
Dictionnaire des dictionnaires (Le)
Lettres, science, art. Encyclopédie universelle
Auteur(s) : GUÉRIN Paul
LOLIÉE Frédéric
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Né en mars 1830 dans l’Indre, Paul GUÉRIN passe par le grand séminaire de Bourges, avant de devenir professeur de philosophie au collège de Saint-Dizier. Très actif, il consacre son temps libre à traduire le Paradis perdu et à composer une monumentale Vie des saints. Entre 1858 et 1860, GUÉRIN publiera quatre volumes qui connaîtront plusieurs éditions et serviront de base à la série Les Petits Bollandistes. En 1863, son frère Louis, qui s’est auparavant essayé au journalisme, achète une imprimerie à Bar-le-Duc et demande à Paul de l’assister. Avec la permission de l’évêque de Langres, ce dernier s’installe dans cette ville et prend la direction éditoriale d’un établissement qui va se spécialiser dans la littérature religieuse. GUÉRIN ne cesse d’écrire et son travail, très apprécié en haut lieu, lui permet d’être nommé en 1868 camérier du Pape puis protonotaire apostolique. Ces titres honorifiques lui vaudront à plusieurs reprises d’être qualifié de “Monseigneur” dans certaines publications.
Attentif à la multiplication des dictionnaires en tous genres et à la publication de grands ouvrages encyclopédiques, GUÉRIN estime que beaucoup de ces ouvrages sont partisans quand ils critiquent la religion en général, l’Église catholique en particulier. Il en juge le contenu inégal, parfois même médiocre y compris dans la rédaction. Il décide alors de ne pas réaliser une nouvelle encyclopédie ex nihilo, mais une synthèse qui réunirait, dans un seul ouvrage, “tout ce que les autres contiennent d’utile, d’intéressant et de curieux, et satisfaisant le grand nombre de lecteurs”, perpétuant ainsi la très ancienne tradition des compilations encyclopédiques. Le titre résume parfaitement l’entreprise : il s’agit du Dictionnaire des dictionnaires. Les six tomes de la première édition sont publiés sur quatre années, entre 1886 et 1890. Elle sera suivie en 1892 d’une seconde édition et de la publication, en 1895, d’un supplément richement illustré.
Pour se démarquer de la concurrence, l’auteur ambitionne de se limiter à un nombre raisonnable de tomes pour conserver un prix de vente attractif et capter une large audience. Pour bâtir son encyclopédie, GUÉRIN s’inspire de deux ouvrages de référence. En premier lieu du Littré, qu’il veut égaler puis dépasser en accroissant le nombre et la longueur des définitions, mais aussi en intégrant des citations et des références issues de la littérature contemporaine. Le parti pris, clairement revendiqué, est exprimé en ces termes : “Tout en ayant choisi pour modèle, quant à l’anatomie des articles, l’admirable travail de Littré, il le dépasse par l’abondance de la nomenclature, par la diversité des exemples et par l’extension du cadre des auteurs.” L’autre modèle incontournable, qui n’est pourtant pas explicitement invoqué du fait du caractère très anticlérical de son initiateur, est l’ouvrage de Pierre LAROUSSE, dont le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle a posé les bases d’un nouvel encyclopédisme à la fois érudit et grand public. Bien entendu, Le Dictionnaire des dictionnaires apporte un soin particulier à ce qui relève de la théologie, veillant, avec une relative discrétion et un souci constant, à éviter tout ce qui pourrait offenser le dogme catholique.
Pour assurer une caution scientifique à ce chantier, GUÉRIN entreprend de recruter des contributeurs qualifiés. Le rôle de principal collaborateur revient à l’écrivain, journaliste et homme de lettres Frédéric LOLIÉE. Bien que ce dernier ne soit pas mis à l’honneur dans l’ouvrage – où il est décrit comme un “attaché à la direction du Dictionnaire des dictionnaires” -, il en signe néanmoins la longue introduction qui détaille l’organisation et la philosophie de l’ouvrage. Certains spécialistes émettent l’hypothèse qu’il serait en réalité celui qui aurait mis en œuvre et supervisé la conception du livre. Parmi les contributeurs qui ont rejoint l’aventure éditoriale, nous retrouvons des personnalités issues d’un grand nombre d’académies, de l’Institut ou du Collège de France, tels Frédéric GODEFROY, Octave GRÉARD, Charles BARBIER de MEYNARD, Alfred RAMBAUD, Pierre-Émile LEVASSEUR, Charles RICHET et Camille SAINT-SAËNS.
À l’image du Dictionnaire universel de LAROUSSE, le contenu des six premiers volumes est très dense, austère, imprimé avec des petits caractères. Le supplément illustré, qui souhaite rivaliser avec la concurrence, propose 202 cartes, 263 tableaux et 6877 figures insérés dans le texte. L’ouvrage connaîtra un certain succès bien que concurrencé par la parution simultanée de la monumentale Grande Encyclopédie. Avec la parution du Nouveau Larousse illustré, les ventes marqueront clairement le pas et GUÉRIN lancera alors le projet d’un Nouveau Dictionnaire des dictionnaires illustré en huit volumes, riche de 20 000 gravures et vendu par souscription à partir de 1899. Mais, en proie à de graves difficultés financières, l’opération périclite, sa maison d’édition fait faillite et il se voit lui-même condamné en 1901 à la prison pour dettes. Après sa libération, il se retirera dans le Lot où, en 1908, il mourra dans l’anonymat.