Révolution française, Constitution française

Dictionnaire de la constitution et du gouvernement français

contenant la dénomination de tous les nouveaux officiers publics, les formes de leur élection ou nomination, leurs fonctions, leur traitement, leur costume, etc.; les nouvelles institutions civiles, politiques, militaires, ecclésiastiques, judiciaires et financières ; les Lois de chacune des branches de l'administration de l'État ; les droits et les devoirs des citoyens ; la définition des nouveaux termes les plus usités, quelques-uns de ceux qui ne doivent plus être employés, etc

Auteur(s) : GAUTIER P.N.

 à Paris, chez GUILLAUME junior, imprimeur, rue de Savoie n°17, près le quai des Augustins
 édition originale
  1791 (environ)
 1 vol (X-628 p.)
 In-octavo
 percaline à la Bradel, dos lisse, pièce de titre noir, fers et filets dorés


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Le 17 juin 1789, les représentants du tiers état aux États généraux, rejoints par quelques membres de la noblesse et du clergé, se constituent en assemblée nationale. Le 27 juin, LOUIS XVI capitule et invite les deux autres ordres, dans leur ensemble, à rejoindre leurs collègues. Cette assemblée se proclame, le 9 juillet, « Assemblée nationale constituante », en s’assignant pour objectif de fonder un régime politique de type libéral basé sur la séparation des pouvoirs et encadré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’absolutisme prend fin, la souveraineté suprême passant à la nation, dont le roi devient à la fois le garant et le serviteur.

La Constitution, votée le 3 septembre 1791, entre en vigueur le 14. Auparavant, un corps législatif, sous la forme d’une assemblée unique de 745 membres, a été élu au suffrage censitaire masculin, les sortants ayant été déclarés inéligibles à ces premières élections. En quelques années, la France connaît un bouleversement complet de ses institutions ainsi que de son système administratif, judiciaire, économique, militaire et même religieux. Il convient donc désormais d’en informer les citoyens, sur lesquels est fondée la légitimité du nouveau régime. Des publications, officielles ou d’initiative privée, vont se multiplier pour expliquer les grandes lignes de la nouvelle organisation politique et administrative du pays. Parmi celles-ci, nous comptons l’ouvrage ici présenté, le Dictionnaire de la Constitution et du gouvernement français, qui se veut une synthèse destinée au grand public ; le livre est dû à un certain P.-N. GAUTIER, dont nous ne connaissons aucun élément biographique.

GAUTIER déclare en préambule que son livre est consacré “à ceux qui, comme moi, ont besoin de s’instruire des droits que leur donne, des devoirs que leur impose leur nouvelle qualité de citoyens, et qui veulent connaître les lois sous lesquelles ils vivent”. Mais, loin de s’en tenir au rôle de rapporteur, il n’hésite pas, le cas échéant, à émettre des critiques ou des réserves sur certaines décisions, ce qui le pousse à s’en justifier préventivement : “J’ai fait sur ces lois les réflexions que dicte la simple raison, mais en faisant remarquer ce qu’elles ont de défectueux je n’ai point provoqué la désobéissance envers elles. Critiquer n’est point outrager. J’ai manifesté librement mon opinion contre celles de nos institutions civiles et politiques qui m’ont paru vicieuses, et en cela je crois avoir rempli un de mes devoirs.” De fait, les opinions personnelles de l’auteur, ouvertement partisan du changement, sont omniprésentes dans un dictionnaire où il livre quasi systématiquement sa propre analyse.

C’est ainsi qu’il passe en revue toutes les nouveautés législatives et réglementaires dans les domaines les plus variés : bois et forêts, hérédité, impôts, départements, tableau civique, assignats, tribunaux, pensions, etc. De nombreux articles sont liés à la constitution civile du clergé, qui n’a pas manqué de créer des remous, ainsi qu’à la réorganisation en profondeur de la justice et de l’armée. Mais, comme il le regrette lui-même, “la Constitution est achevée, mais l’organisation de toutes les branches du gouvernement ne l’est pas” ; et il constate que le travail du législateur est encore loin d’être terminé. L’auteur se déclare particulièrement attaché à la mise en place d’une instruction publique, dont le futur gouvernement devrait faire “une des principales branches de l’administration”.

Mais, alors même qu’est publié ce dictionnaire, la Constitution de 1791 se trouve déjà contestée. Après sa fuite et son arrestation à Varennes en juin 1791, LOUIS XVI, qui s’est aliéné la confiance d’une très large partie de l’opinion, a été suspendu de ses fonctions. Par la suite, comme le texte lui en donne le droit, il opposera un veto suspensif à de nombreux projets de loi, ce qui aboutira à un blocage institutionnel. La montée des tensions intérieures et l’entrée en guerre de la France contre l’Autriche et la Prusse vont exacerber le divorce entre l’Assemblée et le roi, aboutissant, après la journée du 10 août 1792, à la suspension et à l’arrestation du souverain. Dès lors, le livre de GAUTIER, comme les autres textes consacrés à la Constitution de 1791, deviendra ipso facto totalement obsolète. Le 21 septembre, la nouvelle Assemblée, dénommée Convention nationale, abolit la monarchie et proclame la république. La nouvelle constitution, proclamée le 24 juin 1793 et prévue pour n’entrer en vigueur qu’après la victoire et la paix, ne sera jamais appliquée. En 1795, le Directoire mettra en place une autre constitution qui durera jusqu’au coup d’État de BONAPARTE.

Quelques extraits

*Conquête. Acquisition par la force des armes d’une propriété étrangère. Tout droit établi par la force est une injustice ; d’après cela, toute conquête, à main armée, est une usurpation. Le brigand qui dépouille un voyageur et le peuple qui, sans y être provoqué par une attaque, s’empare d’une ville étrangère, font tous deux la même conquête. L’ambition des conquêtes a égaré tous les peuples ; elle est la source des guerres qui ont ravagé le globe ; toutes les pages de l’histoire sont teintes du sang que cette fatale passion a fait verser ; c’est elle qui produisit l’esclavage. Comment des hommes ont-ils pu chercher la gloire dans la conquête des hommes, dans l’asservissement des deux tiers du genre humain ! Des siècles d’ignorance et de barbarie ont honoré, déifié même des brigands couronnés, qui, le fer à la main, couraient d’un bout de la terre à l’autre pour imposer des chaînes à ses faibles habitants ; mais la postérité, équitable dans ses jugements, a condamné leur mémoire à une immortelle horreur, et vengé ainsi l’humanité de la fureur des conquêtes. Cette erreur, si fatale et si longue, est enfin venue expirer aux pieds de la philosophie ; le peuple le plus redoutable, mais le plus éclairé, a été le premier à l’abjurer ; la nation française a déclaré, le 22 mai 1790, qu’elle renonçait à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et qu’elle n’emploierait jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

*Éligibilité. Faculté d’être élu que donne la réunion des conditions exigées pour être éligible. Vertus, talents, mérite, devraient être les seules conditions de l’éligibilité ; ce sont les qualités morales qui distinguent un homme d’un autre homme, et non ses richesses, et qui le rendent propre à participer au gouvernement de la République ; toute autre condition d’éligibilité est un privilège accordé à ceux qui la peuvent remplir, et une atteinte aux droits des autres citoyens. Un privilège est une injustice. Cependant l’Assemblée nationale, qui a refusé le titre de citoyen actif à ceux qui ne payent pas une contribution de trois journées de travail, n’a de même favorisé du droit d’être élu que les citoyens qui acquittent une certaine contribution ; la somme de cette contribution diffère encore suivant l’importance de la place, à laquelle le mérite seul devrait appeler. C’est ainsi qu’un citoyen ne peut être élu membre du corps législatif s’il ne paye une contribution d’un marc d’argent, (Voyez Marc d’argent) et s’il n’a en outre une propriété foncière. Jean-Jacques Rousseau, auquel l’Assemblée nationale a élevé une statue, n’aurait pu être député à la prochaine législature.

*Insurrection. Si l’homme naît libre, c’est pour l’être toujours ; la nature ne lui donne pas seulement le droit de s’opposer à tout ce qui pourrait enchaîner sa liberté, elle lui en fait encore un devoir. On se rend coupable envers elle, criminel envers soi-même, en se laissant dépouiller des dons qu’elle nous a faits. Lors donc que les magistrats, à qui le peuple a remis une portion de son autorité pour veiller à la conservation de ses droits, portent l’oubli de leur institution jusqu’à usurper cette autorité, en convertissant, par une étrange métamorphose, leurs devoirs en droits ; c’est-à-dire en faisant de l’obligation où ils sont d’exercer cette autorité une prérogative qui leur appartient exclusivement, ou lorsqu’ils se servent de leur pouvoir pour opprimer le peuple, l’insurrection contre ces tyrans est le plus saint des devoirs.



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