Arboriculture, horticulture, Agriculture

Dictionnaire de pomologie

contenant l'histoire, la description, la figure des fruits anciens et des fruits modernes le plus généralement connus et cultivés

Auteur(s) : LEROY André

 Paris, dans les principales librairies agricoles et horticoles ; Angers, chez l'auteur
 édition originale
  1867-1879
 4 vol regroupant six tomes (environ 3000 pages)
 In-quarto
 demi-veau rouge, dos à quatre nerfs
 Portrait de l'auteur en frontispice, figures en noir et blanc dans le texte


Plus d'informations sur cet ouvrage :

André LEROY est né dans une famille de jardiniers et de pépiniéristes angevins, qui exercent le métier depuis 1698. Très jeune, il est envoyé par sa mère à Paris au Jardin des Plantes pour y suivre l’enseignement d’André THOUIN, le “professeur de culture”. Au cours de ses années d’étude au Muséum, le jeune homme se lie avec de nombreux horticulteurs français et étrangers qui, par la suite, deviendront ses correspondants et ses partenaires commerciaux. En 1822, il revient dans sa région natale pour prendre les rênes de l’exploitation familiale qui, sous sa direction, va se développer considérablement. De 15 hectares et 30 employés en 1830, l’entreprise passera à 75 salariés et 150 hectares en 1847, puis à 300 salariés employés sur près de 170 hectares en 1865, devenant ainsi une des plus importantes pépinières d’Europe. Le succès devient international et une annexe est ouverte à New York, implantation qui lui permet d’importer et acclimater des essences américaines en France. Bien qu’elle produise également des conifères et des arbres forestiers, la Maison André Leroy fait sa spécialité des arbres fruitiers qui, à eux seuls, occupent 110 hectares en 1865. André LEROY réunit une imposante collection qui, à terme, proposera près de 3 000 variétés de poiriers, pommiers, cerisiers, pruniers, pêchers et vignes.

Notre pépiniériste, par ailleurs paysagiste et dessinateur de parcs et jardins renommé, est comblé d’honneurs aussi bien dans sa ville natale qu’au niveau national et international. Fait chevalier de la Légion d’honneur en 1855, il appartient à des sociétés d’horticulture et des académies savantes en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. En 1867, il présente 1 078 variétés de fruits dans la serre réservée à l’horticulture au sein de l’Exposition universelle. Reconnu à la fois pour ses compétences et ses connaissances, aussi bien en horticulture, en botanique que dans le domaine des affaires, il propose chaque année ses plantes dans un Catalogue général descriptif et raisonné publié en cinq langues. Simultanément, il entreprend de coucher sur papier le fruit d’une expertise acquise par un travail acharné de plusieurs décennies…

C’est ainsi qu’il met la main à un ouvrage de synthèse consacré à la pomologie, terme forgé à partir du nom de la nymphe POMONE. Cet ouvrage, spécialisé en fruiticulture, s’attache à la description et la classification des arbres fruitiers. Le but de son auteur est de proposer à un large public une “pomologie très étendue et peu coûteuse”. Son dictionnaire sur le sujet, intitulé Dictionnaire de pomologie, sort en 4 volumes regroupant 6 tomes dont la publication s’échelonne entre 1867 et 1879. LEROY regrette que sa discipline ait été longtemps dédaignée par la plupart des botanistes, y compris les plus illustres. En effet, à son époque, le plus complet des ouvrages de référence sur le sujet – Pomologie française, ou recueil des plus beaux fruits cultivés en France de Pierre-Antoine POITEAU – se contente de ne recenser que 237 poiriers, 89 pommiers, 63 pêchers et 34 vignes, alors que dans le nouvel ouvrage LEROY en présente respectivement environ 900, 500, 200 et 500. Il est vrai que de nombreuses variétés ont été créées et développées au cours des décennies précédentes grâce au semis de hasard ou aux greffes. L’auteur fait le constat que “le monde horticole sent chez nous le besoin d’un manuel spécial pouvant aider le pépiniériste, le jardinier, l’amateur, à déterminer l’identité, la synonymie des variétés ; et qui surtout précise consciencieusement les qualités ou les défauts d’un arbre, d’un fruit, ainsi que les époques de maturité”.

LEROY divise son livre en quatre parties : les poires, les pommes, les fruits à noyau (abricots, cerises et pêches) et les fruits divers. La partie consacrée aux raisins, évoquée dans l’avant-propos du premier tome, ne verra jamais le jour. L’objectif du pépiniériste se limite à décrire et classifier, non à rentrer dans les détails techniques relevant de l’arboriculture et de l’horticulture, même si ponctuellement il donne des conseils de culture ou de très brèves indications sur la fertilité. Chaque notice comprend six parties : en premier le nom généralement adopté, ce qui n’est pas toujours aisé car les variantes régionales et locales sont souvent nombreuses ; les synonymes éventuels relevés dans des ouvrages antérieurs ; la description de l’arbre ; une simple représentation de la silhouette du fruit en noir et blanc assortie d’une description détaillée ; un historique, ou plutôt un “état civil” des variétés cultivées en France depuis la Révolution ; et enfin des observations personnelles, en particulier sur “les mérites, les défauts, les usages exceptionnels du fruit, et aussi les appréciations inexactes qui nous ont semblé avoir été portées sur lui ; enfin, les conseils dont il faut tenir compte, les moyens qu’il faut employer pour lui permettre d’acquérir toute sa qualité, ou pour prolonger la durée de sa conservation”.

Véritable érudit intarissable sur le sujet, LEROY est particulièrement disert sur l’histoire des arbres fruitiers et des différentes variétés qu’il présente. Pour plusieurs d’entre elles, importées de Grande-Bretagne ou d’outre-Atlantique et introduites par ses soins en Europe continentale, il détient la quasi-exclusivité dans ses pépinières. Par ailleurs, il n’oublie jamais, en homme d’affaires avisé, de préciser celles qui figurent sur son catalogue. Le lecteur contemporain, qui souvent ne connaît au mieux que quelques dizaines de variétés de fruits, peut ainsi découvrir des fruits anciens ou disparus aux noms souvent évocateurs, comme la Belle du Havre, la Reinette-Amande, la Cuisse-Madame, la Sanguinole, la Virgouleuse, la Soldat-Laboureur, la Mouille-Bouche ou encore la Guigne Aigle noir, la Madeleine blanche et la pêche Pucelle de Malines.

LEROY ne verra pas l’achèvement d’un ouvrage dans lequel il s’est beaucoup investi. En 1875 il meurt à Angers, ville dont il aura été conseiller municipal pendant 17 ans. Son gendre vendra une partie du terrain des pépinières, qui servira à bâtir l’université catholique d’Angers. Reprise par des pépiniéristes extérieurs à la famille fondatrice, l’enseigne André Leroy se maintiendra jusqu’en 1930, avant d’être rachetée par les Pépinières Levavasseur.

Notre exemplaire est orné d’un ex-libris du collectionneur bibliophile Pierre DE WITTE et d’une étiquette de l’Académie des beaux-arts d’Arlon, apposée à l’occasion d’une distribution de prix de l’année scolaire 1894-1895.

Quelques exemples

*Poire Bergamote Bufo : Variété à peine connue, quoique fort ancienne, nous l’avons toujours vue dans l’Anjou. En 1628 elle était déjà cultivée à Orléans, dit le Lectier, qui pour lors lui donnait, à la page 11 de son rarissime Catalogue, le seul nom de « Crapaud », justifié par la bigarrure et la rudesse de la peau de cette poire. Évidemment, ce fut de l’Orléanais, jadis si renommé pour ses belles pépinières, qu’Angers dut la recevoir, car notre ville tirait autrefois ses arbres fruitiers uniquement de cette source. Dès 1690, l’Allemagne la possédait ; et, tout en lui conservant la dénomination bizarre de Crapaud, l’appelait aussi Oignon rosat, en raison de sa forme et du parfum de son eau (Voir le Gartenlust d’Henri Heissen). Pour nous, Angevin, qui d’abord l’avions nommée Bergamote Crapaud, nous trouvâmes en 1846 que ce dernier mot, qui rappelait un animal hideux, figurait si mal dans la nomenclature de nos poiriers, qu’empruntant au latin le terme Bufo, nous le lui appliquâmes. Ce n’était pas, du reste, la débaptiser, puisque Bufo signifie Crapaud.

*Poire Chat-Brûlé :  Les Hollandais la cultivent depuis plusieurs siècles sous le nom de Kamper-Venus, ou poire de Vénus, et nous voyons un de leurs écrivains dire, en 1752, de ce fruit : « Les Romains le possédaient et l’appelaient pirum Venereum… C’est la meilleure poire à compote ; aussi rougit-elle d’elle-même « quand on l’étuve » (De Lacour, les Agréments de la campagne, t. II, p. 39). Là, il devient assez difficile de se prononcer. Dans notre chapitre Poirier on a pu lire, il est vrai (page 39), que Pline, en décrivant les variétés de poiriers répandues à Rome, mentionnait une poire de Vénus « bien colorée », observait-il ; mais quoique
ce détail et ce nom s’appliquent parfaitement à la Kamper-Venus des Hollandais, peut-être serait-il téméraire d’en inférer qu’elle est positivement la pirum Venereum des Romains ? Toutefois on doit avouer qu’ici il existe au moins une large place pour la supposition. — En France, Olivier de Serres citait, dès 1600, une poire Chat. Est-ce la nôtre ?… L’absence de toute description ne permet pas de le savoir. Mais, vingt-huit ans plus tard, on la trouve formellement désignée sous les noms de Pucelle ou Chat-Bruslé, par le Lectier (d’Orléans), à la page 15 de son Catalogue. II y a donc environ trois siècles déjà qu’on la propage chez nous. Elle a été décrite
par tous nos anciens pomologues, et souvent confondue avec une de ses congénères dont le nom et les synonymes ne laissent pas que d’aider beaucoup à cette confusion : Chat-Grillé, Chat-Rôti, qui se rapportent à la poire Matou.

*Pomme Oignon de Borsdorf :  Ce très ancien fruit est de forme si singulière qu’il a presque toujours reçu un nom caractéristique dans les pays où sa culture a pénétré. En France, avant 1653, on l’appelait Reinette plate ; les Hollandais le nommèrent (1760) Kaasjes, Pomme Fromage ; et les Allemands (1778), Zwiebel, Pomme Oignon, dénomination qui nous semble la mieux appliquée, aussi l’adoptons-nous sans hésiter. Cette variété n’a dû faire qu’apparaître dans nos jardins, vers le milieu du XVIIe siècle, car Bonnefond (1653) est le seul auteur qui, pour lors, l’ait mentionnée, et depuis lui je ne l’ai retrouvée sous aucun de ses différents noms chez nos autres pomologues. Il a fallu le grand concours horticole international de 1867 pour me permettre de l’étudier, puis de la posséder. Le docteur Charles KOCH, de Berlin, l’ayant exposée à Paris, m’en offrit d’abord plusieurs fruits et plus tard m’en procura des greffons. Le nom que porte actuellement ce pommier, Oignon de Borsdorf, donne à croire qu’il provient de cette localité, située dans la Saxe.

 



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