Français (langue), Lexicographie, orthographe, Prononciation, Prosodie

Dictionaire critique de la langue française

dédié à Monseigneur de BOISGELIN, archevêque d'Aix, etc. l'un des quarante de l'Académie française, etc.

Auteur(s) : FERAUD Jean-François

 à Marseille, chez Jean MOSSY père et fils, imprimeurs du roi, de la ville, de la marine, etc., et libraires à la Canebière à côté du bureau des draps
 édition originale
  1787
 3 vol. : tome 1. A-D (XX-840 p.), tome 2. E-N (XII-755 p.), tome 3. O-Z (XII-852 p.)
 In-quarto
 reliure d'époque pline basane, dos à nerfs ornés, pièce de titre en maroquin rouge et de tomaison verte


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Jésuite, Jean-François FÉRAUD, surnommé l’abbé FÉRAUD, enseigne en trois langues : latin, français et anglais. Après la dissolution de son ordre en France, il s’installe brièvement dans le Comtat venaissin, avant de rejoindre en France le clergé séculier. Linguiste épris de pédagogie, traducteur, il est également l’auteur de plusieurs publications dont un Dictionnaire grammatical portatif (présent sur Dicopathe) daté de 1761, dans lequel étaient déjà apparues certaines innovations qu’il systématise et codifie dans ce qui demeure son ouvrage majeur : le Dictionaire (sic) critique de la langue française.

Contenant près de 24 000 mots en entrées multiples, ce dictionnaire de la langue française, orthographié “dictionaire” avec un seul N,en référence au latin dictionarium (rédigé par), marque une étape importante, souvent méconnue, dans l’histoire de la lexicographie de la langue française. Alain REY le désigne même comme « un maillon décisif entre le FURETIÈRE et le LITTRÉ ».

En recourant systématiquement à la numérotation, à une ponctuation normalisée et à des polices de caractères différenciées, l’auteur de ce dictionnaire offre une lisibilité rapide et facilitée. Novateur et même pionnier, FÉRAUD accorde également un soin particulier à la prononciation, en proposant pour chaque terme une transcription phonétique accompagnée de précisions (son ouvert, fermé, muet, bref, long, etc.). De même, dans un souci de simplification, les doubles consonnes sont systématiquement éliminées.

Enfin, à travers des remarques qui constituent chacune de véritables analyses, l’auteur développe ses observations personnelles sur la langue française, rappelle des règles de prononciation, de conjugaison ou d’accord, et précise des points de grammaire. Comme il le dit dans sa préface : « Celui-ci est un vrai dictionaire critique où la langue est complètement analysée. C’est un comentaire suivi de tous les mots qui sont susceptibles de quelque observation ; des remarques qui peuvent éclaircir les doutes et lever les difficultés. C’est la critique des auteurs et l’examen, la comparaison critique aussi, des divers dictionaires. »

Une des innovations majeures de l’ouvrage, en lien avec le soin accordé à la phonétique, consiste à remplacer de manière systématique le oi par le ai quand le son correspond au é (françois = français, conoître = conaître), y compris dans les conjugaisons, ce qui ne sera officiellement validé par l’Académie française qu’en 1835. Grâce à la nette délimitation des champs par la typographie et à l’utilisation des abréviations et des signes délimitateurs, les différents éléments sont désormais clairement identifiables et rompent la linéarité traditionnelle du développement des articles. Il utilise le tiret ou le double tiret pour marquer les différents champs, et si l’article est long il numérote les différents sens ou remarques.

Pour réaliser son livre, FÉRAUD a consulté une masse impressionnante d’auteurs et d’ouvrages, en particulier ceux du XVIIe et du XVIIIe siècle. Il se réfère aussi bien aux Trévoux, VAUGELAS et RICHELET qu’à l’Académie française, à MÉNAGE, à GIRARD et à PASCAL.

Notons que FÉRAUD anticipe, dans sa préface, les critiques que lui vaudront ses origines méridionales : « Je sais que dans la capitale, on a les plus terribles préventions contre les provinces méridionales pour tout ce qui regarde le langage. Mais ces préventions n’ont tout au plus quelque fondements sur la prononciation et la langue parlée, et nous avons pris sur cet objet toutes les précautions possibles. » Par ailleurs, FÉRAUD portait grande estime à sa langue maternelle et projetait la rédaction d’un dictionnaire provençal dont ne subsistent que des fragments. Dans son dictionnaire, on trouve également des allusions aux dialectes de France, y compris d’“outre-mer”.

Son dictionnaire ne rencontrera pas un réel succès public. Sa diffusion resta très limitée géographiquement, et la concurrence des dictionnaires abrégés et portatifs lui fut sans doute fatale. Malgré cet échec très relatif, ce sont avant tout la construction et la structure de ses articles qui lui assureront la postérité par le côté innovateur qu’elles présentent.

L’auteur pensait pouvoir corriger et revoir son ouvrage, comme le prouvent les manuscrits redécouverts en 1964. Tirés de l’oubli par Pierre LARTHOMAS, ces écrits constituent désormais les compléments au Dictionnaire critique de la langue française. Éveillant l’intérêt des spécialistes, ce supplément a permis de redécouvrir l’œuvre et sa grande modernité.

L’épître dédicatoire, signée MOSSY, est adressée à Jean de Dieu-Raymond de BOISGELIN de CUCE, évêque d’Aix. Pour conclure, on peut observer que l’orthographe des mots demeure fluctuante et que le souci principal de FÉRAUD, le cœur de son œuvre, reste avant tout d’ordre grammatical.

Mode de découpage d’un article

*vedette (en lettres capitales) et éventuellement sa variante. Par exemple : ACCORDER, ou ACORDER

*catégorie grammaticale sous la forme d’abréviations (subst. ou s. pour substantif, adj. pour adjectif, etc.). Pour le cas cité précédemment : v. act. (verbe actif)

*éléments de phonétique et de prononciation, entre crochets. Pour accorder : [Akordé, bref, 3e é fermé]

*définition avec les différents sens numérotés, avec un exemple d’application. toujours en suivant la définition d’accorder : 1-mettre d’accord. On vient de les accorder. 2-Concilier. Acordez ces deux textes. 3-Mettre des instruments à l’unisson, et ainsi de suite

*sous-vedette ou terme dérivé (en caractères normaux mais en italique). Ici, S’acorder

*remarque critique (rem.). Développement de forme discursive, fréquemment émaillé de citations (avec des guillemets), concernant le plus souvent des points de grammaire, de syntaxe, de conjugaison ou autres.

Ponctuellement, on peut trouver des renvois à des synonymes et des notions d’étymologie.



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