Dictionnaire de la langue française
glossaire raisonné de la langue écrite et parlée présentant l'explication des étymologies, de l'orthographe et de la prononciation, les acceptions propres, figurées et familières, la conjugaison de tous les verbes irréguliers ou défectueux, les principales synonymies, les gallicismes,les locutions populaires et proverbiales ; enfin la solution de toutes les difficultés grammaticales appuyé de remarques, de jugements littéraires et d'exemples empruntés aux écrivains les plus illustres de deux derniers siècles et aux littérateurs les plus célèbres et précédé d'un tableau synoptique de l'Académie française depuis l'époque de sa création
Auteur(s) : POITEVIN Prosper
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L‘histoire a retenu, à juste titre, l’importance des publications de ces « monuments » de la lexicographie que sont le Dictionnaire de la langue française d’Émile LITTRÉ ou le Grand Dictionnaire universel de Pierre LAROUSSE. Nous pouvons cependant regretter que ces ouvrages de référence aient quelque peu éclipsé de la mémoire collective certaines réalisations antérieures, comme le Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française de Louis-Nicolas BESCHERELLE, ou encore le livre d’un autre grammairien, bien oublié aujourd’hui, Prosper POITEVIN. C’est à un de ses dictionnaires que nous allons nous intéresser aujourd’hui… Professeur de lettres au collège Rollin, POITEVIN se fait d’abord connaître par des poésies et des pièces de théâtre, mais son sujet de prédilection sera définitivement l’étude de la langue française. À côté de ses œuvres littéraires, notre lexicographe publie une Étude méthodique et raisonnée des homonymes et des paronymes français, Cours théorique et pratique de langue française ; ouvrage qui rencontrera un certain succès et sera adopté par des établissements d’enseignement secondaire. Ce livre sera bientôt suivi par une Étude raisonnée de la syntaxe française. Enfin, il se lance dans la rédaction d’un Dictionnaire de la langue française, dont nous présentons ici la deuxième édition de 1851, la date de la première demeurant inconnue.
Contrairement à certains de ses contemporains, POITEVIN a une vision restrictive de ce que doit contenir un glossaire de langue française, déclarant sans détour : “Est-ce un dictionnaire complet que nous avons la prétention d’offrir au public ? Oui, si l’on entend par là un catalogue fidèle de tous les mots indispensables à l’expression de la pensée, de tous les termes que l’usage a admis et consacrés, de toutes les locutions en harmonie avec l’esprit et le génie de notre langue ; non, si, au contraire, on a en vue une nomenclature minutieuse et servile de tous les termes, quels qu’ils soient, sans distinction d’origine et de localité.“ Pour notre distingué grammairien, “à part quelques conquêtes heureuses, c’est encore la langue du dix-septième et du dix-huitième siècle. Tout ce qui s’éloigne des formes nettes, vives et hardies que le génie, l’esprit et le goût ont successivement consacrées dans ces glorieuses époques, n’est qu’accidentel et passager : en tenir un compte sérieux, ce serait, de la part d’un lexicographe, exagérer et très mal comprendre son devoir”.
Dans le domaine linguistique, POITEVIN fait preuve d’un conservatisme bien marqué qui le conduit à tourner ostensiblement le dos à tout un pan du langage populaire et contemporain : “Dans un Glossaire de la langue écrite et parlée, tout ce qui s’imprime et se dit a-t-il le droit d’être admis ? La langue de Corneille, de Racine, de Molière, de La Fontaine et de Voltaire doit–elle s’y trouver confondue avec celle des vaudevillistes et des romanciers ; et celle de Pascal, de Bossuet, de Fénelon, de Sévigné et de Montesquieu, avec le jargon et la phraséologie modernes ? Incontestablement, non.“ C’est ainsi que dans son ouvrage les mots nouveaux ne sont admis que s’ils sont adoptés de longue date par l’usage et validés par les académiciens, dont il insère une liste exhaustive en préambule de son dictionnaire ;ou par des écrivains “dont l’autorité ne peut être contestée”. L’auteur voit son dictionnaire comme un “catalogue raisonné, un inventaire dressé avec soin de tous les termes et de toutes les locutions qui sont comme le fond invariable de notre langue”.
Par la suite, le contenu de ses définitions sera souvent jugé avec sévérité, comme par Alain REY, qui écrira sur POITEVIN : “Son dictionnaire est peu exaltant, car il ne donne du vocabulaire français qu’une image pâlotte par rapport à son contemporain BESCHERELLE. Et l’incertitude de la méthode, semi-langagière, semi-encyclopédique, a été reprise avec plus d’efficacité et de talent par le prolifique Pierre LAROUSSE.“ Pour autant, POITEVIN s’efforce d’être le plus complet possible, même s’il reste parfois confus dans son propos et dans l’organisation des articles, en particulier quand il s’attarde sur la prononciation, l’étymologie et les synonymes.
Avant d’être relégué au second plan par le Littré, le Larousse et autres dictionnaires de référence, le livre de POITEVIN suscitera une certaine curiosité et, bien accueilli par le public, il fera même l’objet d’une réédition en 1855. Soucieux de procurer au monde enseignant un dictionnaire de référence, l’auteur retravaillera son texte en profondeur et publiera en 1856 un Nouveau Dictionnaire universel de la langue française, dans lequel il réitérera son allégeance aux “autorités” en matière de lexicographie, précisant qu’il a rédigé son ouvrage “d’après les travaux et les mémoires des membres des cinq classes de l’Institut, Académie française, Académie des Inscriptions et Belles–Lettres, Académie des Sciences, Académie des Beaux-Arts, Académie des Sciences morales et politiques”. Ce livre, considéré comme son meilleur dictionnaire, rencontrera un beau succès malgré une sévère concurrence, avant de tomber, avant la fin du siècle, dans un oubli relatif.
Auteur prolifique jusqu’à sa mort en 1888, POITEVIN se fera également connaître par les vives polémiques qu’il n’hésitera pas à engager. Ce sera par exemple le cas vis–à–vis de CHAPSAL, qu’il accusera d’avoir plagié LAVEAUX pour écrire l’essentiel de son Nouveau Dictionnaire de la langue française, ou encore à l’encontre de son “confrère” BESCHERELLE avec lequel, par lettres ouvertes interposées, il se chamaillera sur des questions de grammaire