douze
 toile rouge


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Après Waterloo, la France et la Grande-Bretagne connaissent une longue période de paix inédite depuis la guerre de Cent Ans. Certes, des tensions, qui ressurgissent périodiquement entre les deux nations du fait de rivalités coloniales, continuent à alimenter une certaine anglophobie  dans l’opinion publique. Mais, malgré tout, les Français s’intéressent de plus en plus massivement à la langue et à la culture d’un pays qui reste la première puissance commerciale, industrielle, maritime et militaire du monde. L’anglais, déjà très apprécié par les élites depuis le siècle précédent, connaît une audience élargie, d’autant qu’il est désormais enseigné dans le secondaire et à l’université. Conséquence logique de cet engouement, les méthodes, les guides, les dictionnaires et les lexiques se multiplient dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Ces ouvrages, rédigés en anglais scolaire et officiel, négligent généralement le parler familier et les expressions argotiques si utiles dans la conversation pour saisir toutes les nuances et les saveurs d’une langue. Les Britanniques ont pourtant à leur disposition quelques dictionnaires consacrés à l’argot de leur pays, appelé le slang, tels que le Classical Dictionary of the Vulgar Tongue de Francis GROSE, daté de 1785,  ou le Dictionary of Modern Slang, Cant and Vulgar Words, publié en 1859 par John Camden HOTTEN. Mais les lecteurs francophones ne disposent d’aucun lexique sur le sujet, même si les dictionnaires français de « langue verte » ont pu y faire ponctuellement allusion. Cette lacune se trouvera comblée par un opuscule publié en 1898, sous le titre Dictionnaire de slang et d’expressions familières anglaises ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici. Ce livre de petit format reçoit un accueil chaleureux des deux côtés de la Manche et, porté par une critique très favorable, il est réédité dès 1900.

L’auteur de ce lexique est un homme de lettres du nom de Charles LEGRAS – qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, chimiste de son état –, lequel collabore alors à plusieurs revues, dont le Journal des débats et la Westminster Gazette. Cet anglophile convaincu, qui a vécu plusieurs années à Londres, a pris soin au cours de son séjour de noter les mots et expressions qu’il ignorait, « à mesure que le hasard des conversations les faisait résonner à ses oreilles ». LEGRAS juge nécessaire, à partir du moment où l’on maîtrise suffisamment la langue “académique”, d’apprendre l’argot britannique, non enseigné mais très utile dans la vie quotidienne : “Au-dessus des mots employés par les auteurs classiques, et qui constituent la langue d’un pays, flotte l’écume légère des expressions familières et des termes d’argot. À ces derniers venus, tout dictionnaire qui se respecte interdit autant qu’il le peut l’accès à ses feuillets. Pourtant, ces mots sont employés plus fréquemment que les autres !” Même si ce répertoire de slang n’ambitionne pas d’être exhaustif, il aspire à servir d’auxiliaire à toute personne désireuse de s’immerger plus avant dans la culture locale. Il a pour objet de permettre au francophone de saisir plus finement les subtilités du vocabulaire anglais, de suivre les conversations et d’y participer sans commettre d’impair.

Dans son lexique, LEGRAS se limite aux expressions les plus connues mais il rejette les mots vulgaires et orduriers. Parfois il ne recule pourtant pas devant le plaisir de rapprocher certains termes anglais de mots français argotiques, voire très familiers, qu’il distingue en les faisant apparaître en italique, comme Foutre, Nichons, Cogne, Pognon, ou Ta gueule ! Il emprunte aussi bien au langage familier qu’à différents jargons professionnels, comme celui de la Bourse, du journalisme, de l’édition, du théâtre, des soldats, des étudiants, des parieurs aux courses ou des voyous. Il ne se cantonne pas aux simples expressions argotiques mais à toutes celles qui peuvent sembler insolites à l’oreille d’un Français. C’est le cas d’expressions idiomatiques ou enfantines, mais aussi de références littéraires devenues proverbiales, comme Miss Grundy, Bénédict ou Brooks of Sheffield. Notons qu’il reprend également au passage quelques expressions régionales écossaises (Auld Reekie, Sawney, Kittle), irlandaises (Bedad, Paddy, Murphy), ainsi que des américanismes (Bunkum, Bogus, Rats !).

LEGRAS intègre également dans son répertoire les abréviations et les acronymes hermétiques pour le novice, comme K.G. (Knight of the Garter, chevalier de l’ordre de la Jarretière),  M.A. (Master of Arts, licencié ès lettres), P.R.B. (Préraphaélite Brotherhood), V.C. (Victoria Cross, plus prestigieuse décoration militaire britannique), ainsi que des organismes et des institutions méconnus en France, tels que le Vigilance Committee, le Permissive Bill et le London School Board. Ce lexique donne également l’occasion de découvrir les us et coutumes des Britanniques, et plus précisément des Londoniens, à travers des anecdotes. C’est ainsi que, dans le dictionnaire de slang, nous retrouvons le Aunt-Sally, un jeu de foire ; le Mud-Lark, un homme qui cherche à marée basse sur les rives de la Tamise des objets de quelque valeur ; le Black Monday, le lundi de la rentrée des vacances pour les écoliers mais également un jour d’exécution capitale ; le Guy, à l’origine une personne mal habillée, par référence au mannequin Guy FAWKES promené le 5 novembre ; et le Queen’s Tobacco Pipe, un four où est brûlé le tabac de contrebande saisi par la douane.

LEGRAS est également l’auteur d’un livre remarqué, Terre d’Irlande, également publié en 1898. Dans cet ouvrage, à la fois essai historico-littéraire et récit de voyage, il se défend d’avoir écrit “une ligne d’appréciation personnelle sur la politique actuelle en Irlande”. Pour le Journal des débats, il rédige également une série de billets – intitulée Chez nos contemporains d’Angleterre – consacrés aux écrivains britanniques. En 1904, il publiera un autre ouvrage qui sera de nouveau célébré des deux côtés de la Manche : La Vie rurale en Angleterre. Délaissant quelque peu l’écriture, LEGRAS deviendra maire de Cantenay-Épinard en 1911, fonction qu’il occupera   jusqu’à sa mort en 1942.

Quelques expressions tirées de ce dictionnaire

*Hush Money : Argent donné pour éviter une poursuite ; prime du silence ; chantage.

*Curtain Lecture : Semonce conjugale débitée entre les rideaux du lit. On la suppose généralement subie par le mari.

*Shah : “Have you seen the Shah ?” Cette phrase date de l’époque de la visite du Shah de Perse en Angleterre (1873). Elle équivaut à “As-tu vu Lambert ?” ou “Et ta sœur ?”.

*Zounds : Juron. Pour God’s wounds ! Sacrebleu ! Maintenant ce juron est presque inusité comme le Goddam, que beaucoup de Français s’obstinent à considérer comme le juron national de l’Angleterre.

*Buck : Gaillard, luron ; un gonze (argot des voyous).

*Chip of the old book : Enfant qui ressemble beaucoup à son père.

*Baker’s dozen : Treize. La douzaine du boulanger qui, autrefois, donnait toujours le treizième pain. “To give a man a baker’s dozen” signifie aujourd’hui donner à quelqu’un plus que son dû.

*Funny-Bone : L’os, ou plutôt le muscle à l’extrémité du coude. Un coup à cet endroit cause un fourmillement pénible au bout des doigts. Facétie dérivée du nom de cet os : Humérus (Humorous).

*Hobson’s Choice : Ça ou rien ; c’est à prendre ou à laisser. Hobson était un loueur de chevaux de Cambridge qui forçait ses clients à prendre toujours le cheval choisi par lui et non par eux.

*Massacre of the Innocents : Opération par laquelle la Chambre des communes rejette, à la fin de la session, un certain nombre de mesures proposées qu’elle n’a pas le temps de voter.

*Thingumibob : (Thingummy), Chose, machin, lorsque ces mots désignent quelque chose qu’on ne peut pas exprimer.

*Quandary : Embarras, impasse. Vient du français : “Qu’en dirais-je ?”

*The Devil’s Tattoo : Tambourinage avec les doigts sur une table, etc., par suite d’impatience.

*Lickspittle : Littéralement “lèche-crachat”. Nous disons dans ce sens : lèche-c.., peigne-c..



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