Commune (1871), Histoire de France

Dictionnaire de la Commune et des communeux

Auteur(s) : Chevalier d'ALIX, BUTLER Jean-Théodore de

 La Rochelle, dépôt chez A. THOREUX, libraire-éditeur
 édition originale
  1871
 1 vol (IV-79 p.)
 In-douze
 papier


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Après un siège très dur, le peuple parisien accueille avec mécontentement les pourparlers de l’armistice et l’arrivée d’une nouvelle assemblée, majoritairement monarchiste, élue pour son soutien à la signature de la paix. La colère populaire est attisée par une série de mesures très maladroites, en particulier la fin du moratoire sur les effets de commerce et le licenciement des gardes nationaux, qui se retrouvent privés de leur revenu. Le 18 mars 1871, une émeute spontanée éclate à Montmartre, qui prend rapidement de l’ampleur dans Paris, contraignant le gouvernement d’Adolphe THIERS à abandonner la ville aux insurgés pour s’installer à Versailles. Maître de la capitale, le mouvement insurrectionnel s’organise et se structure. Des élections municipales se tiennent le 26 mars suivant, afin de désigner les 92 membres du Conseil de la Commune.

Portant un nom directement inspiré de la période révolutionnaire, ce nouveau gouvernement se compose de plusieurs commissions chapeautées par un exécutif. Malgré des tentatives dans plusieurs villes de province, comme Le Creusot, Narbonne, Toulouse, Marseille et Saint-Etienne, le mouvement ne fait pas tache d’huile dans le pays, de sorte que la Commune de Paris finit par se retrouver totalement isolée. Ses adversaires, les “Versaillais” comme on les appelle désormais, ont reçu le renfort des troupes libérées par les Prussiens, et les tentatives de sortie des “Communards”  d’une ville assiégée se soldent par de sanglants échecs. Pendant que THIERS et son armée attendent leur heure, Paris connaît une véritable effervescence politique. S’exprimant par voie de proclamations ou de journaux, des personnalités et des groupes hétéroclites – entre autres les blanquistes, les jacobins, les socialistes, les membres de l’Internationale ouvrière, les proudhoniens, les collectivistes, les patriotes, les anarchistes, etc. – tentent d’influer sur les décisions des commissions. Soumise à la fois aux pressions de diverses factions, aux initiatives personnelles et à la nécessité d’organiser la défense de la ville, la Commune alterne mesures sociales, avancées démocratiques et mesures autoritaires.

En dehors de la capitale, l’opinion publique se range derrière un pouvoir légal, qui se présente comme le garant de l’ordre face à une plèbe que l’on affuble du sobriquet de “Communeux”. Ceux-ci sont complaisamment dépeints sous la forme d’une populace homicide et enragée, héritière des sans-culottes, qui entend bouleverser l’ordre social dans le sang et la terreur. Toute une littérature anti-communarde voit le jour. C’est ainsi que de nombreux écrivains, comme Émile ZOLA, Gustave FLAUBERT, Alphonse DAUDET, Edmond de GONCOURT, Maxime DU CAMP et Alexandre DUMAS fils, conspuent dans leurs écrits les insurgés avec violence, et les poursuivront de leurs imprécations encore longtemps après la fin des combats. Les journaux sont remplis d’articles décrivant les crimes de la Commune et de la “canaille” qui compose ses rangs. Dans le même ordre d’idées, libelles et pamphlets se multiplient. Parmi eux, nous retrouvons un opuscule de 79 pages portant le titre de Dictionnaire de la Commune et des Communeux. Il s’agit du livre présenté ici.

Publié à La Rochelle en mai 1871, avant même l’écrasement final du soulèvement parisien, ce texte rédigé au vitriol est signé d’un certain chevalier d’ALIX, qui se trouve être un pseudonyme. Il semblerait que son véritable auteur soit le comte Jean-Théodose de BUTLER, descendant d’une famille irlandaise anoblie au XVIIIe siècle. Ce personnage a brièvement fait partie du cabinet du ministre de l’Intérieur, avant de devenir conseiller de la préfecture du Pas-de-Calais, secrétaire général de celle de l’Isère, puis sous-préfet, fonction qu’il occupera successivement dans divers départements. Défenseur de l’ordre, de la morale et de la propriété, ce haut fonctionnaire, par ailleurs peu favorable à la République, nourrit une profonde aversion pour la Commune. Alors que le dénouement tragique de cet épisode, unique en son genre dans l’histoire de France, n’est pas encore engagé, BUTLER veut apporter sa contribution anti-communarde sous la forme de ce qu’il désigne comme “un petit travail fantaisiste”.

Écrite dans l’improvisation la plus totale, cette publication attaque la Commune sur le mode de la satire et de l’ironie en mettant en exergue les contradictions, les divisions et les excès de certains Communards. BUTLER se gausse de ce qui, à ses yeux, n’est qu’un mouvement hors de contrôle aux idées fumeuses : “Les actes et les personnes de la Commune se succèdent en effet avec une telle rapidité, c’est un kaléidoscope à vapeur fonctionnant d’une façon tellement vertigineuse, que l’on peut à peine en suivre les lugubres évolutions. Ce qui était hier ne sera plus demain et dans huit jours, Dieu sait quels nouveaux changements aura subis le volcan en éruption. Il faudrait, chaque jour pour ainsi dire, remettre la main à notre travail, et le recommencer sans cesse.

Narquois, méprisant, outré, moqueur, ne reculant jamais devant la méchanceté gratuite, l’auteur ne voit ainsi dans les “Communeux”, dont la fange est “l’élément naturel”, qu’une “secte de gens qui communient sous les deux espèces : le sang et la boue”. Très bien informé pour avoir épluché avec soin les écrits et les déclarations des Communards, BUTLER prend un malin plaisir à citer diverses proclamations et circulaires, des arrêtés, des décrets, des articles de journaux, des affiches et des libelles. Il passe en revue les diverses personnalités de la Commune pour les dépeindre sous un jour bien peu flatteur. Sous sa plume, Paul CLUSERET est un  « ex-voleur de couvertures étant capitaine de chasseurs », doublé d’un « ex-voleur de moutons étant régisseur de M. de CARAYON-LATOUR américain » ; tandis que le général DOMBROWSKI  devient à ses yeux un “Polonais dépolonisé qui a  fait dans la fabrication des faux billets de banque son apprentissage de la fabrication des faux bulletins de victoire qu’il publie actuellement comme commandant de Paris”. De son côté, Eugène PROTOT mérite cette formule lapidaire : “Hier simple stagiaire de 24 ans. Aujourd’hui garde des Sceaux. — Vrai, ils sont bien gardés !”

Quelque temps après la parution de ce petit dictionnaire, la Commune de Paris sera écrasée au cours d’une semaine sanglante, au terme de laquelle on comptera de 20 à 30 000 tués, dont moins d’un millier dans les rangs de l’armée régulière. Il y aura plus de 38 000 arrestations, et jusqu’en 1877 les tribunaux prononceront un total d’environ 50 000 jugements qui aboutiront à la déportation de 10 000 personnes, majoritairement en Nouvelle-Calédonie. La fin des combats et l’échec du soulèvement ne calmeront pourtant pas les esprits, et la littérature anti-communarde perdurera pendant plus d’une décennie, même après le vote d’une amnistie partielle en mars 1879, suivie par une amnistie générale en juillet 1880. De son côté, BUTLER, qui n’écrira plus de pamphlets, sera encore nommé sous-préfet de Lapalisse en 1877, avant de décéder en 1884.

Quelques articles extraits de l’ouvrage

*CANONS — Les Communeux n’en prennent que sur le comptoir.

*LIBERTÉS PUBLIQUES — Le droit de faire ce que vous ordonnent, le revolver sur la gorge, une vingtaine de gredins auxquels un coup de force a donné le pouvoir pour un jour.

*PROPRIÉTÉ — Ce que l’on prend à son voisin au nom de la fraternité ; que l’on garde pour soi au nom de la liberté, et que l’on défend contre les autres jusques et y compris aux coups de fusil, au nom de l’égalité.

*DÉLUGE — Débordement général de circulaires, ordres, proclamations, déclarations, décrets, arrêtés, etc., etc.

*VALLÈS (JULES) — Ancien pion de collège et soi-disant homme de lettres. Ayant jadis écrit que « il fallait brûler les livres comme étant dangereux ou inutiles », il se trouvait tout naturellement désigné comme délégué à l’enseignement.

*MIOT — Ce membre de la Commune jouit sans doute d’une bonne santé. I1 propose que les étudiants en médecine soient autorisés, sans passer de thèse, en raison de l’abandon que la Faculté a fait de son poste, à exercer avec le titre de docteur.

*CAMISOLE DE FORCE — Uniforme réglementaire des insurgés, qu’ils cherchent à mettre à la nation.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire