Jardinage, horticulture, Botanique

Dictionnaire des jardiniers

contenant les méthodes les plus sûres et les plus modernes pour cultiver et améliorer les jardins Potagers, à fruits, à fleurs, et les pépinières ; ainsi que pour réformer les anciennes pratiques d'Agriculture : avec des moyens nouveaux de faire et conserver le vin, suivant les procédés actuellement en usage parmi les vignerons les plus instruits de plusieurs pays de l'Europe ; et dans lequel on donne des préceptes pour multiplier et faire prospérer tous les objets soumis à l'Agriculture, et la manière d'employer toutes sortes de Bois de Charpente.

Auteur(s) : MILLER Philipp

 

CHAZELLES Laurent de, HOLANDRE François

 à paris, chez GUILLOT, librairie de Monsieur, rue S. Jacques, vis-à-vis celles des Mathurins
 édition originale, "ouvrage traduit de l'anglois sur la huitième édition"
  1785
 8 vol
 In-quarto
 cuir fauve, dos à cinq nerfs ornés de fleurons et de motifs dorés
 frontispice, 25 planches en noir et blanc


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils d’un pépiniériste écossais venu faire fortune à Londres, Philip MILLER bénéficie d’une solide éducation en sciences, langues et botanique. Il crée sa propre affaire, spécialisée dans les fleurs et les arbustes ornementaux. En 1723, il est recommandé par le très influent Hans SLOANE pour le poste de jardinier en chef du Chelsea Physic Garden. Une fois installé à ce poste prestigieux, qu’il occupera pendant une cinquantaine d’années, MILLER publie une première version d’un dictionnaire pratique de botanique qu’il envisage depuis longtemps déjà, The Gardeners and Florists Dictionary, or a Complete System of Horticulture. Bien que déjà conséquent, cet ouvrage n’est pourtant qu’une ébauche de la grande œuvre sur laquelle il continue à travailler sans relâche. Expérimentant sans cesse, il se documente en correspondant activement avec de nombreux botanistes, qui lui adressent de nouveaux spécimens, provenant en particulier d’Amérique et d’Asie. Sous sa direction, le jardin botanique, doté d’une collection exotique unique en son genre, devient un des plus importants d’Europe. Nous lui devons, entre autres, l’introduction du coton dans la colonie américaine de Géorgie.

En 1731, MILLER publie ce qui restera son “magnum opus”, le Gardeners Dictionary, un ouvrage appelé à connaître un grand retentissement international. Celui-ci, riche de huit gros volumes, réalise la synthèse des découvertes récentes faites par l’auteur et d’autres botanistes et présente les techniques les plus modernes, aussi bien pour l’horticulture, l’arboriculture, la sylviculture, l’agriculture, que pour la culture des vignes et la conservation du vin. C’est ainsi que chacun peut trouver dans cette véritable encyclopédie des recettes pour améliorer la productivité de sa pépinière, de son verger, de son potager, de son bois ou de ses champs.

Le succès du dictionnaire encourage des libraires français à faire réaliser une traduction de cet ouvrage majeur, annonciateur de la “révolution agricole” qui commence à se dessiner dans certaines régions pionnières. Une “Société de gens de lettres” est alors fondée pour accomplir cette mission. L’édition choisie comme référence est la plus récente, soit la huitième datant de 1768. Ce choix a son importance, car en plus des ajouts effectués depuis 1731, dont des gravures sur cuivre, MILLER, qui avait longtemps été très réticent à se rallier à la classification de LINNÉ, accepte enfin pour l’essentiel de s’y conformer. La tâche d’adapter et compléter le Gardeners Dictionary échoit alors à deux savants : l’agronome Laurent de CHAZELLES et le médecin, naturaliste et botaniste François HOLANDRE. Les deux hommes s’acquittent de leur travail avec un certain brio, complétant l’ensemble avec les plantes entretemps découvertes, et mettant un point d’honneur à substituer aux noms anglais des noms français. Le livre, traduit de l’anglais, sera publié en 1785 sous le titre Dictionnaire des jardiniers.

Dans l’introduction, les auteurs ont intégré un éloge philosophique à la nature, conforme à l’air du temps qui voudrait que celle-ci soit prônée comme une valeur morale : “Ô vous, riches habitants des cités, que l’ennui poursuit au sein du luxe et de la mollesse ! Voulez-vous goûter encore de nouvelles jouissances, un bonheur durable ? Quittez vos lambris dorés, abandonnez les vaines intrigues de l’ambition ; venez dans nos campagnes, vous y respirerez un air pur ; et si vos cœurs peuvent encore s’ouvrir à des plaisirs simples, vous y trouverez la véritable félicité.”

CHAZELLES et HOLANDRE mettent en avant la grande qualité du travail effectué par MILLER, décédé en 1771 : “Il ne donne aucune méthode sans l’avoir éprouvée pendant une longue suite d’années : son style est simple et à la portée de tout le monde ; les moindres procédés sont décrits, tous les cas sont prévus, et le jardinier qui le prend pour guide ne peut jamais s’égarer, parce que sa main est constamment dirigée, depuis l’instant où la plante sort de terre jusqu’au moment de sa maturité.” Les articles sont précis et détaillés, tout en restant accessibles à un très large public grâce à un langage clair et un style méthodique. Véritable mine d’informations pratiques entérinées par l’expérience, et dispensateur de multiples recettes et astuces, ce dictionnaire devient quasi immédiatement un classique. Il connaîtra une seconde jeunesse au siècle suivant lorsqu’il sera remanié, entre 1831 et 1838, par le botaniste écossais George DON, sous le titre A general system of gardening and botany. Founded upon Miller’s Gardeners dictionary, and arranged according to the natural system.

Considérant que l’édition de 1785, bien que déjà augmentée, souffre de lacunes, CHAZELLES fait le choix de lui adjoindre deux tomes de suppléments qui sont imprimés et publiés à Metz, ville où il occupe de hautes responsabilités au sein du parlement. Dans un avant-propos, il précise : “Une description de toutes les plantes est un travail immense, dont il est impossible d’approcher du but : des connaissances nouvellement acquises en font apercevoir d’autres à acquérir encore, et nos traités demeurent toujours incomplets. C’est ainsi que Miller, après avoir presque épuisé la matière, n’a pas indiqué la moitié des plantes qui sont connues aujourd’hui.”

Extrait

  • Fraisier : Tout le succès de cette culture dépend du choix des plantes dans chaque espèce ; car si elles sont prises confusément & sans aucun soin, la plus grande partie deviendra stérile, & ne donnera qu’une grande quantité de fleurs, mais point de fruit : si on examine bien ces fleurs, on s’apercevra que la plupart d’entre elles n’ont point les organes femelles de la génération ; elles abondent en étamines, mais avec peu ou point de styles ; il arrive souvent que quelques-unes de ces plantes stériles produisent des fruits imparfaits qui mûrissent quelquefois. Cette stérilité n’est pas particulière aux fraisiers, mais elle est générale à toutes les plantes qui ont des racines & des tiges rampantes ; plus elles se multiplient l’une par l’autre, & plus tôt elles deviennent stériles, & sujettes à s’étendre encore davantage : on peut en dire autant des arbres & des arbrisseaux multipliés par boutures, qui deviennent ordinairement stériles & ne produisent plus de semences après deux générations ; c’est-à dire quand elles ont été prises sur des plantes élevées de boutures, ainsi que je l’ai éprouvé constamment sur un grand nombre d’espèces. Il arrive souvent aussi que les fruits des arbres fruitiers souvent greffés n’ont plus de graines ni d’amandes. Mais, pour revenir au choix des fraisiers, on ne doit jamais les prendre sur de vieilles planches négligées, où l’on a laissé les plantes s’étendre & couler en une multitude de rejetons, non plus que sur des pieds qui ne soient pas fort fructueux ; on doit toujours préférer les rejetons qui approchent le plus des vieilles plantes, à ceux qui sont plus éloignés : les fraisiers sauvages, qui croissent dans les bois, étant moins sujets à s’étendre que ceux qui sont cultivés depuis longtemps dans les jardins, doivent être préférés ; mais il faut toujours choisir les plants les plus fructueux. Quand ces plantes ont formé de nouvelles racines, & que l’hiver suivant est rude, il faut mettre du vieux tan sur la terre, entre les plantes, pour empêcher la gelée d’y pénétrer, ce qui est absolument nécessaire aux fraisiers du Chili, qui sont souvent détruits dans les hivers durs, quand ils y sont exposés sans aucune couverture. Si l’on a de la peine à se procurer du tan, on peut y suppléer par de la sciure de bois, ou des cendres de charbon de terre, ou des feuilles sèches.


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