Dictionnaire d’archéologie égyptienne
Auteur(s) : PIERRET Charles Paul
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Né à Rambouillet en 1836, Charles Paul PIERRET embrasse la carrière d’archéologue et devient rapidement un spécialiste reconnu en égyptologie. En 1873, il succède à Emmanuel de ROUGÉ à la tête du département des Antiquités égyptiennes au Louvre, publiant la même année un Catalogue de la salle historique de la galerie égyptienne. Plus vulgarisateur que son prédécesseur, il entreprend de réaliser un ouvrage de synthèse qui permettrait de présenter au grand public les avancées réalisées dans la connaissance de cette grande civilisation antique, dont l’histoire s’est étalée sur des millénaires. En 1875, il publie, avec l’assistance de l’Imprimerie nationale, un Dictionnaire d’archéologie égyptienne ; c’est le livre que nous vous présentons ici.
Désirant que son ouvrage soit le plus accessible possible aux non-spécialistes, PIERRET opte pour des textes assez courts, mais sans dégrader la qualité d’un contenu irréprochable d’un point de vue scientifique et technique. L’auteur inclut dans ses définitions de termes spécifiquement égyptiens leur retranscription en hiéroglyphes, le nom des personnes se trouvant accompagné de leur cartouche. Des mots en grec ou en copte, ainsi que plus rarement en hébreu, parsèment également certains articles. Preuve d’une certaine humilité, il s’appuie sur le travail de ses collègues, qu’il cite abondamment. Science encore relativement jeune – le déchiffrement des hiéroglyphes ne date que de 1822 -, l’égyptologie s’est considérablement développée en quelques décennies, engendrant un grand engouement du public et une certaine émulation entre nations. Sur place, les grandes campagnes de fouilles se multiplient mais, pour autant, des zones d’ombre et des lacunes subsistent, en particulier pour ce qui se rapporte à la connaissance de la vie quotidienne des classes populaires. De même, certaines erreurs d’interprétation et de terminologie persistent qui, par la suite, seront corrigées grâce à de nouvelles sources.
En 1879 et 1881, PIERRET complète son dictionnaire avec deux ouvrages consacrés à la mythologie et au riche panthéon égyptiens. En 1882, il publie une version française du fameux Livre des morts – surnommée la Bible de l’ancienne Égypte – en se basant sur le papyrus de Turin et les manuscrits conservés au Louvre. Cette même année, qui est aussi celle de la création de l’École du Louvre, il y prend possession de la première chaire d’égyptologie. Personnalité respectée de ses pairs, PIERRET cède finalement sa place à Georges BÉNÉDITE, en 1907, avant de décéder à Rambouillet en 1916.
Si, en l’espace de quelques décennies, son dictionnaire deviendra inévitablement en grande partie obsolète, du fait de découvertes de sites et de documents majeurs, cet ouvrage restera malgré tout un titre de référence, apprécié des spécialistes. Dans la préface de la réédition de 2016, l’égyptologue Bernard MATHIEU rendra hommage à son auteur pour une action ainsi caractérisée : “Un respect des devanciers qui, ajouté à sa connaissance intime des monuments du Louvre dont il avait la charge et à d’authentiques qualités de philologue, est la marque des vrais savants.”
Extraits
– Bastonnade. Les monuments nous montrent la bastonnade administrée à des hommes et à des enfants étendus à terre, et tenus par les pieds et les mains. On voit des ouvriers stimulés à coups de bâton et même une femme qui, agenouillée, est fustigée sur le dos par la main d’un homme. Il est triste à dire, pour la procédure égyptienne, que ce traitement était infligé, non seulement aux coupables, mais aussi aux inculpés et même aux témoins. Un papyrus judiciaire dit positivement que “un voleur fut interrogé à coups de bâton : la bastonnade lui fut donnée sur les pieds et sur les mains”.
– Tablettes ou Étiquettes de momies. Ces planchettes de forme quadrangulaire, à double oreillette, étaient percées de trous par lesquels une cordelette les attachait aux caisses de momies : on y inscrivait le nom et quelquefois l’âge du mort au moment de le déposer dans la chambre sépulcrale ou de le transporter d’une localité dans une autre. Ce mode ne fut usité que sous la domination grecque : les étiquettes de momies rencontrées jusqu’ici n’ont fourni que des noms grecs ou des noms égyptiens hellénisés. M. Ed. Le Blant a publié dans la Revue archéologique (octobre à décembre 1874 ; mars à mai 1875) un travail d’ensemble sur ces petits monuments.
– Bouche. L’homme accroupi portant la main à la bouche est le déterminatif des mots relatifs à la parole, au sentiment, au goût, à la nourriture. Ce geste, qui est aussi celui de l’enfance, comportait, pour les Égyptiens, une attitude d’humilité, comme le témoigne la phrase suivante du papyrus Sallier II : « Quand le maître de la maison est chez lui, assieds-toi, la main à ta bouche, comme fait celui qui a quelque chose à implorer de toi. »
– Hippopotame. L’hippopotame, qui a toujours dû être plus abondant dans la partie sud que dans la partie nord de l’Égypte, était redouté des cultivateurs et traqué par eux à cause des ravages qu’il faisait dans les champs. On l’attaquait de la manière décrite par Diodore, à coups de harpons. Après avoir fixé une corde à l’un de ces harpons enfoncés dans les chairs, on la lâchait jusqu’à ce que l’animal demeurât épuisé par la perte de son sang. On tirait profit de sa peau pour la fabrication de certaines armes, notamment pour recouvrir les boucliers. La déesse Apet, ou Thouëris, dont Plutarque fait la concubine de Typhon, était représentée avec une tête d’hippopotame.
– Femme. Au nombre des faits qui constatent de toute antiquité la haute civilisation et l’aménité des mœurs chez les Égyptiens, il faut placer la déférence et le respect dont la femme fut constamment entourée ; loin de disparaître, comme chez toutes les autres nations de l’Orient, dans l’obscure réclusion du harem, l’épouse égyptienne était la véritable maîtresse de la maison, la neb-t-pa selon l’expression des textes. Ce titre, qui accompagne presque toujours celui de mère dans les stèles funéraires, remplace quelquefois celui d’épouse. Les femmes pouvaient occuper le trône ; elles étaient associées aux honneurs rendus à leurs époux, et leur influence dans la famille est rendue sensible par l’usage qu’avaient les Égyptiens d’indiquer le nom de leur mère plutôt que celui de leur père. Hérodote et Diodore de Sicile ont parlé de la liberté et du pouvoir des femmes en Égypte ; néanmoins, il faut reléguer au nombre des fables ce que ces deux historiens ont rapporté, soit de l’esclavage des hommes, soit de l’incompatibilité des femmes pour le sacerdoce. Les documents originaux sont concluants pour démontrer l’erreur dans laquelle ils sont tombés à cet égard. (Chabas, Pap. mag. Harris.) « La femme, dit M. Mariette (Catal. de Boulaq), prenait une large place dans la famille. Les droits qu’elle tenait de sa naissance n’étaient pas absorbés dans ceux du mari, et elle les transmettait intacts à ses enfants. À certaines époques, les tableaux de famille nomment souvent la mère à l’exclusion du père. »






