Synonymes, Grammaire, Français (langue)

Nouveaux synonymes françois

Auteur(s) : ROUBAUD Pierre-Joseph-André

 à Paris, chez MOUTARD, imprimeur-libraire de la Reine, de Madame & de Madame Comtesse d'Artois, rue des Mathurins, hôtel de Cluni
 édition originale
  1785-1786
 4 vol (2100 p. environ)
 In-octavo
 veau marbré, dos à cinq nerfs, ornés de motifs dorés


Plus d'informations sur cet ouvrage :

 Natif d’Avignon, Pierre-Joseph-André ROUBAUD, plus connu sous le nom de plume d’abbé ROUBAUD, fait ses études dans sa ville natale. Ayant embrassé la carrière ecclésiastique – plus par nécessité que par vocation, étant né dans une famille nombreuse et peu aisée -, il se fixe à Paris. Il commence par mener des recherches grammaticales avant de s’orienter vers d’autres thématiques, en particulier la physiocratie.

Frère de Joseph-Marie ROUBAUD  et de ROUBAUD de TRESSÉOL, notre homme se lie avec des économistes dont il partage et défend la doctrine dans différentes publications favorables à la physiocratie, comme le Journal de l’agriculture, du commerce et des finances et Les Éphémérides du citoyen. En 1768, il publie anonymement Le Politique indien dans lequel il critique l’esclavage,  avant de signer un article qui défend les idées-clés de la physiocratie et lui vaudra d’être la cible de pamphlets.

Il n’en n’oublie pas pour autant son intérêt pour la langue française et en particulier pour tout ce qui se rapporte à la sémantique, à l’étymologie et au vocabulaire. C’est ainsi qu’il écrit : “Le principal mérite d’une langue consiste dans la clarté ; ou plutôt tout le mérite d’une langue se réduit à la clarté. Expliquez-vous, entendons-nous ; voilà tout ce que la société demande au langage & tout ce que le langage fait pour la société. Je ne dirai pas que, sans la définition ou sans une notion exacte des mots, sans le développement de leurs propriétés, vous ne sentirez jamais toute l’énergie du langage qui, par le nom même qu’il donne à l’objet, vous en retrace le caractère ou le tableau ; que vous ne sauriez acquérir cette justesse d’expression, qui consiste dans le parfait accord du signe avec la chose signifiée.” C’est alors qu’il se lance dans la rédaction d’un ouvrage qui lui prendra plusieurs années. Ses quatre gros volumes seront publiés en 1785 sous le titre : Nouveaux Synonymes françois ; c’est l’ouvrage que nous vous présentons ici.

Il aura fallu attendre le XVIIe siècle pour voir les lexicographes s’intéresser au sujet de la similarité sémantique des termes présents dans les lexiques et les dictionnaires. Le premier, Antoine de MONTMÉRAN, est en 1645 l’auteur de Synonymes et épithètes françois, suivi par le Dictionnaire de l’Académie françoise – institution à laquelle ROUBAUD dédie son livre -, qui s’attache à donner des synonymes et équivalents dans ses définitions. C’est en 1718 que paraît le premier véritable dictionnaire des synonymes de la langue française de l’abbé GIRARD, sous le titre : La Justesse de la langue françoise ou les différentes significations des mots qui passent pour synonymes. Cet ouvrage fera date et conservera un quasi-monopole sur le sujet pendant un demi-siècle. Loin de se contenter de dresser une simple liste, GIRARD ambitionne de décrire des termes proches dans leur signification générale en pratiquant une analyse sémantique approfondie. Il parle ainsi de la “différence délicate des synonymes” et s’intéresse au “caractère singulier de ces mots, qui, se ressemblant comme frères par une idée commune, sont néanmoins distingués l’un de l’autre par quelque idée accessoire & particulière à chacun d’eux”.

ROUBAUD quant à lui réussira à pousser plus loin que son illustre prédécesseur le travail sémantique et les analyses étymologiques. Son travail, qui sera salué par ses pairs, lui vaudra, en 1786, de recevoir le prix d’utilité de l’Académie française. Dans son dictionnaire, chaque entrée donne lieu à une longue démonstration agrémentée de nombreux exemples, de citations et de considérations historico-étymologiques. Il n’est pas toujours aisé de suivre dans les méandres de sa pensée un auteur qui digresse volontiers. Force est cependant pour le lecteur de reconnaître que ROUBAUD a, pour chaque mot, cherché à en extraire le plus d’interprétations possible.

En revanche, l’auteur se montre rétif à valider les définitions de certains mots issus du parler populaire et des métiers, de même que ceux qu’il range dans la catégorie “néologismes”, expliquant sa position en ces termes : “L’usage est donc aussi un oracle que je consulte ; mais l’usage ancien, constant, général, c’est celui-là qui, en matière de langue, fait loi, comme la coutume immémoriale consacrée, inviolable, en matière civile. Un usage nouveau n’est encore qu’une mode nouvelle ; il n’a point d’autorité.”

Le Dictionnaire des synonymes, qui rencontrera un beau succès, sera réédité en 1796 dans une version remaniée, corrigée et augmentée. Son influence persistera le siècle suivant, jusqu’à François GUIZOT qui s’en inspirera en bonne part pour rédiger son Nouveau Dictionnaire universel des synonymes de la langue française.

Extrait

Enfin, A la fin, Finalement : Enfin signifie en finissant, pour finir, pour conclusion, en un mot. A la fin signifie après tout cela, au bout du compte, en dernière analyse, pour résultat des choses. Finalement signifie enfin final, comme on a dit, ou à la fin finale, c’est dire, pour dernière conclusion, définitivement selon la valeur du mot final qui ne s’applique qu’à certains objets. On dit une quittance finale, une révision finale de comptes, une sentence finale, &c. toujours pour indiquer une dernière opération sans aucun retour ; mais finalement est vieux & populaire. Suivant ces explications données ou reçues par les Vocabulistes, enfin annonce particulièrement la fin ou la conclusion d’un discours, d’un récit, d’un raisonnement. A la fin annonce la fin ou le résultat des choses, des affaires, des événements, considérés en eux-mêmes. Finalement annoncerait un résultat final ou une conclusion finale.

Enfin, c’est mon plaisir, je veux me satisfaire. Enfin, il résulte de là que la loi seule doit commander. Enfin, ce qui est arrivé peut arriver encore. Ce mot ne marque, dans ces phrases, & autres semblables, que la conclusion de quelque discours. A la fin, le masque tombe, & l’homme reste. A la fin, tous les impôts retombent sur les propriétaires des terres. A la fin, tout périt. Cette locution désigne le résultat propre des choses, sans égard au discours. Nos comptes sont finalement arrêtés ; vos raisons sont finalement déduites ; l’affaire est finalement jugée : cet adverbe indique une chose entièrement consommée. Enfin s’applique quelquefois aux choses, au lieu qu’à la fin ne peut guère s’appliquer au discours. Alors enfin ne sert qu’à indiquer la lenteur de l’événement, arrivé après beaucoup de temps, d’attente, d’incertitude : à la fin marque le terme auquel aboutit tôt ou tard une suite d’événements, surtout après & malgré des conditions, des accidents contraires, ou telles autres circonstances.



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