Dictionnaire de physique
Auteur(s) : PAULIAN Aimé-Henri
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Issu d’une famille protestante nîmoise convertie au catholicisme sous LOUIS XIV, Aimé-Henri PAULIAN fait ses études chez les Jésuites avant d’intégrer la Compagnie de Jésus. Professeur de sciences à Aix puis au collège d’Avignon, il publie en 1758 un Dictionnaire de physique, ouvrage de synthèse portatif en un volume, dont le sous-titre précise qu’il est “à l’usage des personnes n’ayant aucune teinture de géométrie”. Concis et pédagogique, consacré à un sujet difficile, le livre suscite l’intérêt d’un large public, parvenant à éclipser d’autres ouvrages plus complets mais moins faciles d’accès pour un lectorat peu familiarisé avec le langage et les théories scientifiques. Dès 1760, le livre connaîtra une nouvelle version revue et corrigée puis, poursuivant sa brillante carrière, en 1781 il en sera à sa huitième édition.
L’excellent accueil fait à son ouvrage de vulgarisation encourage PAULIAN à travailler sur une version beaucoup plus étoffée qui, prenant la forme d’une petite encyclopédie, dresserait un panorama de la discipline en y intégrant les avancées récentes et les perspectives de recherche et d’expérimentation. C’est ainsi que son Dictionnaire de physique en trois volumes in-quarto dédié au Dauphin, le duc de Berry, est publié pour la première fois à Avignon en 1761. Ce livre fera l’objet d’une seconde édition revue et corrigée en 1773, qui est celle présentée ici.
L’auteur, qui se pose avant tout en scientifique, n’en demeure pas moins un ecclésiastique. Ceci explique pourquoi il tient, en introduction, à préciser que “l’être suprême, qui seul a pu tirer cet univers du néant, l’a soumis à des règles que l’on doit appeler règles générales de la nature”, lesquelles ne peuvent “avoir que Dieu pour cause physique et immédiate”. En préambule, PAULIAN énumère divers principes de base régissant le mouvement des corps, la masse et la vitesse, la résistance des matériaux, les planètes, la diffusion de la lumière, etc. Il a également voulu que son dictionnaire intègre l’histoire de la discipline, grâce aux fiches biographiques de ceux qui ont contribué de manière significative aux progrès, non seulement de la physique mais aussi des mathématiques et de la médecine, deux domaines qui ont une “liaison essentielle” avec la première.
La grande question qui obsède l’auteur est de pouvoir concilier en toute cohérence les principes et théories exposés par Isaac NEWTON, lequel a littéralement révolutionné la physique plusieurs décennies auparavant, avec une conception chrétienne du fonctionnement de l’univers. En 1763, PAULIAN avait publié un Traité de paix entre Descartes et Newton, dans lequel il adoptait une voie “médiane” qui, centrée sur des données purement physiques, écartait pour autant les interprétations métaphysiques “audacieuses” que les philosophes avaient pu déduire des travaux de ces deux savants.
Cette vision de la physique, qui n’est pas partagée par tout le monde, lui vaut l’hostilité du parti des Lumières, des Encyclopédistes et en particulier de VOLTAIRE, qui avait lui-même publié en 1738 Éléments de la philosophie de Newton mis à la portée de tout le monde. Si notre polémiste ne dénie pas un certain mérite à ce professeur qui propose de mettre la science à portée du plus grand nombre, il disqualifie d’office son œuvre, du simple fait qu’il soit un religieux. Il écrit ainsi au sujet de PAULIAN : “Jamais un jésuite ne fera un bon ouvrage, ni de physique, ni de philosophie. L’esprit monastique s’opposera toujours à toute vue grande et profonde dans les sciences. Les jésuites de toute l’Europe ne se sont prêtés à leurs progrès que parce qu’il ne leur a pas été possible de les empêcher. Leur premier vœu serait de bannir la lumière et la science de la terre ; le second, d’en usurper les honneurs et la gloire parmi les nations qui en prennent le goût malgré eux. Mais qu’on me montre un seul jésuite qui ait été véritablement utile aux lettres par ses découvertes et par son génie : vous n’en trouverez aucun. Ceux qui ont du génie parmi eux sont obligés de le dénaturer ou de le dérober à l’inquisition de leurs supérieurs ; ou bien ils se tournent vers l’étude de la science absurde appelée en grec théologie, ou bien ils sont persécutés et malheureux dans leur cloître.”
Dans sa forme et son organisation, ce dictionnaire se présente de manière plutôt classique, l’auteur prenant toujours soin, sur les questions d’arithmétique, de fournir des exemples et des formules. L’astronomie, clairement un des sujets privilégiés de l’auteur, donne lieu à de longs développements sur les comètes et l’atmosphère solaire. Comme on pouvait s’y attendre, la loi de l’attraction théorisée par NEWTON fait l’objet d’une analyse poussée. Pointilleux et soucieux de bien orienter son lecteur, PAULIAN multiplie les tables des matières, les sommaires et les récapitulatifs sur les questions jugées les plus importantes. Nous pouvons constater que notre édition de 1773 a subi une modification assez importante par rapport à celle de 1761, dans la mesure où l’exercice de physique qui concluait le troisième tome a disparu. Par ailleurs, l’auteur a préféré étoffer considérablement certaines parties consacrées, pour reprendre son expression, aux questions d’ordre “physico-mathématique” et aux questions purement mathématiques qu’il est indispensable de maîtriser pour traiter certains sujets. Ainsi qu’il le précise, “la liaison essentielle qui se trouve entre les mathématiques & la nouvelle physique nous a engagé à donner ces traités avec beaucoup d’étendue”.
En 1770, soucieux de réussir à concilier philosophie et théologie pour réfuter les philosophes “modernes” qui remettent en cause la religion et la métaphysique, PAULIAN publiera un Dictionnaire philosophico-théologique portatif. Par la suite, il se fera moins polémiste et reviendra à ses premières amours. Les sciences connaissant alors de grandes avancées, il jugera utile de doter son dictionnaire d’un supplément, qui verra le jour en 1787 sous le titre Dictionnaire des nouvelles découvertes faites en physique, dans lequel il évoquera, entre autres, les aérostats et les travaux de LAVOISIER. Enfin, en 1790, il signera La Physique mise à la portée de tout le monde, avant de décéder en 1801dans un oubli relatif.
L’ouvrage comporte deux ex-libris aux noms du docteur R. RICKAERT et de Pierre DE WITTE.