Femme, culture générale

Dictionnaire de la femme

Encyclopédie-manuel des connaissances utiles à la femme

Auteur(s) : CERFBERR de MEDELSHEIM Gaston, RAMIN Marcel-Victor

 Paris, maison Didot, FIRMIN-DIDOT et Cie, imprimeurs -éditeurs, 56, rue Jacob
 édition originale
  1897
 1 vol (732 p.)
 In-octavo
 dos toilé, plats de papier ornés d'un décor végétal
 487 gravurtes dans le texte


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils d’un haut-fonctionnaire, journaliste et homme de lettres, Charles Marie Gaston CERFBERR de MEDELSHEIM dit Gaston CERFBERR, est de ces écrivains que l’on a coutume de qualifier de polygraphe ou de littérateur avec une connotation péjorative, c’est-à-dire un écrivain prolixe touchant, souvent à la demande, à tout type de sujet. Employé au ministère des finances, sa bibliographie se compose de contes, d’essais historiques, d’un ouvrage sur l’architecture en France de romans, d’une synthèse sur les sports de plein air, de nouvelles, de pièces de théâtre et même de textes mis en musique, dont Rubezahl couronné par un prix en 1885. En 1895, répondant sans doute à une commande d’éditeur, il dirige la rédaction d’un Dictionnaire encyclopédique de la boulangerie et de la pâtisserie.

Fort de cette expérience, il est sollicité par la librairie FIRMIN-DIDOT pour entreprendre la réalisation d’une encyclopédie “féminine”. Pour ce faire, il lui est adjoint un inconnu répondant au nom de Marcel-Victor RAMIN dans lequel on a pu voir le pseudonyme d’une éventuelle collaboratrice. Ici présenté, le dictionnaire de la femme, défini comme une “encyclopédie-manuel des connaissances utiles à la femme” est publié au cours de l’année 1897.

Comme dans toute encyclopédie, les thèmes abordés sont très variés mais correspondent tous à la vision stéréotypée de l’époque sur la condition féminine. Dans ce livre, la femme est avant tout considérée comme une épouse, une mère et la gardienne du foyer. De manière prévisible, nous y trouvons des notions de morale, d’éducation et de savoir-vivre, de médecine et d’hygiène. S’y ajoutent le vocabulaire de la mode et de l’habillement, des sujets sur la cuisine, le mobilier, la couture et l’économie domestique. Rehaussés par une abondante illustration, les articles décrivent un grand nombre d’objets domestiques, de meubles, d’étoffes, de pierres précieuses et de bibelots divers, assorties de conseils pratiques pour leur entretien, leur nettoyage et même leur teinture. A l’attention de la ménagère attentive à la qualité des denrées alimentaires, de nombreux chapitres sont consacrés à la manière de détecter les contrefaçons et les falsifications. Les questions juridiques sont également abordées justifiant par exemple des développements sur les successions, le contrat de mariage ou le divorce auquel cinq pages sont consacrées.

En dehors de ces parties assez conventionnelles, les auteurs ont également jugé opportun d’inclure des éléments d’histoire de l’art et des styles. Considérant sans doute qu’il s’agit à la fois de donner à l’épouse des éléments de culture générale et de souligner son rôle social et mondain, le dictionnaire contient tout un vocabulaire artistique, avec une prédilection marquée pour la musique et les danses. C’est ainsi que les termes Adagio, Allegro, Gamme, style LOUIS XIII, fugue voisinent ainsi avec des articles traitant de l’allaitement, des serviettes de table, de la dentelle, de la fabrication du sirop, de l’art de la correspondance ou du fonctionnement du compteur à gaz.

Tout en préconisant une bonne hygiène de vie basée sur l’activité, les auteurs insistent lourdement sur la nature “fragile” et “délicate” de la femme, dont ils n’approuvent la pratique sportive que du bout des lèvres. Ainsi pour l’escrime, “il parait à beaucoup d’esprits sensés que la science de l’escrime ne convient pas au caractère naturellement contraire à tout effort de combat et d’attaque”, tandis que les exercices de gymnastique “tendent à déformer ses proportions graciles par l’excès de la pesanteur des ascensions et des chutes, des brusques déplacements d’équilibre…, mais encore ils provoquent des vertiges qui troublent le sommeil et détruisent l’appétit, et ces effrayants battements de cœur qui plus tard la rendront inapte à toute activité physique”.

De manière générale la femme est décrite comme un être de constitution faible, pour ne pas dire souffreteuse, et généralement versatile, constat qui vaut des considérations physiologiques et psychologiques qui ont peu de chances d’être retenues dans une anthologie féministe : “C’est parce que les femmes sentent trop vivement qu’elles ne savent pas beaucoup raisonner, ni longtemps réfléchir. La même cause, c’est à dire la prédominance de la sensibilité amène chez elle cette sorte de versatilité qui a tant de fois placé le repentir à leur chevet, et plus souvent encore les a rendues malheureuses”“La tête de la femme a moins de volume : le diamètre transversal a moins d’étendue ; le front moins de largeur, moins d’élévation ; et voilà pourquoi, s’il faut en croire les phrénologistes, jamais femme n’a créé de religion, n’a fait de poème épique, ni de grandes découvertes”.

Les auteurs consacrent un chapitre au féminisme, à propos duquel ils se montrent tièdes et embarrassés. Se perdant dans un long argumentaire, souvent bancal et tiré par les cheveux, ils tentent de justifier la nécessité sociale et morale de maintenir l’ordre établi : “Quant à l’exercice des droits civiques par la femme, bien qu’ils soit réclamé avec insistance par quelques exagérées, il ne semble pas utile… Si elle empiétait ainsi sur le domaine de l’homme, quel serait, on se demande, le rôle de celui-ci ? L’homme n’aurait plus aucune responsabilité, ni autorité. Tout au plus il lui serait permis de marcher à la guerre et de se battre pour le maintien d’un pouvoir qui ne lui appartiendrait pas, car sa compagne, déjà en possession d’une influence que lui assurent ses grâces naturelles et sa beauté, ajoutant à ces avantages celui d’une institution qui lui donnerait des droits égaux à ceux des hommes, le dominerait bientôt d’une manière absolue. Ce serait une autorité sans mesure, et à coup sûr, l’homme aurait à son tour à réclamer son émancipation, ou plutôt il s’en saisirait avec violence, puisque ce qui est contre nature ne saurait longtemps subsister”.

Enfin, sans doute pour contrebalancer leur vision très particulière de la condition féminine, les auteurs abordent également dans ce dictionnaire “la femme dans tous les temps, dans tous les pays, et la plupart des professions”. Plusieurs professions pratiquées par les femmes, comme institutrice, commerçante, ouvrière et même garde-barrière ou plumassière, sont sommairement décrites, le plus souvent assorties d’une indication de salaire. Plus curieux et inattendus sont les articles décrivant les femmes de différents pays au moyen des curieux portraits “anthropologiques” et psychologiques. Sont ainsi dépeintes les Allemandes, les Japonaises, les Turques, les Américaines, les Italienne, les Russes, les Anglaises, les Suédoises, ou encore les Gitanes, les Portugaises, les Alsaciennes et les Parisiennes. Ces descriptions font souvent appel à des généralités convenues : “La blonde allemande, d’un type généralement agréable, mais où il ne faut pas chercher la finesse, est plutôt laide dans le Nord (Prusse) et jolie dans le Sud. L’usage de la bière, une abondante nourriture grossière, des repas répétés du matin au soir, contribuent à l’alourdir de corps et d’esprit. Aussi a-t-elle peu d’initiative et d’invention”, “Deux caractéristiques se retrouvent chez les femmes en Espagne : la religion et l’ignorance”,La Japonaise est peu raffinée dans l’art de la coquetterie. Elle aime les couleurs criardes, le fard surtout, et emploie ce dernier à outrance. Lorsqu’elle adopte les modes européennes, le défaut de goût et surtout les défauts d’esthétique apparaissent bien davantage“. Tous les “types” féminins ne sont pas traités de la même manière, les éloges et les appréciations flatteuses étant nombreuses sur les Américaines, les Parisiennes et les Italiennes.

Pour conclure, soulignons que dans ce dictionnaire la politique, la philosophie et la sexualité brillent totalement par leur absence.

Par la suite CERFBERR poursuivra sa modeste carrière d’écrivain et se distinguera pendant la guerre par des publications patriotiques.



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