justice militaire, droit

Dictionnaire de la justice militaire

contenant : 1° le texte des lois et ordonnances pénales militaires en vigueur, 2° le texte des articles des Codes pénal et d'instruction criminelle applicables par les tribunaux de l'armée, 3° les avis du Conseil d'État relatifs à la jurisprudence militaire, 4° l'extrait indicatif des arrêts de la cour de cassation fixant la jurisprudence dans les cas non prévus par la loi ; 5o la doctrine des auteurs dans les cas difficiles; 6° les formules de rapports, plaintes et de tous actes judiciaires;

Auteur(s) : MESGNIL André-Claude-Sébastien du

 Paris, J DUMAINE neveu et succ. de G. LAGUIONE, libraire de LL AA RR les ducs de Nemours et d'Aumale, maison Anselin, passage Dauphine
 édition originale
  1847
 1 vol (X-528 p.)
 In-octavo
 chagrin rouge, plats ornés d'un grand décor doré avec les lettres C. R. surmontées d'une couronne


Plus d'informations sur cet ouvrage :

En France comme ailleurs, le souci premier de toute armée consiste à garantir la discipline, synonyme d’unité, de cohésion et d’efficacité. Avec l’apparition d’une armée professionnelle nationale, à partir du règne de Charles VII entre 1439 et 1450, il est devenu nécessaire de prévoir des tribunaux militaires pouvant exercer des prérogatives judiciaires dans les armées en temps de paix comme pendant la conduite de la guerre. Longtemps il n’a existé dans le domaine aucun recueil des différents décrets, lois, ordonnances, arrêtés et autres jurisprudences, dont beaucoup datent de la Révolution et de l’Empire. Quand des questions se posent alors qu’elles n’ont fait l’objet d’aucun texte législatif propre à l’armée, c’est le Code pénal qui s’applique par défaut. Pour combler cette lacune, des guides et des recueils verront le jour pour faciliter le travail des instances disciplinaires. C’est le cas du Manuel des conseils de guerre de Louis-Joseph-Gabriel de CHÉNIER et du Dictionnaire de la justice militaire d’André-Claude-Sébastien MESGNIL que nous allons vous présenter ici.

Chef de bataillon au 1er léger, ce dernier revendique également une grande expérience dans le domaine de la justice militaire : “Vingt-deux années d’expérience acquise dans la pratique des questions judiciaires, soit comme défenseur, soit comme rapporteur, soit comme commissaire du roi près les tribunaux militaires en France et aux armées, nous ont permis de réunir tous les éléments d’un travail dont le but est d’aplanir les difficultés et de rendre à tous ceux qui participent à l’action de la justice de l’armée la tâche moins laborieuse, et d’arriver ainsi à ce principe d’unité en jurisprudence si désirable dans l’administration de la justice en général.” Signalons quand même que son livre, axé sur l’armée de Terre, fait souvent l’impasse sur les spécificités de la marine de guerre.

Affichant comme principe de base que “la justice, base de la discipline, est ce qui constitue le premier besoin des armées”, MESGNIL propose donc “un dictionnaire résumant toute la procédure militaire avec les développements des principes généraux qui la dominent, un livre réunissant dans ses divers articles toutes les règles spéciales de la procédure qui ont été étudiées par les légistes, toutes les questions qui ont été soulevées, un livre enfin donnant de suite la qualification d’un crime ou d’un délit et la loi applicable pour sa répression, les avis du Conseil d’État ainsi que la jurisprudence adoptée par la Cour de cassation. C’est un livre d’une utilité incontestable pour l’armée. Comme cet ouvrage est destiné à des hommes peu familiarisés avec l’étude du droit, on a dû éviter avec soin l’emploi des citations latines qui ne sont pas absolument indispensables ainsi que les termes techniques du palais, en s’attachant à se faire comprendre de tous les militaires, et, pour atteindre ce résultat, il a fallu sacrifier à la simplicité et à la clarté du style”.

Les sujets typiquement militaires sont passés à la loupe, comme la désertion – qui fait l’objet d’un long article très détaillé -, l’abandon de poste, la capitulation, les pillages, la trahison, la désobéissance ou l’incompétence. MESGNIL enrichit également son ouvrage d’éléments de droit et de vocabulaire juridique utiles pour des juges souvent peu familiarisés avec le droit général. Les affaires militaires ayant des implications dans tous les niveaux de la société et de la vie quotidienne, l’auteur essaie de passer en revue tous les sujets susceptibles d’occasionner des infractions et des délits auxquels peuvent être confrontés les juges de tribunaux militaires. C’est ainsi que nous trouvons dans le livre des articles traitant de la chasse, des enfants abandonnés, des aliénés mentaux, des bateliers, des contrefaçons, des “attentats aux mœurs”, des postes aux lettres, des poids et mesures, du commerce des grains ou encore du droit forestier, de la comptabilité, des sépultures, de l’avortement et du bétail.

À chaque fois, MESGNIL cite les textes de loi qui font autorité. Il ajoute également en fin d’ouvrage des “formulaires types” de convocations, de procès-verbaux de réquisitions, de formules de jugements, de mandats de dépôt, etc. L’ouvrage, qui répond à un besoin réel, connaîtra un certain succès mais deviendra quelque peu obsolète une décennie plus tard. En effet, la loi du 9 juin 1857 instaurera un véritable  code de justice militaire, réservé dans un premier temps à l’armée de Terre ; l’année suivante sera édité un Code de justice maritime comprenant le code de justice militaire pour l’armée de Mer.

Extraits

Maraude. L. 21 brumaire an V, tit. 6, art. 1er : « Tout sous-officier ou volontaire, ou tout autre individu attaché à l’armée et à sa suite, qui, s’étant introduit dans la maison, cour, basse-cour, jardin, parc ou enclos fermé de murs, et généralement dans toute propriété close de l’habitant, sera convaincu d’y avoir pris soit bétail, soit volaille, viande, fruits, légumes ou tout autre comestible ou fourrage, sera condamné à faire deux fois le tour du quartier que son corps occupera, soit au camp, soit au cantonnement, au milieu d’un piquet bordant la haie, le reste de la troupe étant dehors et sous les armes : il portera ostensiblement la chose dérobée, ayant son habit retourné, et sur la poitrine un écriteau apparent, portant le mot maraudeur, en gros caractères. – Si la chose dérobée ne peut être portée par le maraudeur, après avoir fait les deux tours avec l’habit retourné et l’écriteau seulement, il sera exposé pendant trois heures en avant du centre ou sur la place du quartier, ayant près de lui la chose dérobée, l’habit et l’écriteau comme il est dit. Il sera maintenu en cette exposition par une garde suffisante. Art. 2 : Si le maraudeur a escaladé les murs ou forcé les portes, il fera trois tours et subira une heure de plus d’exposition. Art. 3 :  Sera condamné aux peines ci-dessus, tout militaire ou autre individu attaché à l’armée et à sa suite, convaincu d’avoir pris du bétail gardé à la corde ou en troupeau dans le champ de l’habitant.

Femmes à la suite de l’armée en campagne. Sont justiciables des conseils de guerre. La loi du 30 avril 1793 en régla le nombre et prescrivit qu’il n’y eût dans les corps que les blanchisseuses et celles qui sont employées à la vente des vivres et boissons. La loi du 7 thermidor an VIII confirma les dispositions de celle du 30 avril 1793. L’arrêté du 19 pluviôse an IX comprit aussi les femmes parmi les militaires à qui l’étape est fournie en argent. Enfin, une ordonnance du 14 avril 1832 détermina le nombre de femmes qui peuvent être attachées à la suite de chaque compagnie, escadron ou batterie en temps de paix et en temps de guerre, et indiqua les conditions voulues pour être blanchisseuse ou vivandière. N’ayant jamais contracté d’engagement, elles ne peuvent être accusées de désertion. C. P., art. 16 : Les femmes et les filles condamnées aux travaux forcés n’y seront employées que dans l’intérieur d’une maison de force. Art. 27 :  Si une femme condamnée à mort se déclare et s’il est vérifié qu’elle est enceinte, elle ne subira la peine qu’après sa délivrance. Si une femme était condamnée par un tribunal militaire à une peine qui entraîne l’exposition publique comme accessoire, aussitôt que le jugement deviendrait irrévocable, elle serait remise à l’autorité civile compétente chargée de l’exécution de cette partie du jugement.

Mariage. Décret impérial du 16 juin 1808, art. 1er : « Les officiers de tout genre, en activité de service, ne pourront à l’avenir se marier qu’après en avoir obtenu la permission par écrit du ministre de la Guerre. Ceux d’entre eux qui auront contracté mariage sans cette permission encourront la destitution et la perte de leurs droits, tant pour eux que pour leurs veuves et leurs enfants, à toute pension ou récompense militaire.

Détournements d’effets de petit équipement. – Prévu aussi par l’art. 408. Question d’application de la loi : Pour bien saisir l’intention du législateur relativement à la répression des délits de dissipation et de détournement d’effets militaires, il convient d’examiner tout à la fois la législation antérieure sur ces faits et la discussion de la loi du 15 juillet 1829. Les lois des 12 mai 1793 et 3 floréal an II punissaient de la peine des fers, non seulement ceux qui vendaient des effets, mais encore celui qui avait distrait, sous quelque prétexte que ce soit, des effets militaires généralement quelconques. On se plaignit à la tribune en 1826, qu’un soldat du 12 de ligne avait été condamné en vertu de ces lois, à la peine de cinq ans de fers pour vente d’un vieux pantalon et d’autres anciens effets d’équipement. Il était donc certain qu’à cette époque la loi atteignait toute sorte de distraction d’effets de toute nature. La loi du 15 juillet 1829, qui ne devait être que transitoire, fut spécialement rendue pour tempérer l’excessive sévérité des lois des 12 mai et 3 floréal, et, en les abrogeant, pour les remplacer dans les mêmes cas qu’elle ne punit que de simples peines correctionnelles. Lors de la discussion de cette loi, on s’est servi avec raison des mots dissipés et détournés comme synonymes, comme équivalents, de détruits, lacérés, brisés, fondus, mutilés, changés de forme, brûlés ou mis hors service volontairement et avec intention. Cette définition, admise par l’article, est parfaitement conforme à celle admise par l’art. 408, C. P. : Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des effets qui ne lui auraient « été remis qu’à titre de louage, de dépôt, de mandat, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter » ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni des peines portées en l’art. 406.



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